L’opposabilité d’une cession de créance :
Il s’agit du mode le plus classique de transmission des créances à titre principal.
La cession de créance se définit comme la convention par laquelle une personne, le cédant, transfère la propriété d’une créance qu’il détient un tiers, le débiteur cédé à une autre personne, le cessionnaire.
Pour le cédant, c’est un moyen d’obtenir le paiement de la créance avant son échéance.
Pour le cessionnaire, ce peut être un moyen de spéculation dans la mesure où le prix généralement payé est inférieur au montant nominal de la créance cédée. L’originalité et l’intérêt de la cession de créance tiennent au fait qu’elle s’opère sans que le débiteur n’ait à consentir à celle-ci.
Si le débiteur n’a pas à consentir à une cession de créance, certaines formalités s’avèrent nécessaire pour qu’elle lui soit opposable.
En effet, l’article 1165 du code civil pose le principe de l’effet relatif des contrats en vertu duquel les tiers ne peuvent se prévaloir des contrats auxquels ils ne sont pas partis.
C’est pour contrer les effets de ce principe que l’article 1 690 du Code civil rend le contrat opposable aux tiers, en organisant des procédés spécifiques d’opposabilité.
Si l’article 1690 impose un formalisme lourd (I), la jurisprudence est venu clarifier certaines notions afin de l’assouplir (II)
I- Le formalisme de l’article 1690 du Code civil :
Tout d’abord, l’article 1690 du Code civil requiert l’intervention d’un officier ministériel pour conférer date certaine à l’acte et ainsi marquer le point de départ de l’opposabilité de l’opération au débiteur cédé et aux autres tiers.
La date certaine permet ainsi de résoudre portant sur la titularité de la créance c'est-à-dire pour départager les créanciers qui auraient des prétentions concurrentes ou contradictoires sur la créance décédée.
Autrement dit, le cessionnaire doit signifier l’acte de cession aux tiers intéressés en premier lieu duquel le débiteur cédé mais aussi des ayants cause à titre particulier du cédant ou cessionnaire.
Ensuite, l’article 1690 Code civil requiert l’acceptation par le débiteur de la cession dans un acte authentique (al 2).
L’acceptation renvoie ici à la simple prise de connaissance de la cession de créance et non à un consentement de la cession.
Un arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation est venu préciser la portée de cet article concernant la notion d’acception du débiteur cédé : « l’accomplissement de l’une ou l’autre des formalités énoncées au en l’article 1690 du Code civil ne peut devenir inutile pour rendre la cession d’un droit au bail opposable au propriétaire que si celui-ci a, non seulement eu connaissance de cette cession, mais l’a également acceptés sans équivoque (AP 14 février 1975)
Il en résulte que les formalités prescrites par l’article 1 690 du Code civil sont obligatoires sauf si le débiteur cédé consent expressément à l’acte de cession.
Cette solution a récemment été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 2012 aux termes duquel elle a jugé qu’ « a défaut de respect des formalités exigées par l’article 1690 du Code civil, la simple connaissance de la cession de créance par le débiteur cédé ne suffit pas à la lui rendre opposable » (Cass. 1re civ., 22 mars 2012, n° 11-15.151 Sté carrosserie Labat c/ CRAMA Centre Atlantique : JurisData n°2012-005074).
II- Les aménagements jurisprudentiels des formalités de l’article 1 690 du Code civil :
Tout d’abord, la Cour de cassation définit d’une manière restrictive la notion de tiers au sens de l’article 1690 du Code civl.
Sont des tiers « ceux qui n’ayant pas été parties à la cession, ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier » (Civ 1ère 4 décembre 1985 4)
La jurisprudence donne ainsi au mot tiers une conception raisonnable pour éviter les abus et notamment que le non accomplissement des formalités de l’article 1690 soit abusivement invoqué en justice par des personnes qui n’avaient aucun intérêt à leur réalisation.
Autrement dit, sont concernés, le débiteur cédé, les créanciers du cédant et éventuellement un autre cessionnaire.
Ainsi, l’absence de signification de la cession de créance au débiteur principal n’a pas pour effet de libérer la caution, même non solidaire, qui a elle-même reçu signification de cession de créance (Cass com 27 mars 2007).
Dès lors que la caution a eu connaissance de la cession selon les formalités de l’article 1 690 peu importe que la signification n’ait pas été faite au débiteur.
D’autre part, la jurisprudence a admis des équipollents à la signification
L’opposabilité peut résulter de tout acte de procédure informant le débiteur de manière précise de la cession. Il peut s’agit d’une assignation ( Civ 1ère 1er décembre 1987 Bull civ IV n° 251) voire de conclusions (Cass civ 1ère 8 octobre 1980 Bull civ n° 249).
En outre, le défaut d’accomplissement des formalités de l’article 1 690 du code civil ne rend pas nécessairement le cessionnaire sans qualité à agir contre le débiteur cédé (Civ 3ème 26 février 1985 JCP 1986 OO 20607).
Le juge recherchera si cela cause un préjudice.
Le juge recherche, si entre la cession et le jugement, des tiers ont acquis des droits qui pourraient être lésés par la cession (Cass 3ème 31 mai 1983)
De même, la jurisprudence a admis que la preuve de la connaissance de la cession par le débiteur cédé suffise à lui rendre opposable (Cass Ass Plén 14 février 1975)
Cependant, la signification et l’acte authentique ont quand même leur importance.
L’assignation comporte un risque dans la mesure où entre la cession et l’assignation, il peut arriver que le cédé ait payé le cédant.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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