Le non respect du formalisme de l’acte de cautionnement
L'article L. 341-2 du Code de la consommation, introduit par cette loi, a renforcé le formalisme de la mention manuscrite devant figurer sur tout acte de cautionnement sous seing privé contracté par une personne physique envers un créancier professionnel.
Cet article dispose que « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même.
Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...».
Néanmoins, les différentes imperfections du droit du cautionnement, relevées par la doctrine dès l’adoption de la loi, sont à l’origine d’un contentieux abondant porté devant les juridictions.
La difficulté pratique concerne le cas dans lequel la lettre même des textes n’a pas été respectée.
Les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation imposent que des mentions manuscrites soient impérativement, à peine de nullité, apposées de manière successive par les cautions, tout en respectant de manière scrupuleuse le contenu des termes des textes.
Ainsi, dans un arrêt du 28 avril 2009, il a été jugé qu’ « est nul l'engagement de caution, pris par acte sous seing privé, par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-2 du Code de la consommation » (Cass. com., 28 avr. 2009, n° 08-11.616, FS-P+B, Le Maner c/ Banque Populaire du Sud : JurisData n° 2009-047975).
La Cour d’appel de Paris a précisé qu’il n’était pas possible que les deux formules soient notamment mélangées dans une seule et unique mention qui cependant reprendrait les principaux éléments des textes (CA Paris, 15e ch. B, 5 mars 2009, no RG : 07/08612, JCP E 2009, 150, no 4, obs. Simler Ph.).
Un arrêt rendu le 5 avril 2011 confirme l’importance d’une telle rigueur (Cass. com., 5 avr. 2011, no 09-14.358).
En l’espèce, un couple s’était engagé, le 30 avril 2004, en qualité de caution envers une banque pour garantir le recouvrement d’une dette souscrite par une société au sein de laquelle le mari était doté de la qualité de gérant.
À la suite de la défaillance de cette société, placée en liquidation judiciaire, la banque assigne les cautions en exécution de leur engagement. Celles-ci contestent l’efficacité du contrat signé, le formalisme prévu à l’article L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation n’ayant pas été respecté au mot près : alors que le texte impose que soit écrite la formule « en me portant caution de X, dans la limite de la somme de ... », il avait été rédigé « je soussigné, M. X déclare me porter caution solidaire du règlement de la somme de... ».
De plus, la caution avait employé le verbe « régler » et non « rembourser » énoncé par le Code de la consommation. Après une décision rendue en première instance, un appel est interjeté et la Cour d’appel de Caen, le 12 mars 2009, décide d’annuler le contrat de cautionnement, les mentions manuscrites, certes semblables à celles exigées par les textes, n’étant pas parfaitement conformes à ces derniers.
La banque forma un pourvoi en cassation, afin que soit reconnue l’efficacité du contrat signé en avril 2004, la mention se rapprochant très largement des impératifs des articles précités et étant parfaitement conforme à l’esprit de la loi car les cautions avaient bénéficié d’une parfaite information relative à la nature et la portée de l’engagement.
En dépit de tels arguments, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejeta le pourvoi en cassation et confirma ainsi la nullité des engagements en qualité de caution « du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation édictées à peine de nullité » (Cass. com., 5 avr. 2011, no 09-14.358, P+B).
Le raisonnement retenu et les termes de la solution sont parfaitement conformes à l’avis précédemment rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 novembre 2010 à propos du même contentieux (Cass. 1re civ. avis, 15 nov. 2010, no 09-14.358).
Un élément strictement objectif, le recopiage exhaustif de la mention, est ainsi privilégié, quelle que soit l’éventuelle compréhension de la formule, certes incomplète, préalablement rédigée par la caution.
L’argument de l’auteur du pourvoi, à savoir « la parfaite information dont avait bénéficié la caution quant à la nature et la portée de son engagement », est donc écarté de matière automatique, sans que les juges du fond ne puissent bénéficier d’un éventuel pouvoir d’appréciation.
La rigueur de telles solutions peut être justifiée par la volonté de garantir une cohérente sécurité juridique : le respect du formalisme assure l’uniformisation des décisions et écarte tout risque d’aléa lié à l’appréciation du juge.
Il appartient dès lors aux créanciers d’être particulièrement vigilants, afin d’éviter toute mauvaise surprise postérieure à la conclusion de l’acte, la Cour de cassation n’admettant que de manière exceptionnelle un tempérament à l’annulation du contrat de cautionnement pour non-respect des exigences formelles.
Les tempéraments à l’annulation de l’acte de cautionnement
Le formalisme du contrat de caution est légitimé par la volonté de s’assurer que celui qui s’engage en qualité de garant a bien réalisé la portée de son engagement.
Il a été jugé que dès lors que la rédaction d’une mention manuscrite, même non exactement conforme au texte, démontre que la caution a pu comprendre cette portée, il convient d’écarter toute remise en cause de l’efficacité de la sûreté.
La Cour d’appel de Paris a, en effet, considéré que la mention qui stipulait non, conformément au terme de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, « En me portant caution de... », mais la formule suivante, « Je soussigné M... déclare me porter caution de... », devait être admise (CA Paris, pôle 5, ch. 6, 3 juin 2010, no RG : 08/06161, X c/ SA HSBC France).
Est réellement privilégié un critère non plus objectif, lié au seul non-respect du formalisme, mais subjectif, en fonction de la compréhension de l’acte signé.
Une certaine souplesse a donc été ponctuellement retenue par les juges du fond.
Une telle mention apposée par la caution, n’affectait ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite et se révélait sans incidence sur l’efficacité de la sûreté.
Un raisonnement similaire a été retenu dans un autre arrêt rendu par la chambre commerciale le 5 avril 2011 (Cass. com., 5 avr. 2011, no 10-16.426).
La particularité des contrats signés résidait dans la rédaction des deux mentions prévues aux articles précités, séparées par une virgule et non par un point.
La Cour a, estimé que « l’apposition d’une virgule entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité n’affecte pas la portée des mentions manuscrites conformes aux dispositions légales ».
Je me tiens à votre disposition pour tous contentieux.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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