La poursuite du contrat par l'administrateur judiciaire

Publié le 12/02/2019 Vu 18 877 fois 0
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Aux termes de l’article L. 622-13 du code de commerce, l'ouverture de la procédure n’entraine donc pas la résiliation automatique des contrats en cours. Le droit des procédures collective a prévu un dispositif qui vise à interdire aux partenaires de l'entreprise de cesser leur concours au moment où elle en a le plus besoin, en plaçant le contrat sous l'emprise de la procédure.

Aux termes de l’article L. 622-13 du code de commerce, l'ouverture de la procédure n’entraine donc pas la

La poursuite du contrat par l'administrateur judiciaire

Aux termes de l’article L. 622-13 du code de commerce, l'ouverture de la procédure n’entraine donc pas la résiliation automatique des contrats en cours.

Le droit des procédures collective a prévu  un dispositif qui vise à interdire aux partenaires de l'entreprise de cesser leur concours au moment où elle en a le plus besoin, en plaçant le contrat sous l'emprise de la procédure. 

 

Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde (ou de redressement ou liquidation judiciaire)". Le principe de la première disposition de l'article L. 622-13et de l'article L. 641-11-1 était autrefois énoncé en fin d'article (C. com., art. L. 622-13, al. 6. – C. com., ancien art. L. 621-28, al. 6 ; L. n° 85-98, 25 janv. 1985, art. 37, al. 6).

 

Il appartient en principe à l’administrateur de prendre position sur la poursuite des contrats déjà en cours au moment de l’ouverture de la procédure.

La poursuite d’activité(I) entrainera par exemple la poursuite d’un contrat de prêt(I).

I-             La poursuite d’activité : l’exercice de l’option de poursuite des contrats en cours

L'importance du rôle de l'administrateur résulte du fait qu'il a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur, dans le cadre de la procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 622-13,) et dans celle de redressement judiciaire (par renvoi, C. com., art. L. 631-14) ou dans le cadre de la liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-10, al. 5).

Le contrat se poursuit jusqu'à ce que l'administrateur opte sur le sort du contrat. 

L’administrateur est libre d'opter pour la continuation ou la cessation du contrat  eu égard à: 

-       l'intérêt de l'entreprise, 

-       du caractère indispensable du contrat , 

-       en fonction de la possibilité de fournir la prestation promise au cocontractant sous peine d'engager sa responsabilité civile.

 Il appartiendra au mandataire de répondre clairement à la mise en demeure qui lui est adressée par le cocontractant Cependant, le contrat peut être continué même en l'absence de mise en demeure .

La continuation du contrat pourra alors être déduit d'éléments de preuve manifestant la volonté du titulaire de l'option.

En revanche, rien n'interdit parfois à l'administrateur judiciaire de payer les contreprestations du contrat en cours en attendant de prendre parti, ce qui ne manifestera pas nécessairement la preuve de l'exercice par lui de son droit d'option (V. CA Paris, 3e ch. B, 8 janv. 2009, n° R 07/22294 )

Il appartient au cocontractant de demander à l'administrateur (ou au liquidateur ou au débiteur et au mandataire judiciaire) de prendre parti sur la continuation du contrat. Le texte ne précise pas quelle forme doit revêtir la mise en demeure. 

Le cocontractant doit adresser un courrier recommandé,  de  façon de faire partir le délai de réponse. En tout état de cause, il doit s'agir d'une demande officielle à l'organe habilité de prendre parti sur le contrat.

À compter de cette mise en demeure, la personne compétente dispose d'un mois pour se prononcer. Bien que le texte ne le mentionne pas, le point de départ doit être la réception par l'administrateur de la mise en demeure. Le délai peut être modifié par une ordonnance du juge-commissaire. Celui-ci peut, soit impartir à l'administrateur un délai plus court, soit, comme c'est le plus fréquent prolonger le délai de l'administrateur. 

A défaut de réponse de l’administrateur, le contrat est résilié de plein droit

La date de résiliation constatée par le juge-commissaire (celle de l'expiration du délai d'option.

L'administrateur qui opte pour la continuation d'un contrat doit disposer des fonds suffisants pour payer au comptant et ultérieurement pour payer les échéances à venir.

L’administrateur donc s'assurer qu'il dispose d'un financement suffisant. 

Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant. On remarque que ce n'est pas seulement un paiement à échéance qu'exige le texte, mais un paiement immédiat, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Il devra en outre vérifier, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera les fonds nécessaires à cet effet.

L’administrateur n’est tenu qu’à une obligation de moyens car il décidera de la poursuite du contrat selon les documents prévisionnels qui lui ont été remis par le débiteur.

Pendant la poursuite de l’activité de l’entreprise en procédure collective, il convient de conclure de nouveaux contrats mais également de prendre position concernant la poursuite ou non des contrats déjà en cours. Cette prise de position appartient par principe à l’administrateur. 

Le cocontractant peut néanmoins mettre en demeure l'administrateur de choisir, sous peine de résiliation du contrat. 

La Cour de Cassation a affirmé dans un arrêt que même en présence de fonds suffisants, l'administrateur reste libre d'opter pour l'absence de poursuite du contrat.(Cass. com., 24 janv. 2018, n° 16-13.333, F-P+B+I, Sté Holdar c/ Sté Hirou  : JurisData n° 2018-000733)

 

2/ sur la responsabilité de l’administrateur judiciaire 

Cependant, l’administrateur qui s’est assuré qu’il pouvait opter pour la continuation d’un contrat en cours n’est pas tenu de s’assurer que le contrat sera effectivement exécuté.

Le texte impose à l'organe de la procédure des obligations qui, s'il ne les respecte pas, emporteront sa responsabilité professionnelle. Ainsi, l'administrateur ou le liquidateur engagera-t-il sa responsabilité s'il continue le contrat sans vérifier la possibilité d'en financer l'exécution ou en fait une mauvaise appréciation flagrante .

 

 l'administrateura une large liberté d'initiative et d'appréciation et il doit être vigilant à ne pas faire naître un passif d'exploitation injustifié. La seule sanction envisageable est la mise en jeu de la responsabilité de l'administrateur dans l'exercice de son pouvoir d'opter (par ex., V. CA Paris 3e ch. A, 13 juin 2006 : JurisData n° 2006-308374 )

 

C’est ainsi que pour condamner l’administrateur au paiement de dommages-intérêts, une Cour d’Appel retient que, dès lors que ce dernier avait décidé de continuer les contrats dans les conditions initialement prévues, il entrait dans sa mission de s’assurer que les sociétés qu’il assistait provisionnaient bien les sommes pour satisfaire au règlement des factures à venir et, à défaut, en cas de trésorerie insuffisante, de dénoncer les contrats dans les meilleurs délais pour empêcher l’accumulation des dettes et les non-paiements qui ont conduit un préjudice de la société partenaire.

La Cour de Cassation a précisé dans son attendu principal que en se déterminant ainsi, «  après avoir retenu qu’à la date de l’exercice de l’option, la trésorerie était suffisante et que l’administrateur n’avait donc pas commis de faute en continuant les abonnements, et sans rechercher, dès lors s’il avait ensuite laissé les contrats litigieux se poursuivre en sachant que les facteurs ne pourraient plus être réglées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision (cass.com 5 avril 2016, n° 14-21.664).

 

La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt  récent qui exclut toute responsabilité de l’administrateur judiciaire.( Cass. com., 16 janv. 2019, n° 17-25.792, F-D)

 

La Cour de cassation a  approuvé les juges du fond d'avoir rejeté les demandes du loueur. Elle a exclu tout abus de l'administrateur dans l'exercice de la faculté qui lui était conférée par l'article L. 641-11-1, III, 1° du Code de commerce.

 En effet, la demande de prolongation du délai pour prendre parti sur la continuation du contrat en cours a été soumise immédiatement au juge-commissaire. 

En outre,  la mission d'administration confiée à l'administrateur judiciaire, celui-ci n'a pas commis de faute en ne mettant pas fin aux contrats. Les éléments comptables fournis par le dirigeant de la société en liquidation prévoyaient en effet une trésorerie suffisante pour faire face aux engagements.

 

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Joan DRAY

Avocat à la Cour

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