Le harcèlement moral au travail

Publié le 13/10/2011 Vu 5 992 fois 1
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Le harcèlement moral au travail est aujourd’hui au centre des débats et fait l’objet de nombreuses études bien qu’il ait été ignoré pendant longtemps. Il s’agit d’un phénomène ancien qui prend de plus en plus d’ampleur depuis quelques années. C’est la loi du 17 janvier 2002 (L. n°2002-73 loi de modernisation sociale) modifiée par la loi Fillon du 3 janvier 2003 (L. n°2003-6) qui a introduit la notion de harcèlement moral et qui vise à prévenir et à sanctionner les actes de harcèlement dans l’entreprise et ainsi rétablir les droits des personnes qui en sont victimes. Il faut savoir que l'interdiction du harcèlement moral concerne le harcèlement exercé non seulement par l’employeur mai aussi par un supérieur hiérarchique ou entre collègues. Tout salarié est donc protégé quelque soit la relation. Cette note juridique s'articulera autour de la jurisprudence applicable aux décisions rendues en matière de harcèlement moral.

Le harcèlement moral au travail est aujourd’hui au centre des débats et fait l’objet de nombreuses étud

Le harcèlement moral au travail

Le harcèlement moral est prévu à l’article L1152-1 du Code du travail :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel».

 Le Code du travail prévoit également qu’ « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir les agissements constituant un harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit ».

La Chambre Sociale de la  Cour de cassation a rendu un arrêt  en date du 29 juin 2011  intéressant puisqu'elle  a sanctionné le comportement d'un employeur qui avertit des agissements de harcèlement moral de son salarié, a a tardé à agir  à son encontre, lequel avait  préféré attendu l'issue de la procédure pour le sanctionner.

qu’ « il résulte des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail que le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul ; (...). La cour d'appel, qui a constaté que le harcèlement était caractérisé et que le comportement reproché à la salariée était une réaction au harcèlement moral dont elle avait été victime, n'avait pas à examiner les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement » (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-69.444, FS-P+B, AHNAC c/ Mme P. : JurisData n° 2011-012759).

La loi prévoit la possibilité d’instituer une procédure de médiation pour les victimes de harcèlement moral.

Cela signifie que toute personne de l'entreprise qui s’estime victime de harcèlement moral peut faire appel à un médiateur, extérieur à l'entreprise et choisi sur un liste dressée par le préfet. Le médiateur convoque les parties et tente de les concilier.

En cas de litige, il appartient au salarié d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Cependant, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ainsi, dans un arrêt du 22 mars 2011, la Cour de Cassation a estimé que « dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » (Cass. soc., 22 mars 2011, n° 09-70.440, F-D, SA Argos c/ Mme M., épse P. : JurisData n° 2011-004299).

Quels sont les agissements constitutifs de ce délit ?

Pour être qualifiés de harcèlement moral, il est prévu que « les agissements doivent avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ». Cela signifie que ce n'est qu'en cas de détournement du pouvoir disciplinaire par des pressions illégitimes qu'il pourrait y avoir harcèlement moral.

La jurisprudence exige qu’un lien soit établi entre l’état de santé et les conditions de travail c’est-à-dire que le comportement reproché soit à l’origine de la détérioration de l’état de santé (arrêt Ch. soc. 21 juin 2006, M. X contre société SPID 53, n° du pourvoi 05-43272).

La loi exige également que les agissements soient répétés. Les juges ont estimé dans un arrêt du 15 avril 2008 de la Chambre sociale de la Cour de Cassation « qu’un fait isolé ne sera pas considéré comme suffisant pour qualifier la situation de harcèlement moral » (Cass. Ch. soc. 15 avril 2008, Mme X c/ Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, n° de pourvoi: 07-40290 ; Cass. soc., 9 déc. 2009, n° 07-45.521 : JurisData n° 2009-050678).

De même, il a été jugé que la répétition n'implique pas une condition de durée (quelques semaines entrecoupées d'arrêt maladie : Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43.152 ).

La qualification de harcèlement moral ne requiert pas d'élément intentionnel et la simple constatation suffit ,même s’il n’y a pas intention de nuire.

Quels sont les mécanismes de prévention ?

En matière de prévention, il est prévu que le règlement intérieur doit rappeler les dispositions relatives à l'interdiction de toute pratique de harcèlement moral.

L’employeur doit prendre « toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (article L1152-4 du Code du travail).

Les juges peuvent contrôler cette obligation (arrêt Ch. Sco. 22 mars 2006, Mme X c/ société Belmart, n° de pourvoi: 03-44750) et l’absence de mesures pour mettre fin aux agissements de harcèlement moral peut conduire à imputer la responsabilité d’une rupture à l’employeur dans le cadre d’une résiliation judiciaire du contrat de travail (Ch. Soc. 21 février 2007, société Auvergne Denrées c/ Mme X, n° du pourvoi : 05-41741).

Dans un arrêt récent du 29 juin 2011, la Cour de Cassation rappelle ces règles en estimant qu’ « est sans cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié auteur de harcèlement moral et sexuel prononcé à l'issue d'une procédure engagée tardivement en raison de l'abstention fautive de l'employeur ».

En effet, en l’espèce, l’employeur avait eu connaissance de l’existence de faits dès sa convocation devant le bureau de conciliation mais bien s'était borné à en dénier la réalité dans le cadre de l'instance prud'homale, et avait omis d'effectuer les enquêtes et investigations qui lui auraient permis d'avoir, sans attendre l'issue de la procédure prud'homale l'opposant à la victime, la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié et de prendre les mesures appropriées.

 (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-70.902, Association Fédération unie des auberges de jeunesse c/ Strelezki).

Selon la Cour de Cassation, la procédure avait été engagée tardivement.

La Cour de Cassation rappelle aussi à travers cet arrêt que l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur en matière de protection contre le harcèlement ne lui permet pas de laisser perdurer de tels agissements jusqu'au jour où une juridiction se sera définitivement prononcée sur leur consistance.

Par ailleurs, le délégué du personnel peut utiliser son droit d'alerte.

S’il constate l'existence d'une atteinte à la santé physique et mentale d'un salarié, non justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il peut saisir l'employeur qui est tenu de procéder à une enquête et de remédier à la situation.

Le comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail peut faire des propositions d’actions préventives (article L4612-3 du Code du travail).

L’employeur qui s’y refuse doit motiver sa décision. Il a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés. Il doit aussi veiller à l'amélioration des conditions de travail et à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires prises en ces matières.

Enfin, le médecin du travail a la possibilité, quant à lui, de proposer des mesures individuelles telles que mutation ou transformation de poste justifiées par l'état de santé "physique et mentale" des salariés.

Quelles sont les sanctions ?

Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible de sanctions disciplinaires.

La loi instaure deux types de sanctions  : une dans le Code pénal, et une autre dans le Code du travail.

En vertu de l’article L222-33-2 du Code pénal, le délit de harcèlement moral au travail est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende outre, le cas échéant, de mesures de publicité du jugement et d’interdictions d’exercice professionnel voire de peines complémentaires.

Par ailleurs, l’article L. 152-1-1 du Code du travail est complété et prévoit un emprisonnement d'un an et une amende de 3 750 €, ou l’une de ces deux peines.

Joan DRAY
Avocat à la Cour
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1 Publié par Visiteur
26/11/2011 05:08

Merci beaucoup pour cet article très instructif! J'ai trouvé un article qui résume bien le contenu de votre article et qui complémente bien l'information retrouvée ici. Voici l'article en question:http://www.jetaide.com/dossiers/agression-abus/le-harcelement-moral-dans-le-milieu-professionnel-688-13.htm

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