L'importance de la visibilité et de la lisibilité de la clause attributive de compétence territoriale
En principe, en cas de litige, le tribunal compétent est celui du lieu où demeure le défendeur sauf pour certains types de contrats (article 42 du Code de Procédure Civile).
Cependant, les parties à un contrat peuvent décider d'insérer une clause attributive de compétence territoriale. Cela leur permet de désigner le tribunal de leur choix territorialement compétent en cas de litige. C'est une pratique quasi automatique.
Cette clause est strictement encadrée par la loi. D'après l'article 48 du code de procédure civile « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contractées en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ».
Cet article pose une interdiction de principe des clauses attributives de compétence territoriale.
Mais ces dernières peuvent être valables si elles respectent certaines conditions strictes. A défaut, la clause sera réputée non écrite.
- Les conditions de validité de la clause attributive de compétence
L'article 48 du CPC pose 2 conditions liées à :
- La qualité des parties au contrat
Les parties doivent être commerçantes au moment de la conclusion du contrat.
Pour être qualifiée de commerçante, la partie doit s'être engagée dans l'exercice de son activité professionnelle.
Un boucher qui a cédé divers brevets d'invention ne peut se prévaloir de la clause attributive de compétence insérée à l'acte car il a agit en qualité d’inventeur et non de commerçant (Aix-en-Provence, 18 mai 1977).
- La qualité de la clause
La clause doit être apparente et figurer dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
D’après le juge, la clause doit figurer dans un acte qui constate directement l’engagement.
Elle ne peut pas être inscrite sur une facture (Commerciale 16 novembre 1983) sauf lorsque les parties sont dans une relation d’affaire continue (Civile 1 17 février 2010, n°08-12.749 et n°08-15.024).
- L’appréciation du caractère apparent de la clause
Le caractère apparent ou non de la clause est appréciée souverainement par les juges du fond.
Il faut qu’elle soit nette et précise (Paris 22 mars 1934).
Les juges tiennent compte de deux éléments principaux :
- la typographie de la clause
- la situation de la clause dans les conditions générales
La clause doit attirer l’attention du lecteur.
- La lisibilité de la clause
Les juges n’ont pas admis le caractère apparent lorsque les clauses étaient écrites :
- en caractères minuscules (Commerciale 16 novembre 1983)
- de couleurs pâles (Cour d'Appel de Paris 11 mars 1987)
- de couleurs grisâtres (commerciale 30 novembre 1981)
b. La visibilité de la clause
La clause doit être visible, ressortir par rapport à l'ensemble des stipulations.
Les juges ont tendance à considérer qu'une clause située au verso et à la fin d'un document n'est pas apparente.
Ils ont jugé qu'une clause figurant au verso d'un imprimé signé seulement au recto et écrite « en petits caractères d'imprimerie et à la fin d'un texte copieux et serré, difficilement lisible et peu apparent pour un lecteur moyen » ne respecte pas la condition d'apparence (Civile 2 20 février 1980 - Paris, 27 novembre 1991)
Il en est de même lorsque la clause n'est pas précédée par l'énoncé d'un titre, d'un encadrement ou d'un autre procédé typographique (Cour d'appel de Paris 27 mai 1987).
La clause ne doit pas être imprimée de manière atypique. Il a été jugé qu'une clause imprimée verticalement sur le bord gauche d'une facture et en petits caractères n'était pas apparente (commerciale 16 novembre 1983).
Récemment la deuxième chambre civile a réaffirmé l'importance du caractère apparent de la clause attributive de compétence territoriale. En l'espèce, la cour de cassation a considéré qu'une clause inscrite à la fois au recto du contrat de location en petits caractères sous un titre bleu « Loi applicable – juridiction » et en bas du verso en caractères fins et pâles ne satisfaisait pas à la condition d'apparence. La clause a été réputée non écrite (Civile 2 7 juin 2012 n°11-13.105).
La clause attributive de compétence territoriale a un caractère autonome par rapport au contrat principal.
La résolution du contrat ne fait pas obstacle à l'application de la clause attributive de compétence aux litiges nés de l'inexécution de cette convention.
Inversement, le contrat principal sera maintenu même si la clause attributive de compétence territoriale est nulle.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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