Dans la pratique, les dommages sont souvent le fait du locataire.
Néanmoins, le locataire ne eput pas être responsable de toutes les degradations commises par les personnes qui rentrent chez lui.
Il n'est pas possible pour un preneur de contrôler toutes les personnes et notamment ceux qui rentrent avec violence et contre sa volonté.
le locataire étant tenu d'apporter à la conservation de la chose louée tous les soins d'un bon père de famille, doit surveiller les personnes qu'il laisse entrer dans les lieux loués.
En matière de bail commercial, il s’agira bien souvent des clients.
- Le locataire est-il donc responsables des dégradations causées par ses clients ?
L'article 1735 du Code civil, dispose que « le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires ».
Ce régime de présomption applicable aux dégradations anormales doit être différencié des conséquences d'un usage normal et répété qui relève des réparations locatives de l'article 1754 du Code civil.
La rédaction de l’article 1735 peut poser des problèmes quant à l’interprétation de la portée de cette garantie par autrui, par la notion de « personnes de la maison du preneur ».
La jurisprudence a longtemps semblé choisir d’interpréter extensivement ces dispositions (l’interprétation restrictive aurait été de prendre en compte uniquement les membres de la famille), mais uniquement par des motivations générales ne permettant pas de bien saisir sa position.
En 2004, elle indiqua expressément les deux critères alternatifs qui permettaient de désigner les personnes de la maison au sens de l'article 1735 du Code civil : il s'agit de celles qui résident, « fût-ce temporairement, dans les lieux loués » ou qui y interviennent « à la demande des locataires à titre professionnel » (Cass. civ. 3e, 16 juin 2004).
En l'espèce, la Haute juridiction décida que l'invité d'un soir n'entrait dans aucune de ces deux catégories.
De telles précisions, sans innover, permettaient de faire une claire synthèse de l'ensemble des arrêts antérieurs.
Un arrêt du 19 novembre 2008 applique ces principes en répondant à une question que pouvait se poser nombre de commerçant : sont-ils responsables des agissements de leurs clients ?
La Cour répondit par la négative en énonçant que « l'autorisation donnée par le bail [au] praticien d'exercer sa profession de médecin dans les lieux loués impliquait le droit pour l'intéressé d'accueillir tous patients, lesquels ne constituent pas des personnes de la maison au sens de l'article 1735 du Code civil » (Cass. civ. 3e, 19 novembre 2008).
En l'espèce, un bail avait été accordé à des époux, le mari ayant été autorisé par la société bailleresse à exercer dans les locaux loués sa profession de médecin.
Une partie de sa clientèle était cependant constituée de toxicomanes à l'origine de troubles de jouissance pour les autres habitants de l'immeuble, ces patients laissant derrière eux détritus et seringues dans les parties communes et utilisant à l'occasion celles-ci comme lieux d'aisance.
La bailleresse assigna alors les preneurs en résiliation de leur bail, invoquant entre autres la garantie due par le preneur au titre de l'article 1735 du Code civil du fait des dégradations occasionnées par les personnes de sa maison.
La bailleresse affirmait évidemment que les personnes qui viennent consulter le médecin en tant que tel sont des personnes de sa maison. Le pourvoi insistait donc sur le caractère professionnel des relations liant un médecin à sa clientèle.
Ils ne s'agissaient pas d'amis de passage, exclus clairement du champ d'application de l'article 1735 depuis l'arrêt de 2004.
En excluant alors de l'article 1735 du Code civil les patients du médecin locataire, la Haute juridiction s'en tient strictement aux critères qu'elle a établis en 2004 : c'est la personne étrangère au bail qui doit intervenir à titre professionnel et non le locataire.
On comprend alors que, selon la Cour de cassation, la garantie du fait d'autrui de l'article 1735 du Code civil n'est justifiée que si le contractant du locataire est intervenu sur la demande de ce dernier.
Les patients sollicitant le médecin et non l’inverse, ils ne correspondent pas au critère de l’arrêt de 2004 mentionnant rappelons-le des personnes intervenant « à la demande des locataires à titre professionnel » (Cass. civ. 3e, 16 juin 2004).
Il ne peut donc s’agir toute personne ayant eu accès aux locaux loués grâce à l'agrément du preneur. Il faut un lien supplémentaire entre celui-ci et la personne à l'origine des dégradations pour justifier ce cas de garantie du fait d'autrui et ce lien ne peut être que la résidence de cette dernière dans les lieux loués ou son intervention en tant que professionnel.
L'article 1732 du Code civil met à la charge du locataire la réparation des dégradations ou des pertes survenues pendant sa jouissance, "à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.
En définitive,il lui l appartient donc au locataire de prouver l'absence de faute ; il supporte le risque de n'y point parvenir.
Cependant, si l'article 1732 du Code civil prévoit une présomption de faute du locataire dans la survenance de la dégradation, cette présomption est néanmoins réfragable puisque le locataire est dégagé de sa responsabilité s'il parvient à prouver que les dégradations ont eu lieu sans sa faute.
Le locataire peut par exemple s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'état des lieux qui aura été établi lors de l'entrée en jouissance faisant état des dégradations qui lui sont reprochées, voire plus globalement de l'état vétuste des lieux.
Le locataire doit réparer le préjudice subi par le bailleur : il peut s'agir de dommages-intérêts, mais aussi d'une retenue sur l'éventuel dépôt de garantie. Le locataire pourra aussi être condamné à remettre les lieux en l'état.
Si les dégradations sont constatées en cours de bail, le bailleur pourra aussi demander la résiliation du contrat soit en mettant en jeu la clause résolutoire, soit en la demandant en justice.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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