L’obligation de sécurité de l’employeur
Le contrat de travail impose un certain nombre d’obligations aux parties. Parmi celles qui incombent à l’employeur, arrêtons nous sur l’obligation de sécurité.
Il appartient à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
L'obligation patronale de sécurité est un principe ancien du droit du travail qui a pris beaucoup d’ampleur à partir des années 2000 dans le sillage de l’affaire de l’amiante.
Loin de ne concerner que les emplois qui présentent par nature un danger pour le salarié (bâtiment, industrie…), elle touche l’ensemble du monde du travail et a une influence sur la manière de gérer et d’organiser une entreprise.
Par exemple, en matière de risques psycho sociaux, les contentieux sont de plus en plus nombreux et l'employeur ne peut ignorer ou s'affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences pour les salariés qui en sont victimes.
Pour apprécier la portée de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur il importe d’en préciser tout d’abord la nature (I). Ensuite nous verrons les conséquences qu’un manquement peut avoir sur la relation de travail (II).
I Nature de l’obligation de sécurité de l’employeur
Selon une jurisprudence désormais bien établie, cette obligation générale de sécurité s'analyse en une obligation de sécurité (1) et de résultat (2) (Soc. 28 février 2002 ; Ass. plén. 24 juin 2005).
1. Une obligation générale de sécurité.
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Art. L. 4121-1 Code du travail).
Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
Ainsi, un employeur menant une politique génératrice de stress manque à son obligation de sécurité. Une politique génératrice de stress peut être constituée d’une politique de réduction des coûts impliquant une surcharge de travail à l’origine de l’infarctus d’un salarié (Civ. 2e , 8 novembre 2012).
L’obligation de sécurité de l’employeur est interprétée de manière relativement large par les juges. Elle s’applique même en présence d’une faute de la victime (Civ. 2e, 2 novembre 2004).
Elle a pour effet de contraindre l’employeur à ne pas adopter de mesures d’organisation du travail qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé ou la sécurité de ses salariés (Soc. 5 mars 2008).
Elle peut consister dans le fait de faire passer une visite médicale à un salarié pour s’assurer de son bon rétablissement (Soc. 16 juin 2009).
Elle s'applique également aux salariés expatriés, y compris dans le cadre de leur vie privée si des dangers sont prévisibles (Soc. 7 déc. 2011).
2. Une obligation de résultat
L’obligation de sécurité est pour l’employeur, une obligation de résultat qui trouve sa source dans le contrat de travail (art. 1147 Code civil).
Il a été jugé « qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits utilisés ou fabriqués par l’entreprise » (Soc., 28 février 2002).
Le débiteur d’une obligation de résultat (l’employeur) doit atteindre un résultat précis. Il engage sa responsabilité du simple fait que l’obligation n’a pas été exécutée. Le débiteur (le salarié) n’a qu’à constater que le résultat attendu n’a pas été atteint, sans avoir à prouver une faute.
Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable.
L’employeur commet une faute inexcusable lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Soc. 11 avril 2002 ; Civ. 2e, 12 mai 2003).
Commet une faute inexcusable l'employeur qui, par ses actes de harcèlement, compromet gravement l'équilibre psychologique d'un salarié, à tel point que celui-ci tente de se suicider (Civ. 2e, 22 février 2007). A ce titre, les juges doivent rechercher si les circonstances dans lesquelles est intervenu un suicide, conséquence directe du harcèlement moral subi par la victime dans l'entreprise, ne conduisent pas à le qualifier d'accident du travail (Civ. 2e, 10 mai 2007).
II Conséquences du non-respect de l’obligation de sécurité.
Le salarié qui estime subir un manquement à cette obligation peut engager la responsabilité de l’employeur (1) et prendre acte de la rupture de son contrat de travail (2).
1. Responsabilité de l’employeur
Le manquement à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur constitue une faute inexcusable. D’autant plus si celui-ci lorsqu’il avait conscience du danger auquel le salarié était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Au civil, l’employeur risque une condamnation indemnitaire. Cela suppose de bien déterminer qui est l’employeur. Dans l’hypothèse d’une entreprise structurée autour de plusieurs établissements, le chef d'établissement doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l'établissement (L 230-2 Code du travail). En matière de harcèlement moral, l'employeur doit répondre, au nom de l’obligation de sécurité qui lui incombe, des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés (Soc. 19 oct. 2011).
Cette obligation de sécurité s’impose également au « particulier employeur », notamment dans le cadre de rémunération par le biais de chèques emploi services (Cass. soc., 17 oct. 2012). Dans le cadre d’un travail temporaire, la responsabilité est partagée entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice (Soc. 30 novembre 2010).
Le seul moyen de se dégager de sa responsabilité en cas de manquement à une obligation de résultats est de prouver la survenance d’un cas de force majeure, soit un événement « imprévisible, irrésistible et extérieur ».
Comme nous l’avons vu supra, l’obligation qui pèse sur l’employeur est assez lourde et les cas d’exonérations sont relativement limités. Il a été ainsi jugé récemment que l’employeur avait l’obligation de protéger ses salariés contre les agressions des tiers (Soc. 4 avril 2012).
En dehors des différentes sanctions administratives qui peuvent en découler, le non respect de cette obligation de sécurité peut également entraîner des sanctions pénales lorsqu’il est possible de démontrer que l'employeur a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter (art. 121-3 Code pénal ; Crim. 16 janvier 2001).
2. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié
Si l’obligation de sécurité n’est pas respectée, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail (Soc. 29 juin 2005). Cette mesure étant justifiée par la nature suffisamment grave de la faute commise par l’employeur (Soc. 6 oct. 2010).
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode alternatif de rupture ouvert au salarié. Celui-ci quitte l’entreprise en imputant à l’employeur la charge de la rupture.
Le manquement à l’obligation de sécurité est suffisamment grave pour rendre la prise d’acte difficilement contestable. Le plus souvent, cela oblige l’employeur à aborder devant les juridictions des sujets sensibles relatifs à son entreprise et à son mode d’organisation.
Pour ne citer que quelques exemples de jurisprudence :
Le salarié, victime d’un accident du travail, peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Il appartiendra à l’employeur de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité (Soc. 12 janv. 2011).
Le barman non fumeur, qui s’est plaint auprès de son employeur du non respect de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail sur le fondement de l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur (Soc. 29 juin 2005).
Enfin, l’employeur qui n’adapte pas le poste d’un salarié conformément aux recommandations du médecin du travail peut, valablement, se voir opposer la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié (Soc. 14 oct. 2009).
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Joan DRAY
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