L'article L. 1232-1 du Code du travail prévoit que le licenciement individuel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Celle-ci n'est toutefois pas définie par la loi, et c'est la jurisprudence qui détermine, au cas par cas, les motifs et conditions justifiant la rupture individuelle du contrat de travail.
1.Caractère réel
La cause réelle est une cause « objective, indépendante de la bonne ou de la mauvaise humeur de l'employeur », elle « doit être à la fois une cause existante et une cause exacte ».
Si un doute subsiste sur la réalité d'un grief, il profite au salarié (Cass. soc., 19 déc. 2007 – CE, 4e et 5e ss-sect., 22 mars 2010 – Cass. soc., 16 déc. 2009 – Cass. soc., 22 sept. 2010).
- Sur les éléments objectifs :
La Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé qu'un « licenciement pour une cause inhérente à la personne doit être fondé sur des éléments objectifs, que la perte de confiance alléguée par l'employeur ne constitue pas en soi un motif de licenciement » (Cass. soc., 29 nov. 1990).
Cette jurisprudence impose à l'employeur de prendre le temps de la réflexion et de s'interroger sur les raisons objectives de la perte de confiance.
« Le seul grief de perte de confiance mentionné dans la lettre de licenciement ne constitue pas, en l'absence d'énonciation d'éléments objectifs, l'énoncé d'un motif matériellement vérifiable, exigé par la loi » (Cass. soc., 14 janv. 1998).
La Cour de cassation accepte néanmoins que la mésentente du salarié avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques, imputable à son attitude d'opposition systématique, puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 16 mai 2007).
- Sur la faute personnelle :
Le licenciement pour un motif personnel doit être fondé sur des éléments objectifs imputables au salarié.
Lorsque l'employeur procède à la requalification d'un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il ne peut se prévaloir de la raison pour laquelle le contrat à durée déterminée a été conclu pour licencier le salarié. (Cass. soc., 8 févr. 2005).
La cause n'est réelle que si l'employeur est en mesure de faire état de faits précis justifiant les griefs formulés à l'encontre du salarié (Cass. soc., 14 mai 1996).
L'allégation de négligences, dont la nature demeure indéterminée, ne constitue pas un motif suffisamment précis pour permettre au juge du fond de vérifier sa réalité et son sérieux (Cass. soc., 27 juin 2000).
- Sur la véracité du motif invoqué :
Le juge doit également vérifier si le motif invoqué par l'employeur est la véritable raison du licenciement et non pas un autre motif moins avouable, tel que pourrait l'être une discrimination ou des faits n'ayant pas de lien avec le contrat de travail et touchant par exemple la vie privée du salarié sans incidence sur le contrat de travail.
Ainsi, il appartient au juge de vérifier si la véritable cause du licenciement n'était pas le désir exprimé par le salarié de reprendre son travail après une absence motivée par son incarcération, et non son absence en tant que telle (Cass. soc., 23 nov. 1999 - Cass. soc., 10 avr. 1996 : Bull. civ. 1996, V, n° 149).
Lorsque le licenciement est consécutif à une mutation du salarié en vertu d'une clause de mobilité dont l'employeur savait que le salarié la refuserait, alors que le souhait de l'employeur était de se séparer du salarié à un moindre coût, le licenciement est dépourvu de motif réel (Cass. soc., 14 avr. 1999).
2.Caractère sérieux
Le législateur a précisé que la cause du licenciement doit être sérieuse, sans toutefois définir ce caractère.
Lors de l'examen des motifs de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur par voie de licenciement, le juge doit examiner la nature et le bien-fondé des griefs allégués afin d'apprécier s'ils constituent une faute, ou examiner l'exactitude du motif inhérent au salarié mais non fautif et justifiant la rupture, ou examiner les motifs économiques pour apprécier s'ils constituent des motifs suffisamment sérieux.
Ainsi, l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge doit vérifier que les objectifs étaient fixés et réalistes, et que les mauvais résultats procèdent d'une faute ou d'une insuffisance professionnelle imputable au salarié (Cass. soc., 3 oct. 2007 – Cass. soc., 19 oct. 2007).
- Sur la licéité du motif :
La cause sérieuse doit être fondée sur un motif licite.
Ainsi, le non-respect par le salarié d'une disposition d'un règlement intérieur comportant des restrictions aux libertés individuelles non justifiées par la nature de la tâche à accomplir au regard de l'article L. 1321-3 du Code du travail est légitime.
- Sur l’interdiction d'un motif discriminatoire :
Les articles L. 1132-1, L. 1132-2 et L. 1132-3 du Code du travail interdisent de licencier un salarié en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son appartenance physique, de son patronyme, de son état de santé ou de son handicap, ou de l'exercice normal du droit de grève.
Le licenciement fondé sur un motif discriminatoire est nul en application de l'article L. 1132-4 du même code.
Sera ainsi illicite le licenciement fondé sur une discrimination sexiste (Cass. soc., 7 déc. 1993), sur l'inaptitude (Cass. soc., 29 nov. 2006 – Cass. soc., 21 janv. 2009), sur l'âge (Cass. soc., 4 avr. 2012).
- Sur l’interdiction d'un motif lié à la vie privée :
La vie personnelle du salarié ne peut, en principe, constituer une faute susceptible de justifier son licenciement, sauf si le comportement du salarié, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise (Cass. soc., 20 nov. 1991 – Cass. soc., 22 janv. 1992).
Il ne peut être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié que si le comportement de celui-ci a créé un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise (Cass. soc., 16 sept. 2009).
L'employeur ne peut non plus se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner le salarié destinataire de cette correspondance (Cass. ch. mixte., 18 mai 2007).
Un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf si les faits reprochés au salarié constituent des manquements à ses obligations professionnelles.
Il en va ainsi du détournement de fonds commis par la salariée au préjudice d'une association hébergée dans les locaux de son employeur (Cass. soc., 23 juin 2009).
S'il ne peut être en principe procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée du salarié il en va autrement lorsque le comportement crée un trouble caractérisé dans l'entreprise (Cass. soc., 9 juill. 2002 – Cass. ch. mixte, 18 mai 2007 – Cass. soc., 11 avr. 2012).
3.Sur le formalisme de la lettre de licenciement et le pouvoir de représentation
L'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 janv. 2015).
Le formalisme qui entoure la lettre notifiant le licenciement relie nécessairement le pouvoir de signer au pouvoir de licencier.
Logiquement, l'employeur est la première personne à être désignée : il « notifie sa décision » (C. trav., art. L. 1232-6).
L'absence de pouvoir provoque l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement sans qu'une ratification a posteriori puisse réparer l'irrégularité.
Le vice de fond constitué par l'absence de pouvoir du signataire de la lettre conduit à un défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement (Cass. soc., 4 mars 2003).
Il est en effet possible de s'appuyer sur le mandat et considérer que dès lors que le signataire n'est pas investi par le titulaire du pouvoir, le défaut de mandat rend l'acte nul.
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Joan DRAY
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