Il peut arriver qu’au sein d’une entreprise, le salarié d’une entreprise se présente au travail en faisant apparaitre des signes extérieurs religieux et que l’employeur pour diverses raisons refuse un tel comportement.
Se pose alors la question de savoir si l’employeur a le droit d’interdire le port de signes religieux ou s’il est tenu de respecter les convictions religieuses de ses salariés ?
Le code du travail prévoit à l’article L1121-1 que, « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Dans un arrêt récent du 27 octobre 2011, la Cour d’Appel de VERSAILLES a eu à se prononcer sur cette question.
En l’espèce, une salariée, directrice adjointe d’une crèche, est licenciée pour avoir refusé d’ôter son voile malgré la clause du règlement intérieur imposant à l’ensemble du personnel une stricte obligation de neutralité (confessionnelle).
S’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, la salariée saisit alors le Conseil des prud’hommes de Mantes-la-Jolie afin, à titre principal, de voir prononcer la nullité de son licenciement. La prétention est rejetée par les conseillers mantais.
Par un jugement du 13 décembre 2010, le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie a déclaré fondé le licenciement pour faute grave de cette employée de crèche privée, persistant à se présenter voilée au travail alors que le règlement intérieur interdisait le port de signes religieux au nom des principes de laïcité et de neutralité (principes régissant les services publics).
Les juges avaient estimé que le non-respect de cette disposition, malgré les demandes réitérées de la direction, constituait une insubordination répétée justifiant un licenciement disciplinaire (Cons. prud. Mantes-la-Jolie, 13 décembre 2010, n° 10/00587).
La Cour d'Appel de VERSAILLES confirme la décision du Conseil des Prud’hommes en estimant qu'une crèche privée peut imposer une obligation de neutralité à ses salariés en contact avec de jeunes enfants dans l'exercice de leurs fonctions et leur interdire en conséquence le port du voile.
Si l'employeur est tenu de respecter les convictions religieuses de ses salariés, il peut interdire le port d'un signe religieux dès lors que cette mesure est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.
La Cour se fonde donc sur les articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du Code du travail pour justifier sa décision.
Elle estimé qu’il résulte de l'objet social de l'association que cette crèche a pour vocation d'accueillir tous les enfants du quartier sans distinction d'appartenance culturelle ou religieuse, et que ces derniers, en raison de leur jeune âge, n'ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse.
En conséquence, elle estime valable l'inscription dans le règlement intérieur de l'obligation de neutralité qui s'applique aux salariés dans l'exercice des activités de la crèche, aussi bien dans ses locaux qu'en accompagnement extérieur des enfants qui lui sont confiés.
La Cour en déduit que l'employeur peut s'opposer à ce qu'une éducatrice de jeunes enfants porte un voile islamique au contact des enfants, et que le licenciement faisant suite à son refus de se changer n'est ni discriminatoire ni attentatoire aux libertés fondamentales et n'encourt donc pas la nullité.
En l'espèce, la faute grave a été retenue, en raison non seulement du refus de l'intéressée d'ôter son voile, mais également de l'attitude agressive qu'elle a adoptée en réaction à la demande de l'employeur (provocations, menaces, parfois devant les enfants...).
Il résulte donc de cet arrêt qu’une crèche privée peut interdire le voile à une salariée qui travaille au contact des enfants CA Versailles 27 octobre 2011 n° 10-05642, 11e ch., Laaouej ép. Afif c/ Association Baby-loup.
A noter que dans des arrêts précédents, les juges avaient déjà considéré que l’employeur peut s'opposer au port d'un foulard islamique en raison d'impératifs de sécurité (CA Versailles 23 novembre 2006 n° 05-5149) ou de risques de problèmes relationnels avec la clientèle (CA Paris 19 juin 2003 n° 03-30212).
Il convient également de signaler qu’une proposition de loi a été déposée le 25 octobre 2011 pour entériner la solution posée dans cette affaire Baby-Loup en étendant l’obligation de neutralité régissant les services publics aux structures privées en charge de la petite enfance (v. Bref social n° 15970 du 7 novembre 2011).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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