Afin d'apprécier l'état de cessation des paiements d'un débiteur susceptible de faire l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le tribunal doit effectuer une comparaison entre le passif exigible du débiteur et son actif disponible (article L.631-1 du Code de commerce).
Le passif exigible se définit comme l'ensemble des dettes arrivées à échéance, non réglées et dont les créanciers peuvent exiger leur paiement immédiatement.
L'actif disponible est l'ensemble des sommes ou effets de commerce dont peut disposer immédiatement ou à très court terme une entreprise. Par exemples, ce sont les liquidités de caisse et de banque, les effets de commerce escomptables ...
L'état de cessation des paiements étant une condition nécessaire à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le calcul comparatif entre actif disponible et passif exigible peut devenir crucial.
Un arrêt du 5 février, rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, illustre deux principes importants en la matière (Cour de cassation, chambre commerciale, 5 février 2013, N° 11-28.194). En l'espèce, la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes a assigné en redressement judiciaire un chirurgien-dentiste. Elle disposait à son encontre d'une créance d'arriéré de cotisations sociales et entendait bien faire constater l'état de cessation des paiements du débiteur. Or, ce dernier a contesté l'état de cessation des paiements en apportant aux débat un chèque de banque libellé à son ordre. Ainsi, le chèque de banque présentait un montant supérieur à la dette d'arriéré de cotisations; ce qui le faisait échapper à l'état de cessation des paiements.
Tout d'abord, toute créance incertaine doit être exclue du passif exigible (I). Ensuite, tout chèque de banque à l'ordre du débiteur en difficulté doit être compris dans l'actif disponible (II).
I/ Les créances litigieuses exclues du passif exigible
Afin d'établir le passif exigible du débiteur en difficulté, le tribunal doit faire l'inventaire de toute ses dettes. Mais seules les dettes certaines, liquides et exigibles peuvent entrer dans cet inventaire.
Si le créancier ne dispose pas d'un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible, il peut néanmoins tenter de démontrer que sa créance revêt ces caractères afin de l'intégrer au passif exigible de la procédure collective.
Cependant, si la créance est contestée, elle ne peut être intégrée au passif exigible en raison de l'incertitude quant à son existence (Cour de cassation, chambre commerce, 16 mars 2010, N° 09-12.539 et chambre commerciale, 22 février 1994, N° 92-11.634).
Il convient de nuancer toutefois cette affirmation dans la mesure où une contestation du débiteur peut être abusive. En effet, si cette contestation est dilatoire ou semble peu fondée, il semble que la créance sera tout de même admise au passif exigible. C'est le cas par exemple d'une créance constatée par un titre exécutoire (Cour de cassation, Chambre commerciale, 3 mai 2011, N°10-15.170).
Il a été jugé qu'une constituait une créance litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, celle dont le sort définitif est subordonné à une instance pendante devant les juges du fond (Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 novembre 2008, n° 07-20972 et Chambre commerciale, 9 février 2010 , n° 09-10.880).
Dans l'affaire du 5 février 2013, la créance en question était un arriéré de cotisations de retraite qui avait fait l'objet d'une contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui l'avait validée en partie mais dont une autre partie faisait l'objet d'une contestation par le débiteur.
D'autre part, le créancier reprochait à la Cour d'Appel de ne pas avoir déterminé le montant d'une autre dette que l'URSSAF détenait contre le débiteur. Or, le créancier l'avait lui-même chiffrée dans ses conclusions à 38 043 €.
Ainsi, la Cour de cassation rejette le moyen, au motif que le créancier se contredisait dans les faits rapportés. En effet, le créancier avait exclu sa créance de son propre calcul. De plus, il reprochait à la Cour d'Appel de ne pas avoir déterminé un autre montant de la dette alors qu'il avait fixé un montant précis dans ses conclusion.
La Cour d'Appel avait déjà relevé que le créancier demandeur se contredisait. Or, tout moyen manquant à l'obligation de ne pas se contredire doit être déclaré irrecevable.
Ainsi, la Cour de cassation confirme que l'arriéré de cotisations dont le montant faisait l'objet d'une incertitude ne devait pas être intégrée au passif exigible du débiteur en procédure collective. Ainsi, cette créance éventuelle ne devait pas entrer en ligne de compte pour établir l'état de cessation des paiements du débiteur.
II/ Le chèque de banque doit être intégré dans l'actif disponible
En l'espèce, l'actif disponible du débiteur était constitué essentiellement par la provision d'un chèque de banque, d'un montant de 140 000€.
M. M. était bénéficiaire d’un chèque de 140 000 € tiré par le Crédit industriel et commercial sur lui-même le 8 septembre 2011, tandis que les débats avaient eu lieu le 19 septembre 2011 et qu’elle statuait le 25 octobre
Ainsi, la question de savoir si le chèque de banque entrait ou non dans l'actif disponible était cruciale puisqu'à défaut de l'y intégrer, l'état de cessation des paiements avait de fortes chances d'être constaté.
La Chambre commerciale rappelle que "la provision d’un chèque de banque constitue, jusqu’à l’expiration du délai de prescription de l’action du porteur, un actif disponible". Elle ne fait que rappeler ce principe déjà posé dans un arrêt du 18 décembre 2007 (Cour de cassation, chambre commerciale, 18 décembre 2007, N°06-16.350).
En effet, l'encaissement d'un chèque de banque est certain, il est assuré au porteur en raison de l'état de solvabilité quasi-intagible des banques (tirées).
En l'espèce, le créancier accusait le débiteur d'une dissimulation frauduleuse d'actif. En effet, devant les premiers juges, le débiteur avait présenté un chèque de banque d'un montant de 135 000€ mais ce montant ne figurait plus en compte lorsque le créancier avait fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte du débiteur. En appel, le débiteur fait état d'un chèque de banque d'un montant de 140 000€ pour établir qu'il n'est pas en cessation des paiements.
La Cour d'Appel avait rejeté le moyen du créancier selon lequel le débiteur dissimulait frauduleusement les sommes pour échapper à la procédure collective. Elle constatait en effet que le créancier ne rapportait pas la preuve de cette allégation.
Elle a ainsi considéré qu'à défaut de preuve, le chèque avait transféré la provision au porteur (débiteur). Puisque le transfert de cette provision permettait au débiteur de supporter le passif exigible, l'état de cessation des paiements n'était pas constitué.
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Joan DRAY
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