La prescription triennale et action en nullité de cession de droits sociaux.

Publié le Modifié le 17/10/2016 Vu 18 579 fois 0
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Tout associé dispose d’un droit d’agir contre les actes pris par la société. Ainsi les actions en nullité d’une cession de droits sociaux sont soumises au droit commun, c’est –à-dire à la prescription quinquennale prévue à l’article 1304 du code civil, dès lors leur nullité est fondée sur un vice de consentement.

Tout associé dispose d’un droit d’agir contre les actes pris par la société. Ainsi les actions en null

La prescription triennale et action en nullité de cession de droits sociaux.

La prescription triennale et action en nullité de cession de droits sociaux.

Tout associé dispose d’un droit d’agir contre les actes pris par la société.

Ainsi les actions en nullité d’une cession de droits sociaux sont soumises au droit commun, c’est –à-dire à la  prescription quinquennale prévue à l’article 1304 du code civil, dès lors leur nullité est fondée sur un vice de consentement.

Cependant, la jurisprudence a étendu la prescription triennale de l’article 1844-14 du Code civil  applicable aux « actes et délibérations » postérieurs à la constitution de la société,  pour l’étendre aux cessions de droits sociaux lorsque leur nullité « est fondée sur une irrégularité affectant la décision sociale ayant accordé au cessionnaire l’agrément exigé par la loi ou les statuts » (Cass. Civ. III, 6 octobre 2004, n° 01-00896).

Cela a été confirmé  dans un arrêt récent de 3ème chambre civile de la cour de cassation, en date du 15 octobre 2015, n° n° 14-17.517 (n° 1069 F-D).   

  • Domaine de la prescription triennale.

Par principe, le délai de prescription de trois ans est applicable à toutes les actions en nullité de la société.

Dès lors, le délai de trois ans ne s'applique à l'action en nullité d'une cession de parts ou d'actions que dans la mesure où cette action est fondée sur une irrégularité affectant la décision ayant accordé à l'acquéreur l'agrément exigé par la loi ou les statuts (Cass. 3e civ. 6 octobre 2004 n° 01-00.896).

En revanche, ce délai n'est pas applicable à l'action en nullité :

-  d'une cession de parts ou d'actions pour vice du consentement (Cass. 3e civ. 6-10-2004 n° 01-00.896 précité ; CA Paris 19 septembre 2003 n° 01-19651);

-  d'une clause de non-concurrence prévue en cas de cessation des fonctions du dirigeant, même si la clause a été adoptée par une résolution d'assemblée car les conditions relatives à l'objet et au fondement d'une telle clause sont propres à la validité de celle-ci et ne concernent pas la validité de la délibération (CA Versailles 16 mars 2000 n° 97-4009);

-  de l'acte de rachat des parts d'un associé qui se retire dès lors que l'action est fondée, non pas sur une irrégularité des assemblées ayant autorisé le rachat, mais sur un vice affectant l'acte lui-même (Cass. com. 20 mars 2012 n° 11-13.534) ;

  •  Extension du domaine de la prescription triennale

La doctrine avant 2015, se demandait si la prescription triennale pouvait s’appliquer en cas de fraude.

Elle s’était positionnée dans une réponse négative, aux motifs que  la fraude fait exception à toutes les règles, ce qui justifie l'application de la prescription de droit commun de cinq ans (C. civ. art. 2224).

Cependant la 3ème chambre civile de la cour de cassation a dans un arrêt du 15 octobre 2015, n° 14-17.517 (n° 1069 F-D) a admis que l'action en nullité des actes de société se prescrit par trois ans même en cas de fraude, et a ainsi étendue le champ de l’article 1844-14 du code civil.

En l’espèce, l'associé minoritaire d'une société civile avait demandé l'annulation d'une cession de parts sociales conclue par un coassocié sans qu'ait été respectée la procédure d'agrément prévue par les statuts ainsi que l'annulation d'une décision d'assemblée dont le procès-verbal était revêtu d'une signature figurant la sienne mais qu'il prétendait contrefaite.

Se posait alors la question de savoir si son action ayant été engagée plus de trois ans après ces actes, était prescrite en application de l'article 1844-14 du Code civil  ou bien que la fraude dont l'associé avait été victime empêchait l'application de la prescription spéciale de l'article 1844-14.

La Cour de cassation a jugé que l'action en nullité d'une cession de parts fondée sur une irrégularité tirée des statuts et l'action en nullité d'une décision d'assemblée sont soumises à cette prescription, que l'irrégularité résulte d'une simple omission ou, comme l'invoquait l'associé, de la fraude.

La cour d'appel de Paris avait déjà jugé, dans un cas où un associé agissant en nullité d'une augmentation de capital par apport de titres s'était fondé, pour échapper à la prescription triennale, sur la dissimulation frauduleuse d'informations relatives à la société apportée, qu'il n'existe aucune exception légale à l'application de la prescription triennale (CA Paris 19 mars-2013 n° 12/00020 : RJDA 7/13 n° 633).

  • Point de départ de la prescription triennale

Le délai de prescription de trois ans court en principe à compter du jour où la nullité est encourue. Il en résulte par exemple que l'action en nullité d'une société pour illicéité de l'objet social formée plus de trois ans après la constitution et l'immatriculation de la société au registre du commerce est prescrite (CA Paris 14- février 2006 n° 05-6331 :  RJDA 8-9/06 n° 908).

A l'inverse de la cour d'appel de Paris dans l'arrêt précité du 14 février 2006, la cour d'appel de Lyon a jugé que l'action en nullité d'une société pour illicéité de l'objet social n'est pas susceptible de prescription tant que la cause de nullité existe (CA Lyon 4- mars 2014 n° 12/08841). Pour les magistrats lyonnais, il résulte de l'article 1844-11 du Code civil que le point de départ du délai de prescription doit être repoussé au jour où l'illicéité de l'objet cesse.

Cette interprétation du texte est discutable car celui-ci régit les conditions d'extinction de l'action du fait d'une régularisation de la situation  et non du fait de l'écoulement du délai de prescription.

Il existe cependant une exception. Même si l'action en nullité d'une décision sociale est prescrite, celui à qui l'exécution de la décision est demandée peut s'y soustraire en invoquant la nullité de celle-ci, l'exception de nullité étant imprescriptible (Cass. com. 28  mars 2006 n° 02-13.852). Toutefois, cette exception ne peut plus jouer lorsque la décision a été exécutée (Cass. com. 3 avril 2007 n° 06-10.834).

  • Bénéficiaires de la prescription triennale.

L'action en nullité peut être exercée même si le demandeur n'était pas encore associé à l'époque où la décision litigieuse a été prise (Cass. com. 4-7-1995 n° 93-17.969)

De même, le demandeur, même s’il n'est plus associé au moment où il a introduit son action, peut bénéficier de la prescription triennale, dès lors qu’il a intérêt à voir prononcer la nullité (CA Paris 15-3-1985 ).

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Joan DRAY

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