Garantie de passif : les diverses obligations du cédant
Par la clause de garantie, le cédant s'engage à supporter le passif révélé après la cession mais dont l'origine est antérieure. Elle peut conduire le cédant à payer davantage que le prix qu'il a reçu lors de la vente. Voici quelques écueils à connaitre pour le cédant concernant ces clauses :
Avant toute chose, sachez que les juges ne peuvent interpréter la clause de garantie de passif que si celle-ci est obscure ou ambiguë (Cass. com., 23 mai 2006).
Cependant, même en présence d'une véritable clause de garantie de passif, une interprétation peut encore être nécessaire pour en déterminer l'ampleur et les conditions de mise en œuvre.
Puis-je limiter ma responsabilité au regard du nombre de parts cédées ?
Dans la plupart des cas, la clause de garantie de passif est générale et vise l’entièreté du passif social. Ainsi, lorsque vous vous engagez à régler personnellement toutes les dettes sociales non inscrites au bilan, la portée de cette clause ne peut être réduite au prorata du nombre de parts sociales ou d’actions que vous avez cédées (Cass. com., 12 juill. 2005).
Cette considération jurisprudentielle s’efface en revanche automatiquement lorsque les parties ont stipulé une clause de proportionnalité (Cass. com., 14 déc. 2010).
La clause peut-elle aller au-delà de ce qui est écrit ou expressément exclu ?
En règle générale, la clause de garantie ne saurait être étendue au-delà de son objet et de ce qui a été clairement indiqué par les parties.
Ainsi, lorsque vous avez stipulé une clause excluant expressément certains risques qui ont fait l'objet d'une information préalable, la clause de garantie ne peut être étendue à ces mêmes risques.
De même, une clause prévoyant l'obligation pour le cédant de régler tout passif de quelque nature qu'il soit ne peut être étendue à la garantie de « l'actif net » (Cass. com., 14 mai 1985), les parties ne l’ayant pas expressément prévu. Logique donc.
Le passif révélé après la cession doit avoir une origine antérieure à celle-ci pour que la clause de garantie de passif puisse être utilement mise en œuvre. La détermination de la date d'origine du passif est donc primordiale et peut parfois poser difficulté, notamment dans le cadre d’un licenciement survenu après la date de cession.
Les indemnités issues du licenciement d’un salarié postérieur à la date de cession des parts peuvent-elles vous être opposées au regard de la clause de garantie de passif ?
Il est trivial d’énoncer que la clause de garantie de passif prévoyant la garantie de dettes nées avant la cession ne saurait être étendu aux dettes nées après (Cass. com., 10 déc. 2003).
Ainsi, si un licenciement a lieu après cette date, les indemnités en résultant ne seront pas à la charge du cédant mais du cessionnaire, même si le licenciement fait suite à un « litige en germe » antérieur à la cession car le fait générateur de l’indemnité est le licenciement et non le litige antérieur (Cass. com., 31 mars 2009).
En tout état de cause, nous pouvons dire que le passif des relations avec vos salariés n’est pas donc pas compris dans cette clause et ne saurait vous être reproché a posteriori.
La stipulation d’une garantie contractuelle peut-elle empêcher l’action en nullité de la cession pour dol de la part du cessionnaire ?
L’interprétation d’une clause de garantie de passif ne peut amener à ce qu’elle se retourne contre son bénéficiaire. Ainsi, la clause de garantie de passif s'ajoutant aux dispositions légales visant à protéger l'acquéreur ne fait pas obstacle à ce que ce dernier, lorsque son consentement a été vicié, invoque la nullité de la cession pour cause de dol, action à laquelle il n'a pas renoncé du fait de la stipulation d'une garantie contractuelle (Cass. com., 2 mai 2007).
Vous ne pouvez donc arguer que la stipulation d’une telle clause vaudrait renonciation à l’action en nullité du cessionnaire.
Un sous acquéreur peut-il se prévaloir de la clause de garantie de passif auprès de vous ?
En cas de revente des parts ou actions, la clause de garantie de passif peut être invoquée par le sous-acquéreur et la Cour de cassation l’a approuvé en 2008 (Cass. com., 12 févr. 2008).
La clause de garantie de passif est attachée à la chose cédée et nous pouvons donc en conclure qu'après la revente des titres le cessionnaire originaire ne peut plus en bénéficier tandis que le sous-acquéreur peut à son tour l'invoquer.
Cette considération est à nuancer concernant le passif fiscal puisqu’il couvrira uniquement les périodes antérieures non forcloses par l’administration fiscale. En effet, la durée de la garantie est égale aux délais de prescription édictés par les textes applicables.
A qui incombe la responsabilité de l’évaluation de l’actif au moment de la cession ?
Concernant l’actif circulant (créances et stocks), c’est au cessionnaire de s'assurer que les créances sont bien nées, qu'elles sont exigibles et liquides, qu'elles sont enfin recouvrables et qu'à défaut, elles ont été suffisamment provisionnées. Concernant les stocks, c’est à lui de réaliser un inventaire contradictoire pour s’assurer de leur effectivité.
La mise en œuvre de la garantie nécessite-t-elle la preuve d’un préjudice pour le cessionnaire ?
Sauf clause contraire expressément stipulée par les parties, la mise en œuvre de la garantie de passif n'est pas subordonnée à la preuve d'un préjudice subi par le cessionnaire (Cass. com., 29 janv. 2008).
Que se passe-t-il lorsque le cessionnaire n’a pas respecté son obligation d’information préalable auprès de vous ?
La jurisprudence considère que le non-respect des stipulations prévoyant une information préalable du cédant par le cessionnaire emporte déchéance de la garantie.
Elle a ainsi pu estimer que le bénéficiaire d'une clause de garantie de passif qui n'informe pas le garant dans le délai stipulé perd le bénéfice de la garantie (Cass. com., 28 mars 2006 et plus récemment le 9 juin 2009).
Les juges du Quai de l’Horloge invitent donc clairement les parties qui souhaiteraient retenir une sanction moins drastique à le prévoir expressément pour éviter de telles conséquences.
Les différentes possibilités offertes aux parties pour le déclenchement ou la période de couverture de la clause.
Les parties peuvent prévoir la période couverte par la garantie en précisant qu'elle ne s'appliquera que si la révélation du passif survient pendant un certain délai courant à partir de la cession (Cass. com., 2 mai 1990).
Les parties peuvent également prévoir un délai durant lequel la clause peut être invoquée à compter de la révélation du passif (CA Paris, 25e ch. A, 10 janv. 2003).
Enfin, elles peuvent prévoir un seuil de déclenchement de la clause de garantie, c'est-à-dire le montant du passif au-delà duquel elle pourra être mise en œuvre (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004).
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Joan DRAY
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