Obligation du locataire en matière de bail de droit commun : usage non préjudiciable

Publié le 29/06/2015 Vu 12 748 fois 0
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Il appartient au bailleur de prouver la violation de l'obligation de jouissance paisible par le locataire et à la justice d'apprécier la pertinence des griefs ainsi que l'actualité et la gravité du manquement reproché, la résiliation éventuellement prononcée devant lui être proportionnée (CA Versailles, 1re ch., 3 févr. 2015). Si le locataire est responsable des agissements des occupants de son chef, et notamment des membres de sa famille, ces agissements doivent être suffisamment circonstanciés et prouvés.

Il appartient au bailleur de prouver la violation de l'obligation de jouissance paisible par le locataire et Ã

Obligation du locataire en matière de bail de droit commun : usage non préjudiciable

Il appartient au bailleur de prouver la violation de l'obligation de jouissance paisible par le locataire et à la justice d'apprécier la pertinence des griefs ainsi que l'actualité et la gravité du manquement reproché, la résiliation éventuellement prononcée devant lui être proportionnée (CA Versailles, 1re ch., 3 févr. 2015).

Si le locataire est responsable des agissements des occupants de son chef, et notamment des membres de sa famille, ces agissements doivent être suffisamment circonstanciés et prouvés.

Obligation du locataire : un usage non préjudiciable

  • Auteur du dommage :

Le plus souvent, le dommage aura pour origine une initiative du locataire.

Cependant, selon l'article 1735 du Code civil, le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison.

Il est ainsi responsable des dégradations commises par son enfant même majeur (Cass. 3e civ., 10 nov. 2009 – CA Agen, 1re ch., 16 mai 2000) ou par des personnes qu'il a fait rentrer chez lui, tel un entrepreneur chargé d'effectuer des travaux (Cass. 3e civ., 13 févr. 1979) ou un plombier (Cass. 3e civ., 19 janv. 2000).

La jurisprudence a pendant longtemps interprété assez largement l'expression « personnes de sa maison », considérant qu'elle englobe non seulement les personnes qui vivent avec le locataire, telle une concubine (CA Toulouse, 3e ch., 23 mai 2006), mais également toutes celles qu'il a laissées pénétrer dans les lieux, comme un ouvrier chargé d'une réparation ou encore une entreprise de déménagement (CA Douai, 3e ch., 28 févr. 2002 – CA Dijon, 20 nov. – CA Paris, 6e ch. B, 23 mai 2002).

Le locataire étant tenu d'apporter à la conservation de la chose louée tous les soins d'un bon père de famille, il doit surveiller les personnes qu'il laisse entrer dans les lieux loués.

À l'inverse, le preneur n'est pas responsable du dommage causé par une personne entrée dans l'immeuble par violence et contre sa volonté (CA Besançon, 28 déc. 1898) ou par un ami qu'il n'héberge pas.

Mais à propos de dégradations commises dans les parties communes par l'invité d'un soir d'un locataire, la troisième chambre civile a pu décider par un arrêt de 2004 (Cass. 3e civ., 16 juin 2004) que cet individu n'est pas considéré comme étant de la maison du locataire, parce qu'il ne « résidait pas, fût-ce temporairement, dans les lieux loués et qu'il n'y était pas intervenu à la demande des locataires à titre professionnel » (CA Amiens, 1re ch., 13 sept. 2007).

Il a également été décidé récemment que le locataire qui exerce l'activité de médecin dans les lieux loués n'est pas responsable des voies de fait commises par les patients, qui ne sont pas visés par l'article 1735 du Code civil(Cass. 3e civ., 19 nov. 2008).

L'expression utilisée par l'article 1735 du Code civil n'englobe plus toutes les personnes que le locataire a introduites dans les lieux, mais uniquement celles qui sont soit hébergées chez lui, soit à défaut se trouvent dans les lieux à titre professionnel, par exemple pour effectuer une prestation quelconque à la demande du locataire.

  • Sous-locataire :

Il résulte de l'article 1735 que le preneur est également responsable des dégradations et des pertes de la chose louée dues au fait de ses sous-locataires.

Sa responsabilité se justifie par le fait que le bailleur n'est pas lié juridiquement au sous-locataire et qu'il n'a pas d'action directe à son encontre, en dehors de celle relative au paiement du loyer.

Lorsque le preneur est responsable, le bailleur peut à son choix agir contre lui ou actionner directement l'auteur du dommage en vertu de l'article 1382 du Code civil(CA Bastia, 15 févr. 1892).

De son côté, le locataire, responsable du fait d'une personne habitant chez lui, peut recourir en garantie contre elle.

Il doit pour cela faire la preuve d'une faute commise par elle (Cass. req. 21 déc. 1932).

  • Objet du dommage :

Ce peut être la chose louée elle-même qui subit des altérations, dégradations ou autres.

Ce peut être aussi les biens utilisés accessoirement à la chose louée, tels que les parties communes et les équipements collectifs dans un immeuble en copropriété (Cass. 3e civ., 19 nov. 2008).

L'article 1732 du Code civil, notamment, ne limite pas la responsabilité du locataire « aux seuls dégâts commis dans les lieux loués » (Cass. 3e civ., 6 déc. 1972).

Les meubles et équipements loués avec le local peuvent également donner lieu à l'application des règles relatives aux dégradations et autres dommages.

Usage sans altération de la chose louée

A. Obligation d'utiliser normalement

  • Obligation d'utilisation effective :

Le preneur doit, en principe, utiliser effectivement le bien loué.

Même en l'absence d'une clause spéciale dans le bail, le défaut d'occupation des lieux et d'exploitation normale de la chose louée qui n'a pas été autorisé par le bailleur peut justifier la résiliation du bail (Cass. com., 29 mars 1960 – CA Paris, 6e ch. A, 1er déc. 1992).

Le défaut d'utilisation effective est notamment assez souvent sanctionné par les tribunaux en matière commerciale (Cass. 3e civ., 10 juin 1976).

Elle peut l'être également pour les locaux loués à usage d'habitation.

Mais il faut préciser en revanche que la destination des locaux à usage d'habitation et professionnel n'implique pas, par elle-même, l'obligation d'utiliser les lieux loués à chacun des usages prévus par la convention (Cass. 3e civ., C, 15 janv. 1992 – Cass. 3e civ., 11 mai 1993).

Il ne peut donc être reproché à un locataire d'utiliser les lieux uniquement à usage professionnel par exemple.

L'obligation du locataire disparaît dans certaines circonstances :

  • Il peut s'abstenir d'user de la chose louée à la condition de justifier qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour en assurer la conservation (Cass. soc., 17 juill. 1962).
  • Le propriétaire peut naturellement dispenser son locataire de l'obligation d'occuper et d'exploiter les lieux loués ; les juges ont un pouvoir souverain pour apprécier les circonstances d'où résulte cette dispense (Cass. 1re civ., 21 juin 1965).
  • Le locataire ne pourrait non plus se voir reprocher une cessation d'utilisation si celle-ci était justifiée par une circonstance de force majeure constitutive d'une impossibilité d'exploiter. Ainsi en est-il lorsque l'inoccupation n'est pas volontaire mais due à des hospitalisations répétées (Cass. 3e civ., 4 juin 1991).

B. Interdiction de modifier

Principes de droit commun

  • Transformations et simples aménagements :

En droit commun du bail, la jurisprudence distingue les simples aménagements, que le locataire peut réaliser, des transformations qui lui sont interdites.

En effet, le preneur ne peut changer la forme ou l'aspect de la chose louée.

Seul l'accord du bailleur peut permettre au locataire de faire des transformations.

L'accord du bailleur pourrait se déduire d'une attitude passive de sa part (Cass. soc., 20 mai 1963 – Cass. 1re civ., 21 juin 1965 – Cass. 3e civ., 27 févr. 1979).

Le refus du bailleur d'autoriser certaines initiatives du locataire est parfois jugé abusif (Cass. 3e civ., 27 juin 1990 4).

Les indices retenus par les juges sont l'absence de préjudice pour le bailleur (Cass. soc., 17 déc. 1964 – Cass. 3e civ., 12 avr. 1972 – Cass. 3e civ., 10 janv. 1973), la plus-value apportée au fonds (Cass. 3e civ., 12 avr. 1972 – Cass. 3e civ., 21 nov. 1979 – Cass. 3e civ., 27 juin 1990), le progrès technique réalisé (CA Riom, 9 mars 1964).

  • Modifications interdites :

D'une manière générale, tout changement important dans la distribution des lieux est prohibé.

Il en est ainsi de la suppression d'une salle de bains (Cass. 3e civ., 22 juill. 1992), d'une cloison intérieure (CA Grenoble, 2e ch., 11 sept. 1989), du changement de la configuration des lieux (CA Paris, 6e ch. C, 22 janv. 2008), du percement des murs (Cass. 1re civ., 23 oct. 1961), peu important que le locataire soit propriétaire de l'immeuble contigu (CA Paris, 6e ch. B, 26 avr. 1985).

Les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier l'existence et la gravité des modifications.

  • Aménagements autorisés :

Les simples aménagements peuvent être réalisés en toute liberté par le preneur.

L'article 6 d) de la loi du 6 juillet 1989 a d'ailleurs consacré cette distinction concernant les baux d'habitation en précisant que le bailleur ne peut « s'opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux ci ne constituent pas une transformation de la chose louée ».

Sont considérés comme de simples aménagements les travaux de peu d'importance ayant pour but d'améliorer le confort, la commodité ou l'esthétique des lieux loués, qui n'affectent pas l'immeuble dans sa structure et qui n'ont rien d'irréversibles.

C'est le cas des travaux consistant à changer le papier mural ou la moquette (CA Nancy, 1er févr. 1995), à faire installer un mode de chauffage quelconque dans des locaux qui n'en comportaient pas (Cass. civ., 18 avr. 1931), à condition de prendre les précautions qui s'imposent notamment pour ne pas incommoder les voisins (Cass. 3e civ., 19 nov. 1975).

Le locataire ne pourrait, en revanche, substituer un mode de chauffage à un autre (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

À propos des cloisons, les tribunaux peuvent ne pas sanctionner leur suppression par la résiliation du bail dès lors qu'elle n'affecte en rien le gros oeuvre de la construction qui n'est pas menacé et, que le bailleur pourra exiger en fin de bail la remise des lieux en leur état initial (CA Paris, 6e ch. B, 12 oct. 1995 - CA Versailles, 1re ch., 29 juin 2010).

C. Interdiction de dégrader

  • Présomption de faute :

Statistiquement, les détériorations d'une chose risquent fort de provenir de son utilisateur.

Cette probabilité se traduit dans l'article 1732 du Code civil qui met à la charge du locataire la réparation des dégradations ou des pertes survenues pendant sa jouissance.

Comme l'indique l'article 1732 du Code civil, le locataire est responsable « à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ».

S'il ne parvient pas à prouver son absence de faute, il demeure responsable ; il supporte le risque de n'y point parvenir.

La présomption de faute suppose bien évidemment que les dégradations aient été commises pendant la jouissance du locataire (Cass. 3e civ., 9 avr. 2013 – Cass. 3e civ., 26 nov. 2013).

En revanche, les désordres constatés après sa jouissance n'engageront sa responsabilité que si la preuve est faite que le gel à l'origine de la dégradation de l'installation de chauffage s'est produit pendant sa période de jouissance (Cass. 3e civ., 18 mars 1998).

  • Preuve des dégradations :

Si le principe de l'obligation du locataire est assuré, la preuve des dégradations est plus difficile à rapporter dans certains cas.

Cette preuve incombe au bailleur qui peut avoir recours à tous moyens, notamment à un constat d'huissier (Cass. 2e civ., 9 juill. 1959).

La difficulté, à défaut d'état des lieux dressé à l'entrée et à la sortie du locataire, est d'établir que les dégradations lui sont imputables.

La règle selon laquelle, à défaut d'état des lieux dressé lors de son installation, « le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives » (C. civ., art. 1731) ne s'appliquant qu'aux réparations locatives, ne peut être invoquée par le bailleur qui se plaint de dégradations.

A fortiori en est-il ainsi lorsque ces détériorations ont porté sur le mobilier et non sur le logement lui-même loué meublé (CA Paris, 4 nov. 1957).

  • Causes exonératoires de responsabilité :

Le locataire est libéré de la charge des dégradations et pertes, s'il prouve qu'il n'a pas commis de faute (Cass. civ., 24 avr. 1893  – CA Versailles, 1e ch., 30 janv. 1998).

A fortiori il est exonéré s'il peut invoquer un cas de force majeure (Cass. civ., 10 juill. 1950).

Celui-ci est constitué, si ce n'est pas la faute du preneur qui l'a rendu dommageable, lorsque les détériorations ont été causées par des circonstances de guerre (Cass. civ., 18 janv.), par des intempéries ou événements climatiques imprévisibles ou encore par le fait d'un tiers.

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Joan DRAY
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