quelle est la nature de la responsabilité dans le cadre d'une relation commerciale établie?
La chambre commerciale de la Cour de cassation considère que la rupture brutale d'une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur (Cass. com. 6 février 2007 n° 04-13.178, Sté Idéal France c/ Sté Guiot).
La responsabilité civile encourue par l'auteur d'une rupture brutale de relation commerciale établie est de nature délictuelle et non contractuelle.
Quel tribunal sera compétent ?
La nature délictuelle détermine la compétence térritoriale du tribunal compétent.
Concernant tout d’abord, la compétence des tribunaux, l’article 46 al 3 CPC dispose que « le demandeur à l’action peut opter pour la compétence soit du Tribunal du lieu où demeure le défendeur, soit du lieu du fait dommageable, soit du lieu où le dommage a été subi ».
L’alinéa 2 précise que lorsqu’on est en présence d’une pluralité de défendeurs, le demandeur peut choisir de saisir la juridiction du lieu où demeure l’un des défendeurs ou le tribunal compétent au regard du lieu de réalisation du dommage.
Le décret 2009-1384 du 11 novembre 2009 pris en application de la loi de modernisation de l'économie 2008-776 du 4 août 2008 est venu ajouter des règles en matière de compétence des tribunaux.
Ce décret désigne huit juridictions compétentes en première instance et la cour d'appel de Paris, qui est seule compétente en appel pour tous les contentieux fondés sur l'article L 442-6 du Code de commerce.
Le décret précise que les juridictions saisies avant le 1er décembre 2009 demeurent compétentes pour statuer.
Qu'en est-il lorsqu’on est en présence de clauses attributives de juridiction ?
Lorsqu’on est en présence de clauses attributives de juridiction, il apparait que la chambre civile et la chambre commerciale adoptent des positions différentes.
La chambre commerciale de la Cour de cassation, considère que les clauses attributives de compétence qui figurent dans les contrats, conditions générales de vente ou d'achat….ne s’appliquent pas puisque la responsabilité engagée sur le fondement de l'article L 442-6, I-5° du Code de commerce est une responsabilité délictuelle (Cass. com. 13 janvier 2009 n° 08-13.971, Sté Delor Vincent c/ Sté Claas Tractor : RJDA 5/09 n° 478).
Au contraire, la chambre civile considère que les clauses attributives de compétence sont valables (Cass. 1e civ. 6 mars 2007 n° 06-10.946, Sté Nemrod Frankonia c/ Sté Blaser Jagdwaffen GmbH : Bull. civ. I n° 93).
L'article 48 du CPC n'autorise les clauses attributives de compétence territoriale qu'en cas de contentieux contractuel.
Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une responsabilité délictuelle, la question de savoir si les parties peuvent ou non désigner le Tribunal compétent reste discutée.
La cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 8 juin 2010 a estimé que les parties pouvaient désigner le Tribunal compétent (CA Lyon 8 juin 2010 n° 10-919, SARL GRL c/ Sté Forall Confezioni SPA).
Dans une décision du 9 mars 2010, il apparait que la décision adoptée tend vers cette solution.
En effet, dans cette décision, la Cour d’Appel avait écarté l’application d’une clause attributive de juridiction.
La Cour de Cassation a considéré que la clause ne visait pas la rupture des relations commerciales.
Elle n’a pas « écarté par principe le jeu de la clause attributive de juridiction contractuellement prévue par les parties au motif que l'action initiée aurait engagé la responsabilité délictuelle de son auteur ».
Il est donc possible que la chambre commerciale admette la validité des clauses attributives de compétence lorsque celles-ci visent expressément la rupture des relations commerciales établies.
Qu’en est-il de la possibilité de recourir à l’arbitrage ?
Concernant la possibilité de recourir à l’arbitrage, il a été jugé dans un arrêt du 9 septembre 2004, « qu’une clause d'arbitrage est sans application si la demande repose sur la violation des dispositions d'ordre public de l'article L 442-6 du Code de commerce » (CA Lyon 9 septembre 2004 n° 04-108, SARL KTM Group GmbH c/ SAS MCC Motos).
De quels délais dispose la victime pour agir ?
Concernant, la prescription de l’action, il résulte du Code de Commerce à l’article L110-4 I que « la victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies dispose d'un délai de cinq ans à compter de la rupture pour engager une action en responsabilité ».
Les dispositions de la loi du 17 juin 2008 s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2008 sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de cette loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.
La loi s'applique également en appel et en cassation.
Même lorsque la relation commerciale établie puis rompue est un contrat de transport assujetti à la prescription annuelle de l'article L 133-6 du Code de commerce, l'action engagée pour rupture brutale, fondée sur les dispositions de l'article L 442-6, I-5° du Code de commerce, est soumise à la prescription de l'article 110-4.
Quelle sanction peut être demandée?
Les régles de la responsabilité délictuelle emporte le droit pour la victime d'une rupture brutale de réclamer des dommages et intérêts.
En pratique, le préjudice consiste en la perte d'une marge brute ou nette, d'une perte de chiffre d'affaire, de manque à gagner etc..
Les tribunaux retiennent également d'autre préjudices tels l'atteinte à l'image.
Le plus souvent, la brutalité de la rupture est réparée par l'octroi d'une indemnité égale à la marge brute qui aurait pu être réalisée pendant la durée du préavis non accordé (par exemple, CA Paris 22-5-2008 nº ).
il est également possible de sollicter du juge des référés qu'il ordonne le maintien forcé de la relation commerciale jusqu'au terme du préavis raisonnable (Cass. com. 10-11-2009).
L'exécution forcée de la relation commerciale peut être ordonnée pour faire cesser un trouble manifestement illicite.