La prise d’acte est une manifestation de volonté du salarié de rompre le contrat, motivée par des manquements qu’il impute à l’employeur.
Cette action consomme immédiatement la rupture qui pourra produire les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs du salarié sont fondés, soit d’une démission si les manquements reprochés à l’employeur sont infondés.
Surgit alors la question de savoir si une indemnité compensatrice de préavis lors d’une prise d’acte doit être attribuée au salarié.
Celle-ci fait, en effet, l’objet de nombreux contentieux.
Dans un arrêt récent du 28 septembre 2011 ,les juges viennent confirmer la jurisprudence antérieure en répondant à cette question.
Effets d’une prise d’acte du contrat de travail par le salarié
La prise d'acte produit les effets d'une démission ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui implique dans ce dernier cas, des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-45.018 : JurisData n° 2005-026530).
Elle empêche la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 30 mars 2010, n° 08-44.236 : JurisData n° 2010-002953) et entraîne sa cessation immédiate (Cass. soc., 20 janv. 2010, n° 08-43.471 : JurisData n° 2010-051197).
Qu'il s'agisse d'une démission ou d'un licenciement, le salarié peut être amené à exécuter un préavis ou en être dispensé, auquel cas l'employeur lui versera une indemnité compensatrice de préavis.
L’arrêt du 28 septembre 2011 soulève la question de l’attribution d’une telle indemnité à la prise d’acte.
En l'espèce, une salariée embauchée en 1995 comme consultante prend acte de la rupture de son contrat par courrier daté du 13 juin 2003. Elle saisit la juridiction prud'homale, notamment pour obtenir le versement d'une indemnité compensatrice de préavis, et son employeur dépose une demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité de préavis non effectué.
La Cour de Cassation a estimé que « lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient.
Le juge qui décide que les faits invoqués justifiaient la rupture doit accorder au salarié qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et les dommages-intérêts auxquels il aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse » (Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 09-67.510, FS-P+B, Mme S. c/ SA CRC Search et Selection : JurisData n° 2011-020320).
La Cour de cassation a déjà précisé en 2010 que si le salarié n'était pas tenu d'exécuter un préavis, la circonstance qu'il l'accomplisse spontanément ou offre de l'accomplir « est sans incidence sur l'appréciation de la gravité des manquements invoqués à l'appui de la prise d'acte » (Cass. soc., 2 juin 2010, n° 09-40.215 : JurisData n° 2010-007844).
La reconnaissance de la prise d'acte n’est pas subordonnée à l'existence ou l'absence de préavis.
La décision du 28 septembre 2011 ne déroge pas à la règle. La Cour de Cassation reconnaît implicitement la faculté de choix du salarié.
Elle estime que proposer d'exécuter le préavis ou non, l'exécuter, sont autant d'hypothèses qui ne remettront pas en cause la validité de la prise d'acte justifiée.
Le fait pour l'employeur de mettre en avant la brusque rupture dans le cas d'un préavis non effectué et l'impact de la norme collective imposant le préavis demeurent sans effet au regard de la prérogative de décision du salarié.
La Cour de cassation a déjà souligné (Cass. soc., 20 janv. 2010) et le rappelle aujourd'hui que si le juge décide que les faits invoqués justifient la rupture, il « doit accorder au salarié qui le demande, l'indemnité de préavis ».
Au vu des circonstances de l'arrêt du 28 septembre 2011, seront également versées les indemnités de licenciement afférentes à la rupture sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité compensatrice de congés payés.
L'indemnité de licenciement prenant en compte l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, quel impact revêt le préavis dans l'hypothèse d'une prise d'acte ?
La Cour de cassation reprend la règle selon laquelle l'ancienneté du salarié dans l'entreprise doit s'apprécier à la date de rupture du contrat de travail : « la Cour d'appel a jugé à bon droit que son ancienneté dans l'entreprise devait se calculer à la date de rupture ».
En définitive, l'exécution ou non du préavis quant à la prise d'acte n'engendre pas un mécanisme de calcul différent de celui retenu lors d'un licenciement en ce qui concerne l'indemnité s'y rapportant, et la position des magistrats dans l'arrêt du 28 septembre 2011 est conforme à la jurisprudence.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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