Dans le contexte du redressement judiciaire du débiteur, le mandataire judiciaire est investi d’une mission de représentation des créanciers et commet une faute s’il ne respecte pas l’intérêt collectif des créanciers.
La pluralité des tâches confiées au mandataire liquidateur l’expose à une responsabilité étendue et de plusieurs natures : civile, pénale, disciplinaire etc..
Il est souvent reproché au mandataire de justice de poursuivre le contrat de bail , sans disposer des fonds nécessaires, au détriment des bailleurs, afin de permettre la cession des entreprises.Â
Il est donc nécessaire de rappeler le rôle dévolu au mandataire dans le cadre de la poursuite du bail commercial.
La Cour de Cassation a rendu un arrêt intéressant sur la responsabilité d’un mandataire désigné , dans le cadre d’un redressement judiciaire.
Il a été jugé que lorsqu’une entreprise est mise en redressement judiciaire sans désignation d’un administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire que l’entreprise n’a pas consulté avant de poursuivre un bail ne peut être tenu pour responsable de cette poursuite.( Cass. com. 5-2-2020 n° 18-21.529 F-PB)
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1/ Sur la poursuite du bail commercialÂ
Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire d’une entreprise, la loi encadre le sort des contrats en cours conclus par cette dernière : ces contrats ne sont pas résiliés du seul fait de l’ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire ; leur poursuite peut être imposée par les organes de la procédure ; la faculté pour les cocontractants d’en demander la résiliation est restreinte .
-En cas de sauvegarde et de redressement judiciaire du locataire, l'administrateur judiciaire peut exiger la poursuite du bail commercial(C. com. art. L 622-13, II et art. L 631-14, al. 1), mais il ne peut le faire qu'à  condition de payer le loyer (cf. C. com. art. L 622-13, al. 1), étant précisé que :
-  en cas de sauvegarde, ce paiement s'effectue conformément aux termes du bail ;
-  en cas de redressement et quels que soient les termes du bail, le loyer doit être payé au comptant, sauf à obtenir du bailleur des délais de paiement (C. com. art. L 631-14, al. 3).
-Lorsque la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire a été ouverte sans désignation d'un administrateur judiciaire (entreprise locataire ayant moins de 20 salariés et réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 3 000 000 €) (C. com. art. L 621-4, al. 4, art. L 631-21 et R 621-11), la poursuite du bail peut être demandée par le locataire lui-même (C. com. art. L 627-2).
- En cas de liquidation judiciaire, il incombe au liquidateur, ou à l'administrateur s'il en a été désigné un (art. L 641-10, al. 5), de se prononcer sur la poursuite du bail (art. L 641-11-1). Cette poursuite peut être exigée même si l'activité de l'entreprise n'est pas maintenue.Les contrats en cours peuvent, en effet, être nécessaires pour permettre le redressement de l’entreprise ou sa cession.
- En cas de liquidation judiciaire, il incombe au liquidateur, ou à l'administrateur s'il en a été désigné un (art. L 641-10, al. 5), de se prononcer sur la poursuite du bail (art. L 641-11-1). Cette poursuite peut être exigée même si l'activité de l'entreprise n'est pas maintenue.
La poursuite du contrat de bail est souvent nécessaire pour les cessions d’entreprise.
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2/ Que se passe-t-il si le bailleur n’a pas été réglé de ses loyers ?
 Il convient de rappeler qu’à  compter du jugement d'ouverture de la procédure collective, le bailleur ne peut plus agir ni en recouvrement des loyers échus avant le prononcé du jugement d'ouverture, ni en résiliation du bail pour défaut de paiement desdits loyers.
 En effet, le jugement ouvrant la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est née antérieurement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles (C. com. art. L 622-21, L 631-14, al. 1 et L 641-3).
Si les loyers nés de la poursuite du bail ne sont pas payés à leur échéance, le bailleur bénéficiera pour ceux-ci d'un privilège de paiement par rapport aux autres créanciers  et il pourra, sous certaines conditions, demander la résiliation du bail.
À compter du jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard du locataire, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise pour défaut de paiement des loyers et des charges afférents à une occupation postérieure audit jugement.Â
Cette action ne peut être introduite moins de trois mois après le jugement d'ouvertureÂ
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3/ Que se passe -il si le mandataire n’use pas de la faculté de résiliation et qu’il y a défaut de paiement ?
Si l'administrateur ou le liquidateur judiciaire n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin, faute de disposer des fonds nécessaires, l'inexécution peut donner lieu à des dommages-intérêts dont le montant doit être déclaré au passif au profit du bailleur ;
Dans l’affaire rendue par la Cour de Cassation, une entreprise, titulaire d’un bail commercial, est mise en redressement puis en liquidation judiciaire en 2011.Â
Après clôture de cette dernière en 2013, le bailleur met en œuvre la clause résolutoire du bail pour non-paiement de loyers échus après l’ouverture de la procédure. En outre, il met en cause la responsabilité personnelle du mandataire de justice, désigné par le tribunal comme mandataire judiciaire dans le dans le redressement judiciaire, puis comme liquidateur judiciaire. Il lui reproche de n’avoir pas mis fin au bail et d’avoir laissé s’aggraver la dette de loyers.
Pour la Cour d’Appel , la responsabilité du mandataire devait être retenue  puisque le redressement judiciaire ayant été ouvert sans désignation d’un administrateur judiciaire, il appartenait au mandataire judiciaire de donner un avis conforme sur la poursuite ou non des contrats en cours .
Le mandataire savait que l’entreprise ne paierait pas les loyers .
La Cour de Cassation refuse ce raisonnement et rappelle qu’en l’absence d’administrateur,  c’est au débiteur lui-même qu’il appartient, sur avis conforme du mandataire judiciaire, d’exercer la faculté de poursuivre les contrats en cours et de demander la résiliation du bail.
En outre , la Cour de Cassation précise que la poursuite du contrat par le débiteur sans consultation du mandataire judiciaire est irrégulière. En conséquence, les créances nées de celle-ci pendant la période d’observation ne peuvent pas bénéficier d’un paiement à l’échéance ou par privilège.
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JOAN DRAY
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