Le bail locatif met à la charge des parties (bailleur et preneur) un certain nombre d’obligations (art. 1728 Code Civil).
Parmi les obligations qui sont à la charge du preneur il y a celle de l’usage paisible de la chose louée en « bon père de famille ».
Cette règle est posée par l'article 1728 du Code civil et est complétée par l'article 1732 dudit code qui dispose que le preneur est responsable des pertes et dégradations survenant pendant la durée du bail.
Ce dispositif a pour objet d'interdire au preneur tout abus de jouissance et de réparer les pertes et dégradations qui pourraient en résulter.
Lorsque le contrat n'interdit pas la modification des lieux, la seule obligation du locataire est de remettre les lieux en l'état à la fin du bail (Cass. 3e civ., 13 janv. 1999).
Sont réputées abusives, les clauses tendant à porter atteinte à la libre jouissance des lieux : interdiction d'usage de l'ascenseur, de l'escalier principal ou l'obligation d'utilisation de l'escalier de service pour les ouvriers, les gens de service, ou l'obligation de libre accès au bailleur ou préposés ou de remettre les clefs du logement à un tiers en cas d'absence(Recommandation de la commission des clauses abusives n° 2000-01, 17 févr. 2000, no 12, BOCCRF 22 juin 2000, no 7, p. 353).
L'abus de jouissance peut être défini comme le fait d'user de la chose louée dans des conditions anormales ou excessives emportant une dépréciation de la chose ou une gêne pour le bailleur ou les tiers.
Quelle est l’étendue de cette interdiction ? Quels éléments permettent de mettre en cause la responsabilité du locataire ?
Responsabilité du locataire du fait de dégradations
L'article 1732 du Code civil impose au preneur, dans le prolongement de l'obligation d'usage en bon père de famille, de répondre « des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ».
Cette présomption implique donc que le locataire prouve qu'il n'a pas commis de faute et le bailleur n'a pas à établir que la faute alléguée est la cause de son préjudice (Cass. 3e civ., 28 janv. 2004).
L'imputabilité des dégradations du local au locataire est appréciée souverainement par les juges du fond qui sont libres de retenir les éléments de fait pertinent permettant de mettre ou non en cause sa responsabilité (Cass. 3e civ., 24 mars 1999).
Le locataire répond des dégradations causées par lui même mais également de celles qui arrivent par le fait des « personnes de sa maison » et de ses sous-locataires (art. 1735 Code civil).
Il est ainsi responsable des dégradations causées dans la chose louée par un déménageur, un plombier (Cass. 3e civ., 19 janv. 2000) ou encore par sa mère (CA Paris, 8e ch. D, 8 déc. 1998, Lumbroso c/ Cts Monte-Barthélémy).
Toutefois il n’est pas responsable des dégâts causés par ses invités dans les parties communes de l'immeuble (Cass. 3e civ., 16 juin 2004).
Ainsi, légalement présumé responsable, le preneur sera tenu de réparer le bien dégradé, afin de le restituer en bon état à la fin du bail.
Responsabilité du locataire du fait de nuisances
L’usage de la chose louée en bon père de famille implique également que le locataire de se donne pas à des comportements nuisibles.
Qu’est ce qu’un comportement nuisible ?
C’est par exemple le fait d'encombrer, en contradiction avec les clauses du bail, les cours, vestibules, portes cochères et paliers.
Ces faits constituent un abus de jouissance et peu importe que le bailleur tolère de tels comportement si ceux-ci sont prohibés par le bail.
En effet, une simple tolérance du bailleur ne saurait révoquer une clause expresse du bail (Cass. 3e civ., 19 janv. 1982).
Ce point est particulièrement important pour les locataires qui ne peuvent se satisfaire d’autorisations verbales de leur bailleur au risque de se voir opposer lors d’une instance judiciaire l’interprétation stricte des clauses du bail.
Plusieurs types de comportements peuvent êtres qualifiés de nuisibles.
Pour n’en citer que quelques uns, retenons que les juges ont considéré comme tel :
- Les bruits intempestifs (Cass. soc., 24 juin 1948) ;
- Les chants (Cass. soc., 8 juin 1956) ;
- Le tapage (diurne ou nocturne) et les odeurs nauséabondes (Cass. 3e civ., 21 nov. 1995) ;
- Les hurlements et querelles incessantes (CA Rouen, 1re ch. civ., 26 juin 1991, OPAC c/ Prieur) ;
Les tapages diurnes ou nocturnes sont sanctionnés par une résiliation surtout lorsque le locataire mis en demeure ne modifie pas son comportement (CA Dijon, 1re ch., 26 mai 2000, Akdag c/ Office public municipal d'HLM de Macon ; CA Montpellier, 2e ch. A, 1er févr. 2000, Suirault c/ OPAC de Montpellier).
Le propriétaire bailleur peut être tenu responsable des nuisances provoquées par son locataire à un tiers.
En effet, lorsqu'un trouble anormal de voisinage est causé par le locataire à un tiers, la victime du trouble dispose d'une action contre l'auteur du trouble mais également d'une action directe sur le propriétaire bailleur (Cass. 2e civ., 31 mai 2000).
Responsabilité du locataire du fait de son comportement ou de celui de ses proches
Le comportement du locataire peut constituer à lui seul un manquement à son obligation de jouissance paisible et justifier ainsi la résiliation du bail.
Parmi les comportements justifiant un telle sanction, on peut retenir :
- Les invectives envers les passants ou les violences contre le bailleur ou les autres locataires (Cass. 3e civ., 3 juin 1992) ;
- Les injures écrites réitérées, adressées au propriétaire à l'occasion de litiges locatifs (Cass. 3e civ., 8 nov. 1995) ;
- L'opposition du preneur à toute visite des lieux loués pour en empêcher et retarder une vente (CA Aix-en-Provence, 14 mai 1991) ;
- Le branchement clandestin au réseau d'eau (Cass. 3e civ., 18 mai 1994) ;
Ces comportements peuvent êtres reprochés au locataire en raison de l'attitude des membres de la famille domiciliée avec lui ( CA Paris, 6e ch., sect. B, 29 oct. 1998, Ferreira Ribeiro c/ OPHLM de Seine-saint-Denis).
En effet, le bailleur est responsable des troubles commis par les personnes vivant sous son toit (art. 1735 Code civil).
Les nuisances sont souvent le fait des enfants du locataire et peu importe que ceux-ci soient majeurs, dès lors qu'ils résident dans le logement loué (Cass. 3e civ., 10 nov. 2009).
En revanche, aucune sanction ne peut être prononcée à l'encontre du locataire à défaut de preuve d'un lien de causalité entre les faits reprochés à ses enfants et l'exécution du bail.
Tel est le cas lorsque les faits ont été commis dans le même ensemble immobilier que celui où se situent les lieux loués, mais distant de plus d'un kilomètre (Cass. 3e civ., 14 oct. 2009).
La responsabilité du locataire peut également être engagée du fait des animaux familiers qu’il aurait sous sa garde, lorsqu’ils sont un des éléments constitutifs du trouble.
Il a ainsi été jugé qu’était constitutif d’un trouble caractérisant un abus de jouissance :
- La présence de chiens sans surveillance qui, par leurs aboiements persistants et intempestifs, troublaient le voisinage (CA Paris, 1re ch., sect. A, 1er mars 1988, Epx Pognot c/ SA HLM Le foyer Noiséen) ;
- La présence de nombreux animaux provoquant une dégradation des lieux (CA Paris, 6e ch., 8 mars 1993, Hémar c/ Gerbier) ;
- La présence d'un pit-bull se livrant à des agressions sur les occupants (TI Antony, 5 mai 1997, OPHLM de Montrouge et autre) ;
Il est a noté qu’est désormais licite la stipulation d'un bail tendant à interdire la détention d'un chien d'attaque (art. 3 de la loi n° 99-5, 6 janv. 1999).
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