La prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié dont le régime juridique dépend de la justification qu'il pourra faire de manquements imputables à l'employeur dans l'exécution de ses obligations.
Lorsque les faits qui sont rapportés par le salarié justifient la prise d'acte, celle-ci produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l'inverse, si tel n'est pas le cas, ce sont les effets d'une démission qui en découleront (Cass. soc., 25 juin 2003 : RJS 2003, n° 994, 5 esp. ; Dr. soc. 2003, p. 817).
L'appréciation du juge devra porter tant sur la réalité que sur la gravité des manquements commis par l'employeur puisqu'il ne s'agit pas d'indemniser en raison d'un comportement défaillant mais de justifier une rupture unilatérale du contrat de travail.
Tout manquement de l'employeur à ses obligations ne permettra pas forcément de lui imputer la responsabilité de cette rupture. La Cour de cassation a précisé, dans une décision du 19 janvier 2005 (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-45.018 : Bull. civ. 1995, V, n° 12 ; RJS 2005, n° 254), que la prise d'acte devait être justifiée par « des faits suffisamment graves».
Il convient donc de faire état d'un manquement caractérisé de l'employeur sans pour autant, obligatoirement, revêtir les caractères de la faute grave.
Lorsque dans un contrat de travail il est stipulé que la rémunération dépendra des objectifs fixés par l’employeur mais qu’il résulte que lesdits objectifs n’ont pas été fixés, le salarié peut-il se prévaloir de ce manquement pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail ?
Dans un arrêt du 29 juin 2011, les juges ont estimé que « lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d'objectifs fixés annuellement par l'employeur, le défaut de fixation desdits objectifs constitue un manquement justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié » (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-65.710, FS-P+B, SAS Prompt c/ M. B. : JurisData n° 2011-012752).
Le manquement de l'employeur à son obligation justifiait, à lui seul, que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, un salarié avait été embauché par contrat à durée indéterminée en qualité d'ingénieur commercial.
Il y était précisé que sa rémunération dépendait pour 40 % de la réalisation d'objectifs fixés par l'employeur dans une « lettre de rémunération annuelle ».
Ces objectifs avaient été déterminés lors de son entrée dans l'entreprise en 2002 mais alors qu'ils devaient l'être également « au début de chaque année fiscale », rien n'avait été fait en 2003, 2004 et 2005. Par courrier du 21 juillet 2005, le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le non-respect d'une clause contractuelle concourant à la détermination de la rémunération permet « à lui seul » de justifier la prise d'acte et rend la rupture imputable à l'employeur.
Il est constamment affirmé par la jurisprudence que lorsque la clause concourt à la détermination de la rémunération du salarié, celle-ci relevant du « socle contractuel », l'employeur ne peut modifier unilatéralement le montant (Cass. soc., 3 mars 1998, n° 95-43.274 : JurisData n° 1998-000911 ; Bull. civ. 1998, V, n° 109) ou le mode de rémunération (Cass. soc., 28 janv. 1998, n° 95-40.275 : JurisData n° 1998-000375).
En l’espèce, l'employeur était de lui-même revenu sur le mode de détermination de la part variable de la rémunération en s'abstenant de son obligation de fixation annuelle, la reconduction des anciens objectifs ne ressortant pas des termes du contrat.
En ne recueillant pas l'accord exprès du salarié sur le principe d'une absence de réévaluation annuelle, on aboutit à une modification unilatérale des conditions de détermination d'une partie de la rémunération.
La « gravité » du manquement découle du comportement adopté par l'employeur (se passer du consentement du salarié), indépendamment des conséquences produites. Ainsi, il importait peu d'établir que le non-respect de la clause était sans influence sur la rémunération perçue, le salarié n'ayant pas atteint les objectifs initiaux.
Le parallèle avec une décision du 16 mars 2011, est intéressant puisqu'il y était posé que « la suppression d'une prime variable n'était pas de nature à justifier une prise d'acte car celle-ci était liée à une tâche annexe qui avait disparu et qu'elle n'avait pas été contractualisée » (Cass. soc., 16 mars 2011, n° 08-42.671 : JurisData n° 2011-003675 ; JCP S 2011, 1326).
La contractualisation fait qu'ici l'employeur ne pouvait imposer la reconduction tacite des objectifs de 2002, même s'il était en capacité de les reconduire expressément dans sa « lettre de rémunération annuelle » d'année en année.
La rémunération est un élément particulièrement protégé du contrat et on ne peut conclure que la référence à la « bonne foi » à elle seule permette systématiquement au juge de faire l'économie d'une recherche en termes de gravité du manquement.
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Joan DRAY
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