Litige entre salarié et employeur : compétence de l’instance prud’homale dans une procédure collecti

Publié le Modifié le 21/10/2016 Vu 7 395 fois 0
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La place des salariés dans entreprise en procédure collective a été considérablement améliorée depuis la loi de 1985, notamment par la mise en place du représentant des salariés chargé de défendre leurs intérêts financiers, mais aussi par la sauvegarde de l'emploi primant le désintéressement des créanciers. Cette volonté légitime se traduit par le fait que le salarié n'est ni un créancier ordinaire ni un cocontractant traditionnel.

La place des salariés dans entreprise en procédure collective a été considérablement améliorée depuis l

Litige entre salarié et employeur : compétence de l’instance prud’homale dans une procédure collecti

Litige entre salarié et employeur : compétence de l’instance prud’homale dans une procédure collective.                                                         

                  La place des salariés dans entreprise en procédure collective a été considérablement améliorée depuis la loi de 1985, notamment par la mise en place du représentant des salariés chargé de défendre leurs intérêts financiers, mais aussi par la sauvegarde de l'emploi primant le désintéressement des créanciers.

Cette volonté légitime se traduit par le fait que le salarié n'est ni un créancier ordinaire ni un cocontractant traditionnel.

Lorsqu’il est en litige avec son employeur, les articles L. 1411-1 et suivants du Code du travail donnent une compétence exclusive au conseil des prud'hommes pour statuer sur les litiges individuels nés de la relation de travail.

La question se pose alors, de savoir si l’instance prud’homale garde sa compétence, lors de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’employeur.

Il se trouve que le législateur comme le juge ont souhaité conserver la compétence du conseil des prud'hommes pour régler les conflits individuels malgré la situation de l'employeur.

Il devrait donc en découler l'application des règles spécifiques à la procédure prud'homale, comme la conciliation, l'oralité des débats et l'unicité de l'instance.

Ainsi, lors de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’employeur, ces règles sont-elles aménagées, écartées ? Le Code de commerce a prévu des règles spécifiques.

Tout d'abord, à la différence des autres créanciers, les instances prud'homales en cours sont maintenues malgré l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de l'employeur (I), cependant cette ouverture va nécessairement avoir des conséquences sur l'instance prud'homale en cours (II).

  1. Maintien et unicité des instances prud’homales en cours.

         Ainsi le conseil des prud’hommes garde sa compétence lors d’un litige entre un salarié et l’employé, malgré la saisine du tribunal de commerce, pour ouverture d’une procédure collective envers le chef d’entreprise.

Cette situation constitue une exception, à celles des autres créanciers.

En effet, par principe, les instances qui étaient en cours pour les créanciers non salariés sont interrompues en raison de l'ouverture de la procédure collective et sont reprises de plein droit au moment où le créancier a déclaré sa créance (voir les articles L. 622-21 et L. 641-3 du Code de commerce).

Cette règle est d'ordre public.

Pourtant cette règle connaît une exception majeure : pour les instances prud'homales introduites par les salariés.

Le conseil des prud'hommes qui avait été saisi avant le jugement d'ouverture de la procédure collective reste donc compétent pour se prononcer sur les demandes du salarié, malgré cette procédure ouverte contre son employeur, sans que l'instance soit suspendue ou interrompue.

Ce texte vaut pour toutes les demandes, quel que soit leur objet, y compris par exemple une demande de résiliation pour défaut d'exécution d'une obligation de payer.

  • Unicité des instances prud'homales en cours

Le maintien de cette compétence mais aussi de cette instance a pour conséquence majeure l'application de la règle de l'unicité de l'instance prévue par l'article R. 1452-6 du Code du travail.

En application de l’article, le salarié doit regrouper au sein d'une même instance toutes les demandes nouvelles dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties dès lors que leur fondement peut être discuté lors de l'instance initiale.

Ces demandes sont recevables tant que le juge n'est pas dessaisi.

Plusieurs conditions doivent être réunies : les demandes doivent concerner le même contrat de travail, les mêmes parties, le fondement de la prétention ne doit pas apparaître après la clôture des débats et le conseil des prud'hommes ne doit pas être dessaisi.

Le juge est dessaisi en présence d'un jugement sur le fond, de désistement, de péremption d'instance ou de procès-verbal de conciliation totale.

                   Cependant, si l'existence d'une procédure collective n'interrompt pas les instances prud'homales en cours, en revanche, cette ouverture produit un certain nombre de conséquences.

  1. Déroulement et effet sur la procédure prud’homale.

En effet l’existence de la procédure collective doit être connue du conseil des prud'hommes et les organes de la procédure doivent être mis en cause. De plus, la décision rendue aura des effets modifiés par cette procédure.

  • Mise en cause des organes de la procédure collective

Tout d'abord, le mandataire judiciaire doit informer le conseil des prud'hommes de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou d'un redressement dans les 10 jours qui suivent sa nomination. Il doit également informer le salarié concerné par cette action (C. com., art. L 625-3). En cas de liquidation, cette obligation d'information incombe au liquidateur (C. com., art. L 641-4).


Ensuite, selon l'article L. 625-3 du Code de commerce doivent être mis en cause le mandataire judiciaire et l'administrateur uniquement lorsqu'il a une mission d'assistance du débiteur depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Lorsque le plan a été adopté, il s'agit du commissaire à l'exécution du plan. Enfin lors d'une liquidation, c'est le liquidateur qui est mis en cause en raison du dessaisissement, l'administrateur ne devant plus l'être depuis la réforme de 2008.

Quelle est la sanction en cas de non respect de cette mise en cause ? La Cour de cassation a déjà décidé que la décision devait être considérée comme non avenue, car il s'agit d'une condition de régularité de la procédure. Cela impose aularié de saisir à nouveau le conseil des prud'hommes si sa créance ne figure pas sur le relevé des créances et à condition de respecter le principe de l'unicité de l'instance (cf cass, soc 16/12/98, n°96-43-374).

 En outre, il faut convoquer l'AGS, pour lui rendre opposable la décision et aux fins de jugement commun, afin d'éviter qu'elle puisse exercer la tierce-opposition.

Cette mise en cause existe pour le redressement et la liquidation, mais a été écartée en cas de sauvegarde, l'AGS ne garantissant pas les créances antérieures au jugement d'ouverture (C. com., art. L. 625-1 ). Il faut en effet rappeler que l'AGS a un droit propre à contester les créances qu'elle devrait garantir, par exemple en remettant en cause la qualité de salarié.

Dans la décision du 9 mars 2011 précitée, la Cour de cassation confie aussi au greffe le rôle de convoquer l'AGS  (voir CA Riom, 18/04/88, JCP E 1989).

Cette intervention forcée n'a pas le même objet que la convocation des organes de la procédure, l'AGS étant un véritable tiers à l'instance prud'homale, cette qualité pouvant être discutée pour l'administrateur et le liquidateur. À défaut de mise en cause de l'AGS, la décision rendue produira ses effets et l'AGS pourra former tierce-opposition pour faire valoir ses arguments et contester sa garantie. Au contraire si l'AGS est mise en cause, elle ne pourra plus contester la décision rendue (voir cass, 2ème civ, 21/09/00, n° 98-14.151).

Outre cette intervention des organes, la décision rendue aura des effets différents.

  • Une décision prud'homale aux effets différents

Le salarié est un créancier particulier puisque les créances superprivilégiées et celles bénéficiant du privilège peuvent être payées par les organes de la procédure, contrairement à l'interdiction générale de payer les créances antérieures au jugement d'ouverture (C. com., art. L 622-7).

Pourtant, le salarié ne peut obtenir que l'inscription de la créance de salaire ou d'indemnité sur le relevé des créances salariales comme le prévoit expressément l'article L. 625-6. Ainsi, ni l'employeur (voir cass, soc,  6/06/89, n°87-45.172) , ni le liquidateur ni l'AGS (voir : cass, soc 5/01/05, n°02-43.726) ne pourront être condamnés au paiement à l'issue de la poursuite d'une instance en cours.

La solution est identique pour les instances nouvelles engagées après le jugement d'ouverture.

Le salarié doit-il faire une demande d'inscription sur le relevé des créances salariales ?

Il n'en est même pas certain, étant un effet prévu par l'article L. 625-6 du Code de commerce. Si le mandataire judiciaire refuse l'inscription sur le relevé des créances, le salarié devrait pouvoir saisir à nouveau le Conseil des prud'hommes sur le fondement de l'article L. 625-1 du Code de commerce, sans que le principe de l'unicité de l'instance lui soit opposé.

Un arrêt du 16 décembre 1998 (cass, soc 16/12/98, n° 96-43-794) a admis cette solution mais dans un cas particulier où l'instance en cours avait été poursuivie sans mise en cause du mandataire. Les parties n'étaient donc pas identiques. Mais la solution doit pouvoir être étendue au cas où les organes ont bien été mis en cause, dans la mesure où le fondement de la demande naît après que le juge est dessaisi et donc le principe de l'unicité de l'instance ne s'applique plus.
 

 Ensuite, en fonction de la nature de la créance, le salarié pourra éventuellement se faire payer par le mandataire et à défaut de fonds disponibles par l'AGS, malgré cette absence de condamnation au paiement.

L’article L. 3253-15 du Code du travail, modifié par une loi du 17 juillet 2001, prévoit que les décisions de justice sont de plein droit opposables à l'AGS et que cette dernière avance les fonds correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoires, même si les délais de garantie sont expirés. Le critère antérieur, à savoir « les créances définitivement établies par décision de justice » posait problème en raison de son imprécision.

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Joan DRAY

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