En principe, il n’existe pas d’obligation de non-concurrence pour les associés si cette obligation ne figure pas dans les statuts, mais cette solution n’avait jamais été clairement affirmée et un doute subsistait jusqu’à récemment.
La question se posait donc de savoir si, en l'absence de clause de non-concurrence figurant dans les statuts, l'associé reste néanmoins tenu de ne pas faire concurrence à la société dont il est membre, ou si à l’inverse il est libre d’exercer toute activité de son choix.
La position de la jurisprudence n’était pas bien établie jusqu’à l’arrêt rendu par la Cour de cassation en novembre 2011 et commenté ci-dessous.
Auparavant, la Cour avait pu sembler admettre une obligation de non-concurrence implicite, (Com. 6 mai 1991), mais cette position était incertaine et peu suivie par les juges du fond.
En témoigne cet arrêt de la Cour d’Appel de Rouen énonçant que l'associé minoritaire (6%) d'une SARL qui n'a aucun rôle particulier dans le fonctionnement de celle-ci n'est donc pas lié à la SARL par une clause de non-concurrence implicite rendant fautive sa prise de participation dans une autre société (CA Rouen 19-11-2009 n° 08-1868).
A contrario, on pouvait penser que l’associé ne peut concurrencer la SARL s'il participe effectivement à l'activité sociale, car il ne saurait en même temps travailler pour la société et lui faire concurrence.
Ces interprétations ont depuis été démêlées par un arrêt du 15 novembre dernier, statuant qu’il n’existe pas d’obligation de non-concurrence pour les associés d’une SARL, au contraire du gérant.
- Pas d’obligation de non-concurrence pour l’associé d’une SARL
La Cour de cassation a donc récemment clarifié sa position (Cass. com. 15 novembre 2011 n° 10-15.049).
Cet arrêt vient établir une interprétation nette selon laquelle un associé de SARL ne commet pas de faute s'il concurrence celle-ci, sauf s'il viole une clause statutaire de non-concurrence ou s'il commet des actes de concurrence déloyale.
En l’espèce, l'associé d'une SARL de construction qui, avait entrepris pour une société civile immobilière un projet de constructions concurrent de celui de la SARL, sans en informer ses coassociés, n'avait pas commis de faute engageant sa responsabilité à l'égard de ces derniers.
En l’espèce, la notion d’ « obligation de loyauté » invoquée par le pourvoir n’a pas été retenue par la Cour de cassation, dont l’attendu est clair : « sauf stipulation contraire, l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est, en cette qualité, tenu ni de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société ni d'informer celle-ci d'une telle activité et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyaux ».
Contrairement à la Cour d’Appel de Rouen en 2009, la Cour suprême ne prend pas en compte le rôle de l'associé dans la société.
La Cour limite la solution par l’obligation pour l’associé de s’abstenir d’actes de concurrence déloyaux, comme peut l’être le débauchage massif de salariés par exemple.
En somme, l’associé conserve une totale liberté d’entreprise. Il n’a pas même à informer la société de ses autres activités.
Il n’est donc pas tenu d’une obligation de non-concurrence si celle-ci ne figure pas dans les statuts et peut donc, par exemple, conserver les qualités d’associé et d’entrepreneur dans un même secteur.
L’arrêt nous indique cependant qu’il n’en va pas de même pour le gérant, qui doit lui s'abstenir de concurrencer la société, sous peine de manquer à son obligation de loyauté et de fidélité.
- Une obligation que doit respecter le gérant
Sur le fondement de l’article L. 223-22 du Code de commerce, la Cour de cassation prend une position inverse en ce qui concerne le gérant, qui a une « obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui en raison de sa qualité de gérant de la société […], lui interdisant de négocier, en qualité de gérant d'une autre société, un marché dans le même domaine d'activité ».
Cet attendu nous indique clairement que le gérant doit s'abstenir de concurrencer la société, sous peine de manquer à son obligation de loyauté et de fidélité envers la société.
Pour finir, il convient de noter que la Cour indique expressément « les associés d’une société à responsabilité limitée », en conséquence il n’est pas certain que la solution soit applicable à d’autres associés, tels ceux d’une société de personnes (en raison notamment du fort intuitu personae caractérisant ces sociétés).
Il se peut aussi qu’il existe des exceptions, telles que celles déjà évoquées avant que la Cour ne clarifie sa position, concernant notamment l’associé apporteur en industrie, puisque la libération de cet apport implique qu’il doit à la société tous les gains réalisés dans l'industrie, qu’il se consacre exclusivement à l’activité de la société.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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