La réduction de la prescription pour les actions en requalification des CDD
Une année est passé depuis que la loi du 14 Juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a abrégé les délais de prescriptions en droit du travail. En effet, elle a voulu permettre aux employeurs d’être rapidement assuré de la non existence d’un contentieux ou inversement.
- Les nouveaux délais de prescription
Même si certains longs délais sont restés identiques tel qu’en matière de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel où le délai de prescription est de 5 ans, la tendance de cette loi est la réduction des délais de prescription. Cette loi fait contrepied au mouvement d’harmonisation des délais de prescription en distinguant les différents délais.
Cette différenciation des délais s’effectue à travers deux grandes distinctions de situations.
Tout d’abord, la loi distingue suivant que l’action concerne l’exécution du contrat ou sa rupture et met en place un délai de prescription de « 2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit » (C. trav., art L. 1471-1).
De plus, la loi sépare les situations concernant le paiement du salaire de celles concernant la répétition du salaire en mettant en place un délai de prescription de « 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit » (C. trav., art L. 3245-1).
Concernant la prescription des actions en requalification, celle-ci est de 2 ans depuis que la Cour de Cassation a jugé, dans un arrêt de la Chambre Sociale du 9 avril 2013, que l’indemnité visée avait la nature de dommages-intérêts.
Michel Sapin, Ministre du Travail a estimé que « le salarié ne pourra plus demander la requalification de son CDD à l’expiration d’un délai de 2 ans ».
Cette loi permettra donc aux employeurs de profiter de délais de prescription plus courts qui leur sont favorables pour s’opposer à la demande des salariées.
Ce raccourcissement des délais de prescription facilitera les employeurs qui veulent échapper aux effets d’une requalification-sanction des CDD dans la mesure où ceux-ci sont automatiques et rétroactifs.
Néanmoins, cette constatation en faveur des employeurs peut être relativisée par le fait que cette loi incite le salarié à saisir le tribunal des Prud’homme dès qu’il a quitté l’entreprise après avoir enchainé des contrats précaires.
Concernant l’application de cette loi, elle dispose de délais transitoires de trois types.
Tout d’abord, les prescriptions qui ont déjà été dépassées lorsque la loi est entrée en vigueur ne sont pas affectées par la mise en place de ces nouveaux délais.
Puis, toutes les instances qui ont commencées avant que la loi ne soit entrée en vigueur doivent être jugées selon la loi ancienne.
Enfin, toutes les prescriptions en cours depuis l’entrée en vigueur de la loi se voient appliquer les nouveaux délais.
- La flexibilité du point de départ des délais de prescription
Après avoir défini les nouveaux délais de prescription, se pose la question de savoir à partir de quel moment commencent-ils à courir.
Par principe, le point de départ est celui de l’article 2224 du Code Civil qui correspond au « jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit ». Ce principe s’applique à la loi du 14 juin 2013.
Pour que le début du délai de prescription reste favorable aux salariés, le point de départ du délai de prescription est généralement la date de la rupture de la relation contractuelle. Néanmoins, elle ne correspond pas automatiquement à la date à laquelle le salarié a eu connaissance du vice de son contrat.
Pour autant, elle est généralement retenue car elle permet au salarié de ne pas engager une action contre son employeur alors même qu’il travaille encore pour lui.
Dans le cadre spécifique d’une demande de requalification de contrats à durée déterminée successifs, la question est de savoir à partir de combien de contrats commence le droit à la requalification.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 Juin 2012, a opéré une distinction qui même si elle est antérieure à l’entrée en vigueur de la loi trouve à s’appliquer. En effet, elle opère une distinction selon que la raison de la requalification.
Dès lors, si la raison est issue à une activité correspondant dès le départ à une activité permanente de l’entreprise, le délai de prescription démarrerait à partir du dernier CDD et le CDI sera réputé comme avoir débuté depuis la date du premier CDD. Si la raison est issue d’un vice de forme, c’est la date de conclusion du contrat comportant le vice qui constitue le début du délai de prescription.
Au final, c’est le juge qui reste l’acteur principal du point de départ du délai de prescription dans la mesure où c’est à sa libre appréciation qu’il décidera le « jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit ».
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Joan DRAY
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