l'insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel
Le fait d’exercer en entreprise individuelle plutôt qu’en forme sociétaire a, en matière patrimoniale, de lourdes conséquences, puisque le patrimoine de l’entreprise et celui de l’entrepreneur se trouvent confondus, en application du principe de l’unicité de patrimoine posé par le Code civil.
Pendant longtemps la responsabilité de l’entrepreneur individuel était dangereuse puisque son patrimoine personnel et professionnel se trouvaient engagés.
De nombreux entrepreneurs ont perdu leur résidence principale et se sont retrouvés dans des situations dramatiques.
Le législateur a donc eu l’idée de protéger, une partie du patrimoine , de l’entrepreneur, notamment sa résidence principale.
Concernant les personnes physiques, la situation a changé depuis l’entrée en vigueur, le 15 mai 2022, de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, qui scinde le patrimoine de l’entrepreneur individuel entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel
Depuis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 , l' article L. 526-1 du Code de commerce , modifié par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 , permet à l'entrepreneur personne physique de déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que tout bien foncier bâti ou non bâti qu'il n'a pas affecté à son usage professionnel ( C. com., art. L. 526-1, al. 2 ).
Elle rend insaisissables les droits sur la résidence principale à l’égard des créances nées « à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant », après la date de publication de la déclaration notariée au bureau des hypothèques.
Cette protection de la résidence principale est offerte à tous les entrepreneurs en nom propre, qu’ils soient commerçants, artisans, agriculteurs ou encore professionnels libéraux.
Cette déclaration n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant ( C. com., art. L. 526-1 ).
Il faut préciser que les créanciers auxquels l’insaisissabilité est inopposable conservent le droit de saisir l’immeuble.
La loi du 4 août 2008 a élargi cette possibilité à tous les biens immobiliers de l’entrepreneur.
La loi du 1er juillet 2011 a permis à l’entrepreneur d’opter pour le statut d’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée), permettant de distinguer le patrimoine professionnel de son patrimoine personnel
En outre, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 , dite « loi Macron » a posé le principe général d’une insaisissabilité de plein droit de la résidence principale pour les créanciers dont les droits seront nés à l’occasion de l’activité de l’entrepreneur à compter de l’entrée en vigueur de la loi ( C. com., art. L. 626-1, al. 1 ).
La loi du 6 août 2015 (dite loi Macron) a instauré l’insaisissabilité de plein droit, sans aucune formalité, de la résidence principale des entrepreneurs individuels.
Le législateur a créé le nouveau statut de l’entrepreneur individuel, le 15 mai 2022 .
Tous les entrepreneurs individuels sont dotés d’un double patrimoine : un patrimoine professionnel, qui répond des dettes nées pour les besoins de l’activité, et un patrimoine privé, qui répond des dettes domestiques.
L’article L. 526-22, alinéa 9, prévoit que « Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis ». Il en résulte que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire qui s'ouvrirait à l'égard de l'entrepreneur individuel après sa cessation d'activité (hypothèse visée expressément par les articles L. 631-1 et L. 640-3 du Code de commerce) affecterait un patrimoine unique dans lequel tous les éléments d'actif répondraient de tous les éléments du passif
Aucune formalité n’est à accomplir pour identifier les biens professionnels, ni déclaration ni état descriptif.
Le patrimoine professionnel est composé de tous les biens, corporels ou incorporels, droits, obligations et sûretés, dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à l’activité professionnelle.
Ces biens sont ceux qui servent à cette activité, par nature, par destination ou en fonction de leur objet (code de commerce, article R 526-26). Ce patrimoine constitue le seul gage des créanciers professionnels.
Le patrimoine personnel, protégé des créanciers professionnels, comprend tous les autres biens, et en particulier la résidence principale de l’entrepreneur. En cas de liquidation judiciaire, la résidence principale ne constitue pas le gage commun des créanciers et le liquidateur ne peut pas la saisir pour la faire vendre aux enchères.
Quelle sont les conséquences de la cessation d'activité de l'auteur d'une déclaration notariée d'insaisissabilité ?
La question qui se pose était de savoir si la cessation d’activité de l’entrepreneur individuel emportait l’interdiction de bénéficier des effets de l'insaisissabilité de droit de la résidence principale.
La Cour de Cassation a jugé que « les effets de cette déclaration subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration » (Cass. com., 17 nov. 2021, n° 20-20.821 : JurisData n° 2021-018508
La jurisprudence se confirme .
Dans cette affaire, un artisan a été placé en redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire .
Le liquidateur a par la suite demandé au juge-commissaire d'ordonner la vente aux enchères publiques de l'immeuble d'habitation appartenant au débiteur et à son épouse et constituant leur résidence principale.
Cette mise en vente a été admise par une ordonnance rendue par le juge-commissaire .
Le Tribunal et la Cour d’Appel ont retenu que l’artisan ne pouvait bénéficier des dispositions protectrices de l'article L 526-1 du code de commerce, en raison de l’arrêt de son activité avant l’ouverture de la procédure.
L'arrêt est censuré par la Cour de Cassation au visa de l'article L. 526-1 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015. Rappelant que « selon ce texte, l'insaisissabilité de plein droit des droits de la personne immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité de cette personne », les juges du droit en déduisent que « les effets de l'insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, de sorte que la cessation de l'activité professionnelle de la personne précédemment immatriculée ne met pas fin, par elle-même, à ses effets .
Cass. com., 11 sept. 2024, n° 22-13.482, F-B : JurisData n° 2024-015348
Conséquence pratique : le bien demeure insaisissable par les créanciers professionnels de sorte qu'en cas de procédure collective appliquée à l'entrepreneur, il n'entre pas dans le gage commun des créanciers.
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Maître JOAN DRAY
Avocat
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