Le licenciement économique : L’obligation de reclassement de l’employeur
Lorsqu’un employeur décide de licencier un ou plusieurs salariés pour motif économique, il doit au préalable avoir vérifié qu’aucun reclassement n’était possible.
Selon l’article 1233-4 du Code du travail, « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ».
Si l’employeur ne respect pas cette obligation légale, le licenciement sera privé de cause réelle et sérieuse, même si la suppression d'emploi a bien une cause économique.
Cependant, cette méconnaissance n’entraine pas la nullité de la procédure de licenciement et ne permet au salarié d’être réintégré (Cass. soc., 26 févr. 2003, no 01-41.030, no 517 F - P, Benarroche c/ Sté Trigano Industries et a).
Il convient d’examiner l’étendue de l’obligation de reclassement à l’employeur (I) et les conditions relatives aux postes proposés aux salariés licenciés (II).
Puis, il est nécessaire d’étudier comment l’employeur met en œuvre son obligation de reclassement (III).
Enfin, les salariés ont une option sur le reclassement qui leur est proposé (IV).
I/ L’étendue de l’obligation de reclassement de l’employeur
- L’étendue matérielle de l’obligation de reclassement
L’obligation de reclassement s’applique à tous les licenciements individuels ou collectifs pour motif économique quels que soient l’effectif de l’entreprise, le nombre de salariés concernés par le licenciement, et l’existence ou non d’un plan de sauvegarde de l’emploi
C'est l'employeur qui est tenu de rechercher les possibilités de reclassement et de les proposer directement aux salariés dont le licenciement économique est envisagé. Il ne peut se décharger de cette obligation sur d'autres sociétés au seul motif qu'elles appartiennent au même groupe.
L'exécution de l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur s'apprécie en fonction des moyens dont il dispose ou de ceux du groupe auquel il appartient.
- Le périmètre géographique de l’obligation de reclassement
Le reclassement doit être fait au sein de l’entreprise et le cas échéant au sein du groupe.
Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les investigations peuvent se limiter au sein des « entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » (Cass. Soc. 10 décembre 2002, n°00-46.518 Rainaut c/ Bruno).
Si les entreprises n’appartiennent pas au même secteur d’activité, cela n’a aucune conséquence.
Le reclassement peut s’opérer dans une entreprise située à l’étranger dès lors que la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi de salariés non nationaux et que le niveau hiérarchique du salarié le permet.
L'obligation de reclassement ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe, sauf dispositions conventionnelles ou engagement contraires (Cass. Soc. 29 janvier 2008, n°06-44.751, Sté Air Littoral et a c/Clot et a.)
La Convention collective peut prévoir un périmètre différent que celui prévu par le Code du travail. L’employeur doit respecter le périmètre défini par la convention collective.
L’employeur peut questionner le salarié sur ses souhaits de reclassement.
Si l’employeur questionne le salarié avant toute proposition préalable de reclassement, il ne peut pas se limiter aux souhaits des salariés.
Par contre, il peut limiter ses recherches en fonction du souhait exprimé par le salarié en réponse à une proposition de reclassement.
Il a été jugé que si, pour des raisons familiales, un salarié exprime son souhait de ne pas s'éloigner de son domicile, l'employeur peut limiter ses nouvelles recherches de reclassement au périmètre géographique tel que défini par le salarié (Cass Soc. 13 novembre 2008, n°06-46.227, Boncristiano c/ Sté Cie générale de Crédipar).
Mais, l'employeur ne peut estimer inutile de proposer à un salarié un poste disponible à l'étranger lorsque celui-ci a refusé pour des raisons personnelles et familiales un poste à Paris (Cass Soc. 24 juin 2008, n°06-45.870 Pernette et a c/ Sté Fideuram Wargny).
II/ Les conditions relatives aux postes de reclassement proposé
L’employeur doit chercher à reclasser l’intéressé :
- En priorité sur un emploi relevant de la même catégorie que celui que le salarié occupe
- Ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente
- Ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure
L’emploi doit être salarié.
Le contrat proposé peut être :
- A temps partiel
- A durée déterminée
L'employeur doit proposer une formation afin de permette au salarié de s’adapter au nouvel emploi qu'il entend occuper dans le cadre du reclassement.
L'employeur doit favoriser l'adaptation des salariés aux emplois disponibles susceptibles d'être offerts en reclassement.
Le reclassement du salarié doit être envisagé dans un emploi compatible avec ses capacités physiques.
III/ Mise en œuvre de l’obligation de reclassement
Dans l’obligation de reclassement, il faut distinguer deux étapes :
- L’employeur doit rechercher l’ensemble des postes disponibles
- L’employeur doit proposer par écrit au salarié les postes qu’il est susceptible d’occuper
- La recherche par l’employeur des postes disponibles
La recherche des possibilités de reclassement doit s'effectuer jusqu'à la date de notification du licenciement.
Toutefois, pour contrecarrer certaines pratiques consistant à suspendre des embauches le temps de la procédure de licenciement et à les relancer une fois le licenciement notifié, la Cour de cassation apprécie les possibilités de reclassement au-delà de la date de notification du licenciement, au sein « d'une période concomitante au licenciement ».
Pour satisfaire à son obligation de reclassement, l'employeur doit engager une « recherche effective des postes disponibles ».
Il ne peut pas se contenter :
- d'envoyer une lettre type aux sociétés du groupe, sans que soient précisées les caractéristiques des emplois occupés par les salariés ni leur qualification;
- d'adresser des lettres-circulaires aux autres entreprises du groupe sans engager une recherche effective des postes disponibles ;
La Cour de cassation exige que l'employeur exécute loyalement son obligation de reclassement.
Lorsque plusieurs salariés d'une même entreprise, concernés par un projet de licenciement, sont susceptibles au sein d'un groupe d'entreprises d'occuper un poste disponible, priorité est donnée, à qualification comparable, aux salariés de l'entreprise au sein de laquelle des postes se trouvent disponibles.
- La proposition de reclassement
L’article L.1233-4 du Code civil pose comme condition que les offres de reclassement, proposées aux salariés, soient écrites, précises et individualisées.
L'employeur doit rechercher s'il existe au sein du groupe des postes disponibles en rapport avec les aptitudes et capacités de l'intéressé (Cass. soc., 4 juill. 2012, no 11-14.444, Sté Nina Ricci c/ Le Tiec et a).
Il a été jugé que ne répondait pas à ces conditions :
- une proposition unique portant sur un poste mal défini restant à créer (Cass. Soc. 23 juin 1998, n°96-42.364, Sté Halbronn c/ Sobczak et a
- la diffusion d’une note de servoice mentionnant les postes disponibles (Cour d’appel de Paris, 22è chambre section C, 1er mars 1994, Hénin c/ Sté GEC-Alsthom
- la communication à tous les salariés concernés par le projet de licenciement d’une même documentation regroupant l’ensemble des emplois existant et disponibles (Cass. Soc. 13 juillet 2010, n°09-42.839, EPIX Economat des armées c/ Auchene et a)
- la transmission des offres de reclassement aux délégués du personnel en leur demandant de les répercuter aux salariés concernés (Cass. Soc. 10 mars 2010, n°08-45.510, Sté Goma Camps France c/ Gasia
IV/ L’option du salarié
Le Code du travail ne prévoit aucun délai de réflexion au bénéfice du salarié pour répondre à l’offre de reclassement.
Cependant, l’employeur peut prévoir un tel délai de réflexion au terme duquel le silence du salarié vaudra refus de l’offre de reclassement.
Mais le délai de réflexion et de réponse laissé au salarié doit être suffisant.
Le salarié peut décider :
- d’accepter l’offre de reclassement : il faut un accord exprès du salarié
- de refuser l’offre de reclassement : le refus n’est pas fautif. L’employeur va procéder au licenciement du salarié pour une cause économique.
La lettre de licenciement doit, par ailleurs, préciser les échanges avec le salarié sur cette question et indiquer l'échec du reclassement.
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Joan DRAY
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