La présomption légale de non salariat des auto-entrepreneurs.
Le statut d’auto-entrepreneur, institué par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, place son titulaire sous le régime d’un travailleur indépendant, et s’accompagne d’une présomption légale de non-salariat, disposé à l’article L 8221-6, I du Code de travail.
Il ne s’agit toutefois que d’une présomption simple.
Dès lors, l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque l’auto-entrepreneur est en réalité placé « dans un lien de subordination juridique permanente » à l’égard du donneur d’ordre (art. L. 8221-6, II du code du travail).
Les tribunaux se montrent vigilants à l’égard de l’employeur qui serait tenté de contourner ses obligations en voulant requalifier le contrat de travail en contrat de mission d’un auto-entrepreneur.
- Le champ d’application de l’article L 8221-6 du Code du travail.
La liste de l’article L. 8221-6 précité vise d’abord les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des URSSAF pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales.
Viennent ensuite les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 213-11 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.
La troisième catégorie se réfère aux dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.
Sont enfin visées les personnes physiques relevant de l’article L. 123-1-1 du code de commerce ou du V de l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat (auto-entrepreneurs ayant une activité commerciale notamment).
Cette dernière catégorie a été supprimée à la suite de la disparition de la dispense d’immatriculation, les intéressés étant alors visés par les catégories précédentes.
- La préemption simple de non-salariat.
- L’existence d’un contrat de travail.
La présomption de non-salariat n’est pas irréfragable.
Ce qui signifie que l’existence d’un contrat de travail peut, selon l’article L. 8221-6 du code du travail, être établie lorsque les personnes présumées non salariées fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Il convient donc de se référer aux modalités de détermination de la condition du lien de subordination.
Depuis l’arrêt Société Générale (Cass Soc. 3 juin 2009, n° 08-40.981), la jurisprudence caractérise ce lien par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Ainsi, Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
C’est dans la pratique des relations entre donneur d’ordre et prestataire qu’il convient de rechercher la réalité du lien de subordination, peu important la qualification qu’ils ont donnée à leurs relations, par la technique du faisceau d’indices, comme la rappelé l’arrêt de la 2ème chambre civile, de la Cour de cassation du 9 mars 2006, n° 04-30.550.
- Illustration de la technique du faisceau d’indices :
.Ainsi l’arrêt du 7 juillet 2016, la deuxième chambre civile a validé le redressement notifié à une société spécialisée dans le soutien scolaire et les cours collectifs, dont 40 % des formateurs salariés en 2008, avaient été recrutés, au cours de l’année 2009 et à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, sous le statut d’auto-entrepreneur.
Pour caractériser le lien de subordination juridique permanente et l’existence d’une relation de salariat, différents éléments ont été relevés par les juges de second degré, par la technique du faisceau d’indices :
- ces formateurs étaient liés par un contrat « de prestations de services » à durée indéterminée ;
- ils exerçaient leur activité dans les locaux de la société ;
- les élèves demeuraient la clientèle exclusive de la société ;
- l’enseignant n’avait aucune liberté pour concevoir ses cours, ceux-ci étant dispensés selon un programme fixé par la société ;
- les contrats prévoyaient une clause de non-concurrence d’une durée d’un an après la résiliation, interdisant aux formateurs de proposer leurs services directement aux clients présentés par la société ;
- la société était mandatée par les auto-entrepreneurs pour réaliser l’ensemble des formalités administratives liées à ce statut, émettre des factures correspondant au montant des prestations réalisées et effectuer en son nom les déclarations trimestrielles de chiffre d’affaires et le paiement des charges sociales et fiscales.
Autant d’indices faisant apparaître qu’aucune modification des conditions d’exercice des fonctions n’était intervenue dans l’activité des formateurs initialement salariés, depuis leur passage sous le statut d’auto-entrepreneur.
De ce fait, par la requalification, le donneur d’ordre devra également réintégrer les sommes versées aux auto-entrepreneurs, dans l’assiette de ses cotisations
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Joan DRAY
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