Loi Pinel : les « grosses réparations » à la charge du bailleur
Dans un précédent article, j’évoquais avec vous la mise en place par la loi Pinel du dispositif de préemption d’un preneur à bail commercial en cas de vente du local loué.
La loi Pinel a également instauré une nouvelle obligation-interdiction à l’égard du bailleur, au regard notamment de l’impossibilité pour ce dernier de transférer les charges issus de grosses réparations au preneur.
L'obligation d'entretien découle de l'obligation de délivrance, mais concerne l'exécution du contrat.
D’une part, l'article 1719-2° du Code civil qui dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose louée en état de « servir à l'usage pour lequel elle a été louée »
D’autre part, l'article 1720, alinéa 2, du Code civil qui prescrit que le bailleur devra « faire, pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives ».
Même si le bailleur était généralement tenu des « grosses réparations » ou les « grosses réparations concernant le clos et le couvert », des stipulations contractuelles dans le cadre de clauses expresses pouvaient y déroger.
Cet état du droit est désormais révolu suite à l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014 qui invalide les clauses de transfert des charges de travaux de « grosses réparations » au preneur.
En effet, l'article R. 145-35, 1° du Code de commerce interdit désormais de répercuter sur le locataire les dépenses relatives « aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux », le propriétaire bailleur ne pouvant donc plus transférer la charge des grosses réparations au preneur.
Ainsi constituent de grosses réparations au sens de l'article 606 du Code civil, la réparation d'une verrière (CA Dijon, 24 juin 2003), le remplacement du châssis complet des fenêtres y compris la couche d'impression et peinture (CA Douai, 3e ch., 31 janv. 2002) ou encore les travaux de réfection de toiture (CA Paris, ch. 16, sect. A, 23 juin 2004).
La chambre civile considère qu’au sens de l’article 606 du Code civil, les « réparations d'entretiens sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale ».
La chambre commerciale de la Cour de Cassation considère quant à elle que « l'article 606 du Code civil énumère limitativement les grosses réparations » (Cass. com. 12 juin 2012).
A contrario, les juges sont venus limiter ce qui ne devait pas être compris dans l’énumération de l’article 606 du Code civil.
Il en est ainsi des travaux de réparation de l'installation de la climatisation ainsi que le remplacement des parcloses (CA Paris, 16e ch. B, 11 mai 2001), les travaux de zinguerie (CA Paris, 16e ch. B, 18 janv. 2002), la remise en état des lieux loués après un incendie n'ayant pas détruit d'éléments porteurs de la construction (CA Poitiers, 17 nov. 1998), la pose d'un faux plafond coupe-feu non indispensable pour assurer l'étanchéité à l'air (CA Toulouse, 2e ch., sect. 2, 19 nov. 2002) ou encore la réfection d'un plancher (Cass. 3e civ., 24 févr. 2004).
Plus spécifiquement, l'article R. 145-35, 1° du Code de commerce interdit le transfert au preneur des honoraires liés à la réalisation des travaux de grosses réparations tels que les honoraires des architectes ou des bureaux d'études.
Rien n’interdit néanmoins au bailleur de mettre à la charge du preneur les honoraires liés à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique.
En outre, l'article R. 145-35, 4° du Code de commerce interdit au bailleur de mettre à la charge du preneur les honoraires liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble loué.
Concernant les travaux rendus nécessaires par la vétusté (Art. R. 145-35, 2°), la référence à l'article 606 conduira à prendre en compte les solutions jurisprudentielles antérieures pour déterminer si ces travaux relèvent des grosses réparations.
Il conviendra donc de rappeler que les travaux de réfection de l'installation électrique dès lors qu'ils répondent à la nécessité d'une reprise totale et générale d'une installation vétuste, ainsi que la réfection des réseaux d'évacuation et de la mise en conformité sont à la charge du bailleur (CA Besançon, 2e ch. civ., 15 janv. 2002).
Le texte permet donc d'admettre que si des travaux sont imposés par la vétusté ou des mises en conformité avec la réglementation et qu’ils ne relèvent pas de l'article 606 du Code civil, ils peuvent être conventionnellement mis à la charge du preneur.
Par ailleurs, l’article R. 145-35, 5° permet d’éviter que le bailleur ne fasse supporter aux locataires en place le coût des charges ou travaux afférant à des locaux libres.
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Joan DRAY
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