L’obligation de consultation du Comité de l’entreprise pour l’employeur
Au sein de l’entreprise, l’employeur peut voir son pouvoir de prendre des décisions limitée et encadré.
Pour certaines décisions, l’employeur doit consulter le Comité d’entreprise ; c’est-à -dire qu’il doit demander un avis préalablement à une prise de décision après avoir engagé une discussion.
Le Comité d’entreprise est composé de l’employeur et d’une délégation élue du personnel.
Il convient d’examiner quelles décisions nécessitent la consultation du Comité d’entreprise (I), pour ensuite voir la procédure (II).
Enfin, il faut étudier les conséquences d’un défaut de consultation du Comité d’entreprise (III).
- I.                   Les décisions de l’employeur devant donner lieu à la consultation du Comité d’entreprise
- Consultation sur des décisions unilatérales de l’employeur
Le Comité d’entreprise doit être consulté préalablement à toute décision unilatérale de l’employeur entrant dans son champ de compétence :
-         gestion de l’entreprise
-         évolution économique et financière de l'entreprise
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â l'organisation du travail,
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â la formation professionnelle
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â les techniques de production
Cependant, aux termes de la jurisprudence, le Comité d’entreprise doit être consulté lorsque les décisions envisagées par l’employeur, dans l'ordre économique, sont importantes et ne revêt pas un caractère ponctuel ou individuel (Cass. Crim. 2 juin 1992, n°91-86.979).
Il a été jugé que n’était pas suffisamment important et ne nécessitait pas la consultation du comité d’entreprise, la décision de :
-         Suppression, pour manque de rentabilité, d'un service occupant 3 des 120 salariés de la société, et répartition ensuite de ces salariés dans d'autres postes de travail de l'entreprise, selon leur qualification (Cass. crim., 14 févr. 1989, no 87-91.415)
-         Mise en place provisoire d'une permanence au standard pendant le repas de midi qui ne concernait que 10 salariés sur 250 (Cass. crim., 12 févr. 1991, no 89-86.881)
Â
- Consultation en cas de conclusion ou de dénonciation d’un accord collectif
Selon la jurisprudence, le Comité d’entreprise doit également être consulté, lorsque la conclusion d'un accord collectif dont l'objet entre dans ses compétences est envisagée. Cette consultation doit avoir lieu concomitamment à l'ouverture de la négociation et au plus tard avant la signature de l'accord (Cass. soc., 5 mai 1998, no 96-13.498, Conseil supérieur consultatif des comités mixtes à la production c/ EDF-GDF).
Le Comité d'entreprise doit être consulté sur la dénonciation par le chef d'entreprise d'un accord d'entreprise qui intéresse l'organisation, la gestion ou la marche de l'entreprise.
En l’absence de consultation, la dénonciation demeure sans effet jusqu'à l'accomplissement de cette formalité.
- II.                 La procédure de consultation
Il revient à l’employeur de consulter régulièrement le Comité d’entreprise.
Cependant, il peut décider de déléguer cette mission à un de ses collaborateurs qui présidera le Comité mais l’employeur doit vérifier que la consultation a bien lieu.
A défaut, il pourra être déclaré coupable, avec son représentant, d’entrave au fonctionnement du Comité d’entreprise.
- Le moment de la consultation
La consultation doit avoir lieu avant la mise en œuvre de la mesure par l’employeur et avant que la mesure soit définitivement prise.
La Cour de cassation a posé certains principes :
-         Les mesures n’ont pas à être précises et concrètes pour obliger l’employeur à consulter le Comité d’entreprise
-         un projet ou des orientations, même formulés en des termes généraux doivent être soumis à consultation du comité d'entreprise lorsque leur objet est assez déterminé pour que leur adoption ait une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise
Lorsque la mesure envisagée par l'employeur s'inscrit dans une procédure complexe comportant des décisions échelonnées, le comité doit être consulté à l'occasion de chacune d'elles.
L’annonce à des tiers ou aux salariés d’une décision par l’employeur avant toute consultation du Comité d’entreprise, ne constitue pas forcément un délai d’entrave.
- La nécessité de remettre des informations précises et écrites
Conformément à l’article L.2323-4 du Code du travail, « Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations ».
- La nature et le contenu de l’information
Pour certaines matières, le Code du travail prévoit la nature et le contenu de l’information :
-         Licenciement collectif pour motif économique
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â Consultation sur le plan de formation
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â Introduction de nouvelles technologies
Pour les autres matières, la jurisprudence a apporté certaines précisions :
-         L'employeur ne peut, sous peine de commettre un délit d'entrave, se contenter de lire devant le Comité d’entreprise un document complexe comportant plusieurs pages, qu'il refuse ensuite de lui communiquer (Cass. crim., 4 nov. 1982, no 82-90.715 : Bull. crim., no 241)
-         L’employeur n’est pas obligé de communiquer le projet lui-même, dès lors que les informations données sur ces contrats étaient suffisantes pour permettre au comité d'exprimer utilement son avis (Cass. crim., 6 avr. 1993, no 92-80.864 : Bull. crim., no 148) ;
….
Â
- Le délai d’examen
Le Code du travail prévoit un délai d’examen précis pour les matières suivantes :
-         Licenciement collectif pour motif économique
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â Consultation sur le plan de formation
-         Introduction de nouvelles technologies (Article L. 2323-13 du Code du travail)
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Consultation sur le bilan social de l'entreprise
Dans tous les autres cas de consultation, le délai imparti au Comité d’entreprise devra être évalué par l'employeur compte tenu de l'importance du projet et des difficultés spécifiques que présentera l'examen.
Les informations doivent être communiquées au comité au plus tard lors de la convocation, au moins 3 jours avant la séance.
En cas de litige, l'appréciation du caractère suffisant du délai laissé au comité d'entreprise relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Il a été jugé qu'un délai de 7 jours entre le moment où le Comité d’entreprise, consulté sur un projet de changement d'actionnariat, a pu disposer d'informations précises et le jour où il a dû rendre son avis était insuffisant (Cass. soc., 16 avr. 1996, no 93-15.417, Sté Sietam industries c/ Comité central d'entreprise de la Sté Sietam industries : Bull. civ. V, no 163).
Par contre, un délai de 10 jours laissé au Comité d’entreprise, pour examiner un projet de réorganisation, était suffisant.
- La délibération du Comité d’entreprise
La consultation doit donner lieu à une discussion, à un échange de points de vue. Il appartient à l'employeur de présenter les informations qui ont été transmises aux membres du <comité>. Au cours de la discussion, l'employeur doit fournir des réponses motivées aux questions du <comité d'entreprise.
L’avis motivé doit être émis par le Comité d’entreprise.
Si le Comité refuse d’émettre un avis, l’obligation de consultation doit être considérée comme satisfaite dès lors qu'une procédure a été régulièrement conduite, selon la jurisprudence.
- La décision finale de l’employeur
Aux termes de l’article L.2323-3 du Code du travail, suite à l’avis et aux vœux émis par le Comité d’entreprise, « l'employeur rend compte, en la motivant, de la suite donnée à ces avis et vœux ».
L’employeur peut décider de mettre en œuvre la décision même si le Comité d’entreprise s’y est opposé.
Le Comité d’entreprise dispose d’un droit de veto dans de rares cas :
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â la mise en place d'horaires de travail variables
-Â Â Â Â Â Â Â Â Â la mise en place d'un repos compensateur de remplacement
-         en cas de refus d'un congé de formation économique, sociale et syndicale
-         en cas de refus de certains congés spéciaux
Â
- III.               Sanctions du défaut de consultation du Comité d’entreprise
- Sanctions pénales
L'absence totale de consultation du CE ou une consultation irrégulière, qui ne lui permet pas d'exprimer un avis en pleine connaissance de cause, sont susceptibles de constituer un délit d'entrave.
La peine encourue est un an d'emprisonnement et 3 750 € d'amende.
- Sanctions civiles
Le défaut de consultation régulière du Comité d'entreprise est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser en ordonnant à l'employeur de suspendre la mise en œuvre de sa décision dans l'attente d'une consultation régulière.
Il a également été jugé qu'un Comité d'entreprise qui s'estime irrégulièrement consulté sur un projet de transfert partiel d'activité a la faculté de saisir le juge des référés en vue de faire suspendre le projet et de faire réintégrer les salariés déjà transférés, dans l'attente d'une régularisation de la consultation par l'employeur.
Le Comité d’entreprise peut solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Les syndicats peuvent agir lorsque les faits portent atteintes directement ou indirectement à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent (L.2132-3 du Code du travail). Ils peuvent donc agir en justice pour faire suspendre un projet sur lequel le Comité d'entreprise aurait dû être consulté (Cass. soc., 24 juin 2008, no 07-11.411, no 1244 FS,  Féd. nationale des mines et de l'énergie CGT et a. c/ Sté EDF et a.).
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
76/78 rue Saint-Lazare
75009 PARIS
 tel:09.54.92.33.53
FAX: 01.76.50.19.67