Lorsque le gérant d’une société démissionne de cette fonction ou quitte la société, un administrateur provisoire est désigné afin de représenter la société. Un mandat lui est alors conféré.
Néanmoins, il peut arriver qu’entre-temps un nouveau dirigeant soit nommé alors que le mandat de l’administrateur provisoire n’a pas pris fin.
Dans ce cas, comment s’articulent les pouvoirs entre cet administrateur nommé et le nouveau co-gérant ?
Dans un arrêt récent du 22 juin 2011, la Cour de Cassation est venue apporter quelques précisions.
En l'espèce, une EURL exploitant une discothèque procède au licenciement économique de quatre salariés, lesquels saisissent le Conseil des Prud'hommes.
Quelques temps plus tard, le gérant de l'EURL est mis en détention provisoire et un administrateur provisoire est désigné.
Un cogérant est rapidement nommé par l' « assemblée de l'EURL » (il s'agit en réalité de l'associé unique, qui, en vertu de l'article L. 223-1 alinéa 2 du Code de commerce, exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée).
Le Conseil des prud'hommes condamne l'EURL à indemniser les salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le cogérant interjette appel de ce jugement en qualité de « représentant légal de la société ».
La Cour d'Appel déclare irrecevable l'appel formé par le cogérant. L'EURL forme un pourvoi.
Elle reproche à la Cour d'appel d'avoir violé l'article L. 223-18 du Code de commerce en déniant au cogérant le pouvoir d'agir valablement au nom de la société.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant que dès lors qu'à la date de l'appel l'administrateur provisoire était investi du pouvoir d'administration, de direction et de représentation de la société, le cogérant ne pouvait valablement ester en justice au nom de la société (Cass. soc., 22 juin 2011, n° 09-70.517, 09-70.518, 09-70.519, 09-70.520, F-D, EURL Pénélope c/ Carion : JurisData n° 2011-019115).
C'est parce que l'administrateur provisoire était, en l'espèce, doté du pouvoir de représentation de la société que l'organe nommé par l'associé unique en était dépourvu.
Autrement dit, l'absence de pouvoir du cogérant ne tient pas à la présence d'un administrateur provisoire mais à l'étendue des pouvoirs de ce dernier.
La jurisprudence avait déjà considéré qu'une décision judiciaire est nécessaire pour mettre fin aux fonctions d'un administrateur nommé sans limitation de durée.
Cet arrêt rendu le 22 juin 2011 confirme implicitement cette solution.
Dès lors que la nomination d'un nouveau gérant ne mettait pas fin de plein droit à la mission de l'administrateur provisoire, ce dernier conservait le pouvoir de représenter la société. Le cogérant était donc irrecevable à agir à la date de son appel.
Cela signifie donc qu’avant d'interjeter appel, le gérant nouvellement désigné aurait dû saisir le juge des référés aux fins de voir ordonner la cessation des fonctions de l'administrateur provisoire.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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