La période d’essai est définie comme « permettant à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié sur son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent » (C trav art L1221-20).
Elle a pour effet d'écarter pendant une durée limitée les règles légales ou conventionnelles encadrant la rupture du contrat de travail. Pendant la période d'essai, chacune des parties est, sous réserve du respect d'un délai de prévenance, libre de rompre le contrat sans formalité et sans motif, si elle estime l'essai non concluant.
En la matière, la liberté a une grande importance dans la mesure où l’employeur qui décide de rompre le contrat pendant la période d’essai n’a pas à motiver sa décision.
Toutefois, si le principe est bien celui de la liberté de rompre (I) , de nombreuses limites à ont été posées par la Cour de cassation afin d’éviter les abus (II).
1/ le principe de la liberté de rompre les relations contractuelles pendant la période d’essai :
Le salarié et l’employeur peuvent rompre leur relation de travail pendant la période d’essai, sans que cette rupture ne soit soumise aux règles du licenciement ou de la démission, et donc sans être motivée.
Le seul formalisme à respecter est le respect d’un délai de prévenance, et une notification écrite, par mesure de sécurité ou si la convention collective le prévoit.
Ainsi, lorsqu’il est mis fin à un CDI par l’employeur, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
- vingt-quatre heures en deçà de 8 jours de présence ;
- quarante-huit heures entre 8 jours et 1 mois de présence ;
- deux semaines après 1 mois de présence ;
- un mois après 3 mois de présence.
Pour sa part, le salarié qui met fin à la période d’essai respecte un délai de prévenance de 48 heures. Ce délai est ramené à 24 heures si la durée de présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à 8 jours.
2/ Les limites à la liberté de rompre les relations contractuelles :
Un certain nombre de limite à cette liberté ont été posées par la Cour de cassation.
Ainsi, il n’est pas possible de rompre l’essai pour des raisons discriminatoires.
De même, en cas de rupture fondée sur un motif disciplinaire, l’employeur doit respecter la procédure disciplinaire.
Enfin, l’employeur qui souhaite rompre la période d’essai d’un salarié protégé doit demander l’autorisation de l’inspecteur du travail.
Mais la limite essentielle réside dans la notion d’abus du droit.
En effet, la finalité de la période d'essai est de permettre à l'employeur d'apprécier les qualités et capacités professionnelles du salarié ( C trav. Art L1221-20)
Aussi, bien que l'employeur n'ait pas à motiver la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai, celle-ci est jugée abusive dès lors qu'il est établi qu'elle est sans rapport avec les qualités professionnelles du salarié (Cass. soc., 9 oct. 1996, n° 93-45.668 : JurisData n°1996-003729)
Par exemple, le fait que le poste occupé par le salarié ait été supprimé constitue un indice important aux fins d'établir que la rupture est intervenue pour un motif non inhérent à la personne du salarié (Cass. soc., 20 nov. 2007, n° 06-41.212 : JurisData n°2007-041490)
La rupture sera ainsi abusive dès lors que l’employeur n’a pas eu l’occasion ou le temps d’observer le salarié sur son poste…
En effet, la cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 11 janvier 2012, n° 10-14868) que « la rupture de la période d’essai est abusive si l’employeur n’a pas eu le temps d’évaluer les compétences du nouvel embauché ».
En l’espèce, un salarié embauché en tant qu’agent de sécurité en temps partiel le 10 mars voit sa période d’essai rompue le 14 mars.
Le salarié saisit le conseil de prud’hommes estimant que la rupture de son contrat était abusive.
La Cour de cassation a estimé que deux pour apprécier la valeur professionnelle d’un salarié était trop court. Le salarié n’a pas eu le temps de faire réellement preuve de toutes ses capacités, et l’employeur de les apprécier.
La société a donc abusé de son droit de rompre la période d’essai, et cette rupture est requalifiée en rupture anticipée du CDD. L’employeur est condamné à verser au salarié les salaires courants jusqu’à l’expiration du contrat, soit 8.400 euros.
De même dans un arrêt en date du 15 décembre 2010, la Chambre commerciale a jugé que « L'employeur ayant fermé l'hôtel en raison de l'absence de neige, la rupture de la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne de la salariée est abusive. (Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 09-42.273, F-D, Mme T. c/ SARL Hôtel Le Galaxie SARL : JurisData n°2010-023928).
En l’espèce, il s’agissait d’un contrat à durée déterminée saisonnier d'une salariée serveuse.
Enfin, il convient de rappeler que L'abus de l'employeur rend la rupture injustifiée et donne droit, pour le salarié, à des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi. La Cour de cassation considère que l'évaluation du préjudice subi relève de l'appréciation souveraine des juges du fond qui en justifient l'existence par la seule évaluation qu'ils en font (Cass soc., 10 déc. 2008, pourvoi n°07-42.445)
Même si les cas sont rarissimes, la rupture du contrat par le salarié peut également présenter un caractère abusif (Cass. soc., 9 mai 1979 : Bull. civ. 1979, V, n° 392). L'employeur aura droit à l'allocation de dommages-intérêts s'il démontre que la faute du salarié lui a causé un préjudice.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
75009 -PARIS
TEL: 09.54.92.33.53
FAX: 01.76.50.19.67