Le syndic ne peut normalement entreprendre des travaux de réparation ou de réfection de parties communes de l'immeuble sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'assemblée générale, compétente en la matière (article 24 de la loi du 10 juillet 1965).
De tels travaux entraînant le plus souvent des dépenses élevées pour la collectivité, il est logique que celle-ci soit en mesure d'en apprécier l'opportunité avant de permettre au syndic de les réaliser.
D'un autre côté, des circonstances imprévues peuvent rendre indispensables et urgentes des réparations à l'immeuble, qu'il n'est pas possible de différer dans l'attente d'une décision de l'assemblée générale.
C'est pourquoi, l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 habilite le syndic, en cas d'urgence, à faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble.
Conditions de l’exécution des travaux urgents
Pour l'application de l'article 18 de la loi, deux conditions doivent être remplies :
- des travaux s'avèrent indispensables pour la conservation de l'immeuble ;
- ces travaux revêtent un caractère d'urgence.
Il s'agit donc d'une question de fait, qu'il appartient au syndic d'apprécier. Sa tâche est délicate car il n'est pas toujours évident que des travaux répondent aux caractéristiques ci-dessus.
Si le syndic les entreprend d'office, il peut être plus tard désavoué par les copropriétaires prétendant que les conditions de l'article 18 de la loi n'étaient pas remplies.
À l'inverse, s'il n'a pas cru devoir intervenir, préférant attendre une décision de l'assemblée générale, il engage sa responsabilité si, entre-temps, des dommages sont provoqués par l'état défectueux des parties communes, d'autant que le syndicat est lui-même responsable des dommages imputables au mauvais état d'entretien de l'immeuble.
La jurisprudence fournit un certain nombre d'exemples où les travaux ont été jugés nécessaires et urgents au sens de la loi :
- les travaux destinés à pallier une grave insuffisance de chauffage (CA Paris, 30 nov. 1981 : D. 1982, inf. rap. p. 145) ;
- les travaux destinés à remédier au défaut d'étanchéité d'une toiture terrasse (Cass. 3e civ., 12 janv. 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 167) ;
- la réfection de mur séparant les caves pour prévenir un risque d'écroulement (CA Paris, 8e ch., 3 déc. 1996 : JurisData n° 1996-023828) ;
- la réparation ou le remplacement d'une chaudière (TGI Paris, 12 oct. 1974 : D. 1976, inf. rap. p. 72) ;
D'une manière générale, répondent à la notion de travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble ceux indispensables au maintien de la sécurité des personnes et des biens, ceux touchant à la salubrité ou la solidité de l'immeuble et qu'il y a urgence à entreprendre.
Tel n'est pas le cas : - des travaux de peinture (CA Paris, 19e ch., 24 nov. 1992 : Loyers et copr. 1993, comm. 117) ;
- du remplacement d'une canalisation d'eaux usées considéré comme non nécessaire à la sauvegarde de l'immeuble (CA Paris, 19e ch., 9 janv. 1995 : JurisData n° 1995-020459) ;
- de l'achat d'extincteurs s'il n'est pas justifié par la nécessité d'assurer cette sauvegarde (Cass. 3e civ., 15 nov. 1995 : Loyers et copr. 1996, comm. 92).
Le syndic doit donc veiller à ne pas engager de sa propre initiative des travaux ni urgents ni nécessaires ; sinon, responsable d'un excès de pouvoir à l'égard du syndicat, il en supporterait les conséquences financières.
Une autre situation délicate surgit lorsque le syndic, estimant les conditions de l'article 18 de la loi remplies, saisit l'assemblée générale pour décider la réalisation de travaux alors que celle-ci ne prend pas position, et que leur report à une échéance indéterminée peut s'avérer gravement préjudiciable à la collectivité et faire apparaître leur urgente nécessité.
Dans des situations de ce genre, il faut admettre que si ces tentatives auprès du syndicat demeurent infructueuses, le syndic est en droit de passer outre à l'obstruction de l'assemblée générale, donc de commander les travaux dès l'instant que les conditions exposées supra sont remplies.
Il est alors en droit d'exécuter, nonobstant une décision contraire d'une assemblée générale, les travaux reconnus comme indispensables à la conservation de l'immeuble La responsabilité du syndic n'est cependant pas engagée si l'assemblée générale des copropriétaires a décidé de différer des travaux pourtant urgents sous prétexte que les intéressés ne sont pas en mesure d'en assumer le financement.
Formalités à respecter par le syndic L'article 37 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 prescrit les mesures suivantes :
- le syndic doit informer les copropriétaires et convoquer immédiatement une assemblée générale ;
Mais rien ne s'oppose, semble-t-il, à ce que cette information soit, avant même la convocation de l'assemblée, portée à la connaissance des copropriétaires par simple affichage dans l'immeuble ou dépôt d'un avis dans les boîtes aux lettres.
Quand il convoque d'urgence une assemblée générale dans les termes de l'article 37 du décret, le syndic est dispensé de respecter les délais normaux de convocation et peut, de ce fait, valablement ne soumettre aux copropriétaires les devis des travaux à effectuer d'urgence, quel qu'en soit d'ailleurs leur montant, que le jour de la réunion.
Dans un arrêt récent du 20 septembre 2011, en l’espèce, par suite d'infiltrations d'eau constatées dans l'immeuble, et après expertise, le syndic a fait entreprendre les travaux nécessaires, qui relèveraient de la garantie décennale.
Mais l'assemblée générale n'a été saisie que deux ans plus tard pour la ratification de ces travaux, en infraction avec les prescriptions de l'article 37 du décret du 17 mars 1967.
La Cour de Cassation a jugé que l’approbation tardive du syndicat est privée d'effets et le syndic ne peut réclamer aux copropriétaires le paiement des travaux (Cass. 3e civ., 20 sept. 2011, n° 10-30.794, F-D, Épx Catry c/ Synd. du Domaine du Golf : JurisData n° 2011-019722).
- il peut, en vue de l'ouverture du chantier, demander le versement de provisions aux copropriétaires.
Avant même la réunion de l'assemblée générale, le syndic peut, en vue de l'ouverture du chantier et de son premier approvisionnement, demander, sans délibération préalable de ladite assemblée, mais après avoir pris l'avis du conseil syndical, le versement d'une provision qui ne peut excéder le tiers du montant du devis estimatif des travaux.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
75009 -PARIS
TEL:01.42.27.05.32
FAX: 01.76.50.19.67