Le preneur peut -il cesser de payer son loyer en cas de manquement du bailleur ?

Publié le 09/10/2024 Vu 411 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Il arrive souvent qu’un preneur se plaigne de désordres qui affectent son activité, dans le cadre d’un bail commercial .

Il arrive souvent qu’un preneur se plaigne de désordres qui affectent son activité, dans le cadre d’un b

Le preneur peut -il cesser de payer son loyer en cas de manquement du bailleur ?

Le preneur peut -il cesser de payer son loyer en cas de manquement du bailleur ?

 

Il arrive souvent qu’un preneur se plaigne de désordres qui affectent son activité, dans le cadre d’un bail commercial .

 

Certains preneurs peuvent être tentés d'invoquer le non-respect du bailleur de ses obligations pour ne pas payer leur loyer. 

 

Le bailleur peut refuser de faire des travaux ou en faire partiellement .

 

Dans ce cas, le preneur peut-il s’autoriser à suspendre par lui -même le paiement des loyers et charges et prendre le risque d’une procédure en résiliation de bail commercial.

 

Très fréquemment , le bailleur oppose que l'exception d'inexécution ne peut être invoquée qu'en raison d'une inexécution suffisamment grave et que le locataire ne peut s'abstenir de régler ses loyers que s'il est totalement privé de la jouissance des locaux loués.

 

Il convient de revenir sur cette notion de « L'exception d'inexécution » qui  a été créée par la jurisprudence puis codifiée en 2016 dans les articles 1219 et 1220 du Code civil afin de permettre à une partie de refuser d'exécuter son obligation, même si elle est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne à condition qu'elle soit suffisamment grave

 

A/ les obligations respectives du bailleur et du preneur

 

Aux termes de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. 

 

En contrepartie, le preneur est, en application de l'article 1728 du Code civil, tenu de régler son loyer aux termes convenus.

 

En vertu d'une jurisprudence constante, il résulte de l' article 1728 du Code civil  que le preneur ne peut opposer l'exception d'inexécution au commandement de payer les loyers au motif de désordres dans les lieux loués et d'une prétendue créance certaine de travaux, sauf s'il y a impossibilité totale d'utiliser les locaux ou impossibilité pour le bail de remplir l'usage auquel il était destiné. 

 

B/ applications jurisprudentielles de l’exception d’inexécution

Dans le cadre d’un bail commercial , lorsque le bailleur manque à son obligation de délivrance, le preneur peut invoquer l'exception d'inexécution pour s'exonérer momentanément de payer son loyer et ses charges.

Par plusieurs décisions, la haute juridiction a illustré l’application du mécanisme de l’exception d’inexécution.  

Pour apprécier la légitimité de la suspension du paiement du loyer et des charges, il faut caractériser un défaut de délivrance qui empêche une exploitation conforme aux termes du bail. 

En application de l'article 1728, 2° du Code civil, le locataire est obligé de payer le prix du bail aux termes convenus, de sorte qu’en autorisant la locataire à suspendre le paiement des loyers et des taxes jusqu'à l'achèvement des travaux de construction, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les bailleurs avaient exécuté les travaux de nature à mettre fin au manquement à leur obligation de délivrance, la cour d'appel, qui devait statuer de nouveau en fait et en droit, n'a pas donné de base légale à sa décision. Cass. 3e civ., 8 juin 2023, n° 21-19.608 : JurisData n° 2023-009385

 

Dans cette affaire , un preneur se plaignait de la présence de rats dans le cadre de son local commercial à destination de fleuriste.

 

La présence de rats empêchait-elle l’exploitation du commerce de vente de fleurs au détail ?

 

 Le locataire avait assigné ses bailleurs en référé-expertise en raison d'une infestation du local loué par des rats. L'expert judiciaire avait préconisé des travaux , qui ont été réalisés, par la suite , par le bailleur.

 

Du fait des travaux réalisés, le bailleur avait contesté la suspension des loyers en invoquant qu’il s’était conformé aux prescriptions de l’expert .

 

Toutefois , cela était insuffisant car la Haute Cour a jugé qu’il devait être recherché si les bailleurs avaient exécuté les travaux de nature à mettre fin au manquement à leur obligation de délivrance.

 

En d’autres termes, la réalisation de travaux doit permettre la poursuite de l’exploitation.

 

La Cour a considéré que le manquement à l’obligation de délivrance persistait toujours nonobstant la réalisation des travaux de construction d’un mur faisant barrage aux rongeurs .

 

Ce n’est qu’en présence d’un manquement perdurant que l’exception d’inexécution pouvait être prononcée. 

 

La Cour de cassation confirme sa jurisprudence qui exige que le manquement à l'obligation de délivrance porte sur la totalité de la chose louée et rende les locaux inexploitables en totalité.

Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 23-10.340 : JurisData n° 2024-010274

Au contraire , certaines décisions sanction la suspension des loyers au motif que les manquements ne sont pas suffisamment graves et que le locataire peut poursuivre, même partiellement , son activité.

Tel n'est pas le cas en l'espèce car, même si les désordres affectant les locaux ont pu avoir une incidence sur l'exploitation de fonds, le preneur a continué à exercer son commerce de coiffure dans les lieux. Le refus de paiement des loyers n'était donc pas justifié et il convient de constater l'acquisition de la clause résolutoire ( CA Paris, 16e ch. A, 11 févr. 2004  : JurisData n° 2004-235848 ) . –

 

Ne justifie pas le défaut de paiement du loyer pour exception d’inexécution, le non-respect par le bailleur de réaliser les travaux dans les délais fixés dès lors que le preneur ne justifie d’aucune impossibilité de jouir des locaux et que le bailleur a réalisé des travaux non indispensables alors que le locataire ne payait pas l’intégralité des loyers et s’est heurté à des obstacles posés par le preneur ( CA Douai, 2e ch., 2e sect., 29 sept. 2022, n° 20/01772  : JurisData n° 2022-016367  ).

Le locataire ne peut pas invoquer une exception d’inexécution si le manquement du bailleur n’a pas rendu les locaux impropres à leur usage ( Cass. 3e civ., 6 juill. 2023, n° 22-15.923  : JurisData n° 2023-010958  ; JCP N 2023, act. 784  ; JCP E 2023, act. 653  ).

 

Le preneur ne peut obtenir du juge des référés l'autorisation de consigner les loyers, sur le fondement de l' article 808 du Code de procédure civile  , dans l'attente de la réalisation des travaux de remise en état des locaux loués dès lors que la preuve de l'urgence n'est pas rapportée .

 

Avant d’envisager une suspension des loyers, le locataire devra s’assurer auprès d’un avocat que le moyen tiré de l’exception d’inexécution a des chances de prospérer devant le juge , qui fera une appréciation in concréto des faits.

 

Vous pouvez me poser vos questions sur conseil-juridique.nethttp://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm

 

Maître JOAN DRAY

Avocat

MANDATAIRE EN TRANSACTIONS IMMOBILIERES

  joanadray@gmail.com
 www.vente-par-avocats.com
76/78 rue Saint-Lazare

75009 PARIS

TEL : 09 .54 .92.33.53

 

 

 

Vous avez une question ?
Blog de Maître Joan DRAY

Joan DRAY

150 € TTC

403 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles