Un arrêt en date du 25 juin 2015 a été rendu par la Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans lequel elle a considéré que l'ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur une demande de sursis à statuer peut faire l'objet d'un appel, sous réserve d'être autorisé par le premier président de la Cour d'Appel lorsque le sursis a été ordonné.
Le juge de la mise en état a rendu une ordonnance ayant rejeté la demande de sursis à statuer formé par deux personnes.
La Cour d'Appel de Versailles, en l'espèce, a infirmé cette ordonnance et a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale.
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi, au motif que la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure et que l'ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur une telle demande peut faire l'objet d'un appel immédiat.
La Haute Juridiction a estimé que la Cour d'Appel n'a pas commis d'excès de pouvoir et qu'en ordonnant le sursis à statuer en vue d'une bonne administration de la justice, la cour d'appel n'a pas violé de règle de droit, qui réfit le sursis à statuer.
En règle générale, les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas une autorité de chose jugée, au principal, et ne peuvent être frappées d'appel en principe, qu'avec le jugement d'appel sur le fond.
I. Les décisions non susceptibles d'appel immédiat
Le principe de l'appel différé demeure à l'article 776 alinéa 2 du Code de procédure civile.
Il a pour objectif d'éviter des contentieux parallèles et souvent dilatoires (CA Versailles, 30 oct. 1979 - CA Paris, 22 juin 1992)
La décision qui a ordonné un complément d'informations sans toucher au fond de la demande (Cass. 2e civ., 11 mai 1977), ou encore celle qui ordonne une mesure provisoire ( CA Paris, 19 août 1976– CA Paris, 9 nov. 1986) n'est pas susceptible d'appel.
Toutefois, il est admis qu'une partie est recevable à former un appel dirigé exclusivement contre l'ordonnance non susceptible d'appel immédiat rendue par un juge de la mise en état, lorsqu'une autre partie a fait appel du jugement prononcé sur le fond dans la même instance, les deux recours doivent, donc, être jugés ensemble (Cass. 2e civ., 15 mars 2012).
L'ordonnance du juge de la mise en état, prescrivant une mesure d'instruction qui n'est pas une expertise, n'est pas susceptible d'appel immédiat (Cass. 2e civ., 5 mai 1978).
Il en est de même pour l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état chargé de suivre le déroulement d'une expertise qui enjoint une partie de produire des pièces devant l'expert (CA Paris, 21 mai 1987).
Enfin, l'ordonnance du juge de la mise en état, qui liquide une astreinte provisoire et condamne le "récalcitrant" à payer une certaine somme provisionnelle à ce titre, n'est pas susceptible d'appel immédiat (CA Paris, 28 avril 1987).
Les exceptions sont prévues à l'article 776 du Code de procédure civile, lesquelles sont appréciées au cas par cas.
II. L'ordonnance du juge de la mise en état
Ordonnance statuant sur une exception de procédure
Les ordonnances du juge de la mise en état peuvent être frappées d'appel lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, par exemple l'ordonnance de la mise en état qui statue sur une exception d'incompétence (Cass. 2e civ., 31 janv. 2013– Cass. 2e civ., 26 sept. 2013).
Ordonnance statuant sur un incident mettant fin à l'instance
Même lorsqu'elles ne mettent pas fin à l'instance, les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur un incident de nature à y mettre fin peuvent être frappées d'appel indépendamment du jugement sur le fond (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013).
Expertise et sursis à statuer
Selon l'alinéa 2 des articles 272 et 380 du Code de procédure civile, l'appel immédiat est possible dans les cas et conditions prévues en matière d'expertise ou de sursis à statuer sur autorisation du premier président et lorsqu'il est justifié d'un motif grave et légitime.
L'article 776, en son alinéa 3, du Code de procédure civile prévoit que d'autres ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d'appel "dans les quinze jours à compter de leur signification".
Il s'agit d'abord des ordonnances qui, "statuent sur un incident mettant fin à l'instance" ou "ont pour effet de mettre fin à celle-ci" ou encore "en constatent l'extinction" (art. 776, al. 4, 1° du Code de procédure civile).
L'ouverture de l'appel est alors justifiée puisque aucun jugement sur le fond n'interviendra.
L'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action, ou dans les actions non transmissibles par le décès d'une partie.
Par ailleurs, elle s'éteint à titre principal par l'effet de la péremption, du désistement d'instance, ou de la caducité de la citation.
Lorsqu'il dispose que les juges de la mise en état constatent l'extinction de l'instance,
L'article 769 confère, dans le cas où le juge de la mise en état constate l'extinction de l'instance, à ce juge la compétence pour statuer sur toutes les causes d'extinction.
Hypothèse de l'ordonnance accordant une provision aux créanciers
L'appel est recevable si l'ordonnance accorde une provision aux créanciers lorsque l'existence de l'obligation n'est pas, sérieusement, contestable et ce dans le cas où le montant de la demande de provision est supérieur au taux de compétence en dernier ressort ( art. 776, al. 4, 4°. du Code de procédure civile– CA Paris, 2e ch., 28 avr. 1987).
Exceptions de procédure
Le juge de la mise en état est compétent pour connaître de toutes les exceptions de procédure que lui présenteraient les parties postérieurement à sa désignation.
Les ordonnances qui statuent sur les exceptions de procédure ont autorité de chose jugée au principal (article 775 du Code de procédure civile).
Ainsi, l'appel devra etre formé pour contester une ordonnance statuant sur l'incompétence, la litispendance ou la connexité.
Enfin, l'article 380-1 du Code de procédure civile dispose que « la décision de sursis rendue en dernier ressort peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation mais seulement pour violation de la règle de droit ».
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net: http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan Dray
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
76/78 rue Saint-Lazare
75009 Paris
tel: 09.54.92.33.53