L’interdiction des poursuites individuelles :
Bien souvent lorsqu’un débiteur est placé en procédure collective, ses créanciers sont tentés de pratiquer des mesures d’exécution forcée afin de recouvrer leur créance ou d’intenter une action en justice pour faire valoir leurs droits.
Or, le principe de l’égalité entre les créanciers commande traditionnellement l’arrêt de ces poursuites.
Aussi, la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 6 mai 2009 que « le principe de suspension des poursuites individuelles en matière de faillite est à la fois d’ordre public interne et international » (Civ 1ère 6 mai 2009 n°08-10281).
Il en résulte que les créanciers sont tenus de faire valoir leurs droits à l’encontre du débiteur dans le cadre organisé de la procédure.
A cet égard, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 12 janvier 2010 que la règle de l’arrêt des poursuites individuelles, consécutive à l’ouverture d’une procédure collective, constitue une fin de non recevoir pouvant être soulevé en tout état de cause et dont le caractère d’ordre public impose au juge de la relever d’office (Cass Com 12 janvier 2010 n° 08-19.645).
Cette interdiction s’applique à tous les créanciers à l’exclusion des créanciers postérieurs privilégiés.
Dans cet article, il s’agira de préciser les actions concernées par cette interdiction avant de voire l’interdiction des procédures d’exécution.
1/ L’interdiction de certaines actions :
Prolongeant l’interdiction des paiements, l’interdiction des poursuites individuelles, s’applique à toutes les procédures collectives.
Ainsi, l’article L622-21 I du Code de commerce dispose que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit les actions contre le débiteur tendant au paiement de sommes d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement de sommes d’argent.
En conséquence, ces créanciers ne peuvent obtenir du juge qu’il ordonne un paiement interdit au débiteur par l’article L622-7.
Le texte ne vise que les actions fondées sur le défaut de paiement d’une somme d’argent.
Il en résulte que, malgré le jugement d’ouverture, le créancier peut agir en exécution du contrat (Com 28 mars 1995), poursuivre une action engagée antérieurement (Com 16 octobre 2007 n°06-16713) ou demander que soit prononcée après le JO la résolution pour une cause autre que le défaut de paiement d’une somme d’argent, telle l’inexécution d’une obligation de faire (Cass 3ème civ 21 juillet 1999 n°96-11.634 : résolution d’un bail pour défaut d’entretien).
Toutefois, la Cour de cassation a une vision très large de la demande en paiement et a tendance à vouloir élargir cette notion afin de pouvoir appliquer le principe de l’arrêt des poursuites à des actions qui ont indirectement une finalité financière.
Ainsi, elle a considéré que la condamnation du débiteur à réaliser un mur de soutènement est soumise à l’arrêt des poursuites au motif que l’exécution de cette obligation de faire entrainait un cout pour le débiteur (Cass com 17 juin 1997 : JurisData n° 1997-002876).
En outre, l’article L622-21 I n’interdit pas n’interdit pas, par exemple, l’exercice individuel de l’action paulienne, ni l’action tendant à établir la fictivité d’une société.
Il ne fait pas non obstacle à l’action tendant à la constatation de la résolution intervenue avant le jugement en vertu d’une clause résolutoire, aurait elle été mise en œuvre en raison du défaut de paiement d’une somme d’argent.
En effet, dans ce cas, le droit du créancier à la résolution était acquis avant l’ouverture de la procédure collective.
La jurisprudence a également soustrait à l’interdiction des poursuites les sommes allouées à une partie civile au titre de ses frais, qui n’ont pas le caractère de dommages- intérêts.
De même, les délais qui couraient contre les créanciers sont eux-mêmes interrompus (art L622-21 III).
Lorsque les actions visées par l’article L622-21 ont été engagées contre le débiteur avant l’ouverture de la procédure (instances en cours), leur interruption est limitée à ce que requiert l’organisation de la procédure collective (Art L622-22).
En conséquence, les instances interrompues reprennent de plein droit lorsque le créancier a déclaré sa créance et mis en cause le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur, mais elles tendent « uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant » (art L622-22).
2/ L’interdiction des procédures d’exécution :
L’article L622-21 prévoit aussi l’arrêt et l’interdiction des procédures d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles, de la part des mêmes créanciers.
Dès lors, le créancier ne peut plus en poursuivre l’exécution et la mesure devient caduque sauf lorsque la mesure a produit son effet définitif avant l’ouverture de la procédure.
En effet, la règle de l’arrêt des poursuites ne peut porter atteinte aux mesures réalisées avant le jugement d’ouverture dans la mesure où il ne peut être porté atteinte aux droits définitivement acquis des créanciers qui ont déjà exécuté leur créance.
Ainsi, dès lors que la saisie conservatoire pratiquée par un créancier est régulièrement convertie en une saisie-attribution avant l'ouverture de la procédure collective du débiteur, elle ne peut plus être contestée (Cass com 2 mars 2010 n° 08-19.898)
En revanche, l’arrêt des procédures d’exécution anéantit la saisie conservatoire de biens meubles corporels ou la saisie vente à laquelle il a été procédé avant le jugement si la vente des biens n’est pas intervenue avant l’ouverture de la procédure collective.
Dès lors, la saisie conservatoire ne peut pas être convertie en saisie attribution ou en saisie vente.
Y échappe toutefois, la saisie attribution dans la mesure où elle attribue immédiatement et définitivement les créances saisies, même lorsqu’elles sont à exécution successive et ne deviennent exigibles qu’après le jugement d’ouverture en contrepartie de la fourniture par le débiteur d’une prestation, telle la jouissance du bien donné à bail.
A cet égard, il a été récemment jugé un arrêt du que « La survenance d'un redressement judiciaire avec désignation d'un administrateur investi d'une mission d'assistance dans le délai de dénonciation de la saisie-attribution au débiteur n'impose pas au créancier de réitérer la dénonciation valable faite au débiteur avant le jugement d'ouverture » (Cass. 2e civ., 8 déc. 2011, n° 10-24.420, P : JurisData n° 2011-027690).
Autrement dit, l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de huit jours de la saisie-attribution n'affecte pas la dénonciation valablement faite antérieurement au débiteur
Enfin, il convient de rappeler que la violation de la règle de l'interdiction des procédures d'exécution est sanctionnée par la caducité de la mesure. Il en résulte, en cas de saisie-attribution, que les sommes versées par les tiers peuvent faire l'objet d'une action en restitution (Cass com 2 octobre 2007 n° 06-15.986).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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