Des actionnaires minoritaires peuvent ils s’opposer à des mesures de résolutions visant à l’exécution d’un plan de redressement ?
Une société mise en redressement judiciaire en 2019 obtient un plan de redressement le 5 mai 2020.
Une assemblée générale des actionnaires du 29 décembre 2020 a rejeté les résolutions visant à mettre en œuvre des mesures de restructuration financière reposant sur un coup d’accordéon permettant l’entrée d’un nouvel actionnaire.
Le coup d’accordéon, permet pour les associés de contribuer aux pertes en consentant à une réduction du capital à zéro pour ensuite décider d’une augmentation de capital.
Il s’agit d’une mesure de restructuration des sociétés en difficulté.
Il permet souvent à la société d’obtenir un plan, conformément à l’exigence de l’article L. 626-3 du Code de commerce, qui impose la reconstitution des capitaux propres lorsque le plan envisage une modification du capital social.
Depuis l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, cette reconstitution peut être facilitée par la privation du droit de vote des associés récalcitrants, ainsi que le prévoit l’article L. 631-9-1 du Code de commerce.
Dans cette affaire, il s’agissait d’actionnaire minoritaires qui refusaient de prendre des décisions, notamment , des mesures de restructurations.
Les autres actionnaires considéraient qu’il s’agissait d’un abus de minorité.
Il leur était reproché d’agir dans leur intérêt exclusif tendant à la récupération de leurs actifs, et non au redressement de la société.
Ils leur étaient fait le reproche de s’opposer à l’adoption de mesures indispensables au redressement de la société, exposant celle-ci à un risque de liquidation judiciaire .
La société sous procédure a assigné devant le président du tribunal statuant en référé tous les actionnaires opposants aux fins de voir juger que leur opposition aux résolutions visant à l’exécution du plan de redressement constituait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser en raison du dommage imminent auquel elle l’exposait.
La cour d’appel a désigné un mandataire ad hoc avec pour mission de participer à l'assemblée générale extraordinaire chargée de statuer sur les diverses mesures de restructuration envisagées, de représenter les actionnaires opposants, et de voter en leur lieu et place.
L'arrêt de la cour d'appel en a déduit que, dans ces circonstances, l'usage que les actionnaires minoritaires ont fait de leur droit de vote apparaît abusif en ce qu'il fait obstacle à la mise en œuvre de mesures de restructuration financières jugées indispensables au redressement de la société et par suite à sa survie, en exposant la société à un risque de liquidation judiciaire contraire à l'intérêt social.
Les minoritaires s’opposaient à la désignation d’un mandataire ad hoc au motif que les articles L. 631-9-1 et L. 626-3 du Code de commerce accordent uniquement à l'administrateur la faculté de demander la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de convoquer l'assemblée pour voter la reconstitution du capital, à l'exclusion de toute opération d'accordéon.
Il convient de préciser que le plan avait été adopté avant la tenue de l’assemblée générale litigieuse, la demande de nomination d’un mandataire ad hoc « n’était pas présentée par l'administrateur de manière à rendre possible l'adoption du plan de redressement », de sorte que « les dispositions des articles L. 626-3 et L. 631-9-1 du code de commerce n'étaient pas applicables au litige
Ces articles ne sont applicables que pour l’adoption du plan lorsqu’il prévoit une modification du capital et la reconstitution des capitaux propres.
La situation n’était pas la même de sorte qu’il était possible de sollicite la désignation d’un mandataire ad hoc.
Cette opposition constituait un trouble manifestement illicite exposant la société à un dommage imminent qu'il convenait de faire cesser.
Le juge des référés peut être saisi, en application de l’article 873 du Code de procédure civile, afin de désigner un mandataire ad hoc chargé de voter au lieu et place des minoritaires.
Cass. com., 22 nov. 2023, n° 22-16.362, F-B : JurisData n° 2023-020863 ;
la Haute Juridiction souligne que les juges du fond ont justement relevé que l’opposition des minoritaires au coup d’accordéon « tend, dans leur intérêt exclusif, à une récupération de leurs actifs, et non au redressement de la société » et que « l'usage que les actionnaires minoritaires ont fait de leur droit de vote apparaît abusif en ce qu'il fait obstacle à la mise en œuvre de mesures de restructuration financières jugées indispensables au redressement de la société Fort royal et par suite à sa survie, en exposant la société à un risque de liquidation judiciaire contraire à l'intérêt social .
Cet arrêt permet de considérer que soit retenu, l’’abus de minorité, justifiant la nomination d’unmandataire ad hoc , le fait pour des associés de refuser la mise en œuvre d’un coup d’accordéon jugé indispensable au redressement de la société.
Maître JOAN DRAY
Avocat
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