L’impossibilité du crédit-preneur à agir contre le vendeur en cas de résiliation du crédit-bail.
Le crédit bail est une opération assimilée à une opération de crédit, car il s'agit de financer l'acquisition d'un bien dont le crédit-preneur a besoin.
Cependant ce n’en est pas exactement une car le crédit-bailleur ne met pas de fonds à la disposition d'une autre personne, ni ne prend, dans l'intérêt de celle-ci, d'engagement par signature.
Juridiquement, le crédit-bailleur acquiert la propriété du bien en question, le met à disposition du crédit-preneur et promet à celui-ci de le lui vendre, moyennant un prix tenant compte des loyers versés, à l'issue d'une certaine période si le crédit-preneur souhaite l'acheter.
Le crédit-preneur pourrait agir contre le bailleur en cas de manquement aux diverses obligations qui incombent à ce dernier.
En effet, l'opération de crédit-bail, qui ne se limite pas au seul contrat de crédit-bail, nécessite que soit aussi conclu un contrat de vente entre l'établissement financier et le fournisseur du bien.
Si le bailleur est partie à ces deux contrats, le vendeur et le crédit-preneur sont des tiers quant aux conventions qui les lient respectivement à lui.
Le bailleur se veut neutre relativement au bien loué. Il ne prend pas part au choix du fournisseur ni à la détermination des caractéristiques du bien auxquels procède seul le futur crédit-preneur qui prend l'initiative de l'opération.
Pour le bailleur, le crédit-bail est envisagé comme un prêt assorti d'une sûreté qui réside dans la propriété du bien acheté et loué.
En conséquence de quoi, il n'entend pas assumer les obligations inhérentes au contrat de location si le bien ne donne pas satisfaction au preneur qui doit en assumer les risques.
Le crédit-bailleur va insérer des clauses chargeant habituellement le crédit-preneur de choisir le matériel, d'en prendre directement livraison auprès du fournisseur et lui confèrent le soin d'exercer, le cas échéant, les actions en résolution de la vente en raison d'éventuels défauts, cachés ou de conformité, de la chose ; en contrepartie d’une clause de renonciation à tout recours du locataire contre lui. Autrement dit, il donne un mandat au preneur pour agir contre le vendeur en cas de litige.
Par ce mandat, le bailleur neutralise les conséquences juridiques du contrat de louage à son égard, en créant un lien entre vendeur et locataire. Le mandat habilite aussi le preneur à recevoir le bien, et à signer au nom et pour le compte du mandant un bon qui vaut ordre de paiement du fournisseur.
Cette opération aboutit-elle cependant à rendre le crédit-bail indépendant des vices affectant le contrat de vente ? Le crédit bail est il anéantit suite à la résolution de la vente ?
Depuis les arrêts de principe d'une Chambre mixte du 23 novembre 1990, il est admis que la résolution du contrat de vente entraîne nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail, sous réserve de clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation
L'indivisibilité des deux contrats dans l'opération de crédit-bail a donc été ainsi consacrée.
L’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, 11 juillet 2006 (n°956) apporte une précision intéressante sur ce sujet.
En l’espèce, une consommatrice signe un contrat de crédit-bail mobilier avec une société pour le financement d'un matériel vendu par une autre.
Le crédit-preneur demande en justice la résolution de la vente et la résiliation consécutive du contrat le liant avec le crédit-bailleur le 16 novembre 2000. Ce dernier obtient, par une ordonnance de référé du 13 juillet 2001, la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers à la date du 17 octobre 2000.
L’action de la consommatrice contre le vendeur avait donc été intentée après cette date, la question posée était donc de déterminer si le crédit-preneur pouvait agir contre le vendeur après que le contrat de crédit-bail avait été résilié.
La consommatrice interjette appel en vain. Sa demande en résolution de la vente est déclarée non fondée du fait de la caducité du mandat pour agir en garantie des vices cachés qu'elle tenait du crédit-bailleur du fait de la résiliation préalable du contrat de crédit-bail. Elle est condamnée au paiement de diverses sommes vis-à-vis du bailleur comme du liquidateur du fournisseur. Elle forme alors un pourvoi en cassation.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme la position des juges du fond : « Mais attendu qu’en l’absence de stipulation contraire, la cour d’appel a exactement retenu que la résiliation du contrat de crédit-bail a mis fin au mandat donné par le crédit-bailleur au crédit-preneur pour l’exercice de l’action en garantie contre le fournisseur. »
Ainsi, le mandat d'agir qui fondait l'action du crédit-preneur contre le vendeur devient caduc lors de la résiliation du contrat de crédit-bail, sauf stipulation contraire.
Il reste que si l'ex-crédit-locataire ne peut plus, après la résiliation du crédit-bail, agir en garantie des vices cachés contre le fournisseur du matériel (vendu au crédit-bailleur), tout n'est peut-être pas perdu pour lui.
Ne pourrait-il donc se retourner contre son cocontractant, le crédit-bailleur, si les défauts qui sont apparus ont empêché l'usage du matériel sur le fondement de l’article 1721 du Code civil ?
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Joan DRAY
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