Les salariés bénéficient d'un droit d'expression sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail (C. trav. art. L 2881-1).
Quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, les opinions qu'ils émettent dans l'exercice de ce droit ne peuvent pas motiver une sanction ou un licenciement (C. trav. art. L 2881-3).
Le contentieux de l’abus de la liberté d’expression est assez abondant, la Cour de Cassation de cassation vient de rendre un arrêt inédit sur les limités du droit d’expression.
Avant d’envisager un licenciement d’un salarié pour un abus de la liberté d’expression, un employeur doit faire preuve de vigilance, car si l’abus n’est pas retenu par les juridictions saisies, le licenciement sera considéré comme nul.
Ce principe est conforme à l'article L 1235-3-1 du Code du travail, issu de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui prévoit expressément la nullité de tout licenciement prononcé en violation d'une liberté ou d'un droit fondamental, la liberté d'expression étant considérée comme telle.
Le licenciement d’un salarié ayant usé de sa liberté d’expression de manière non abusive est nul, et pas seulement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cass. soc. 16-2-2022 n 19-17.871 FS-B, M. c/ Sté Générale
Dans un attendu de principe, la Cour de cassation affirme que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. Cass. soc. 29-6-2022 n° 20-16.060 FS-B, Sté Tereos participations c/ C.
En d’autres termes, dès lors qu’il existe un juste motif pouvant engendrer la nullité du licenciement, les juges n'ont pas à examiner les autres griefs invoqués par l'employeur, et ce même s'ils auraient été susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il arrive souvent qu’un salarié critique les méthodes de gestion, managériales, de sécurité de son employeur, en dénonçant ou en alertant, par des courriels ou lettre , à la direction, les directives de son supérieur … ce comportement peut – il constituer un abus dans la liberté d’expression ?
La Cour de cassation a eu l’occasion de définir les contours d’un abus dans un arrêt récent.
Dans cette affaire, un salarié avait, au cours d’une réunion d’expression collective, manifesté, devant la direction, son mécontentement sur 'organisation de son travail mise en place par sa supérieure hiérarchique et la surcharge de travail y en résultant.
Il avait, ainsi, devant ses collègues de travail, ouvertement critiqué sa supérieur, sur ses méthodes considérant qu’elle occasionnait une perte de temps dans l’accomplissement de ses autres taches.
Considérant qu’il avait agi, avec une certaine insubordination et une attitude de dénigrement, il avait été licencié pour faute simple.
La Cour d’Appel avait sanctionné le comportement fautif du salarié et avait considéré que son licenciement était justifié considérant que le fait de contester les directives d’u supérieur et de le désavouer, lors de cette réunion, relavait d’une attitude fautive.
La Cour de Cassation ne va pas partager cet avis et va considérer que l’abus n’est pas constitué et que le juge du fond n’a pas pu établir un abus, au regard des faits de l’espèce.
Il faut noter que le salarié n’avait tenu aucun propos diffamatoire ou injurieux, de nature, à constituer un abus.
Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l'exercice de son droit d'expression directe et collective reconnu par le Code du travail ne peuvent pas motiver une sanction ou un licenciement. Une cour d'appel ne peut pas retenir un tel abus au motif que, au cours d'une réunion en présence de la direction et de plusieurs collègues, le salarié avait remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique, tentant d'imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière.
Cass. soc. 21-9-2022 n° 21-13.045 FS-B, K. c/ Sté Installux management gestion
Un salarié a le droit de contester ses désaccords sur une politique commerciale, sur un budget, sur une organisation dès lors qu’il n’est pas établi qu’il a employé des termes injurieux ou diffamatoires.
Très souvent, il s’agit pour un salarié d’exprimer son désaccord, dans le cadre de son devoir professionnel afin d’informer la direction et sans que les remarques puissent dégénérer en un abus.
En générale, les juges vérifient et apprécient la teneur des propos, pour déterminer, s’ils ont un caractère outrancier, excessif ou injurieux.
La jurisprudence a caractérisé les abus dans les décisions suivantes :
- la publication, sur un réseau social ouvert à un large public, de propos portant atteinte à l'image de l'entreprise, à l'autorité et à la réputation d'un supérieur hiérarchique (Cons. prud'h. Boulogne-Billancourt 19-11-2010 n° 10-853 :
-Ainsi, les propos tenus par une responsable des ressources humaines dans le cadre d'échanges de messages instantanés avec une collègue de travail peuvent être retenus comme revêtant un caractère outrancier, injurieux et dénigrant rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
Cass. soc. 1-6-2022 n° 21-10.330 F-D, D. c/ Sté EDF renouvelables France : RJS 10/22 n° 501
-le salarié qui s’exprime de manière injurieuse, excessive ou diffamatoire commet une faute pouvant justifier un licenciement (Cass. soc. 2-5-2001 no 98-45.532 FS-P ; Cass. soc. 27-3-2013 no 11-19.734 FS-PB).
- le fait pour un salarié de qualifier son lieu de travail de camp de concentration au cours d'un entretien avec le chef d'entreprise dont il connaissait la nationalité allemande (Cass. soc. 6-3-2012 n° 10-27.256 (n° 650 F-D), Sté Manus facilities management c/ R.).
Il existe des centaines de jurisprudences sur des propos racistes, sur des injures tenues par un salarié pouvant constituer un abus évident de la liberté d’expression.
Certes, le salarié dispose d’une liberté d’expression, dans et à l’extérieur de son entreprise, mais il doit s’assurer que ses propos ne soient pas injurieux ou diffamatoires , de manière à porter atteinte au fonctionnement de l’entreprise ou à son image.
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JOAN DRAY
Avocat
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