La réforme opérée par l'ordonnance N°2014-326 du 12 mars 2014 apporte des modifications pour la situation des créanciers dans le cadre des procédures collectives.
Cette ordonnance habilite le gouvernement à simplifier et à sécuriser l'activité des entreprises dans le cadre des procédures collectives dirigées à leur encontre. Le gouvernement poursuit l'oeuvre du législateur, entamée par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005. Ainsi, il promeut toujours un objectif d'anticipation et de traitement rapide, et en amont, des difficultés de l'entreprise.
◊ Qu'est-ce que cette ordonnance change pour les créanciers amenés à participer à une procédure collective dirigée à l'encontre de leur débiteur ?
Il semble que le Gouvernement ait pris en compte la nécessité d'associer plus efficacement les créanciers dans la recherche de solutions de sauvetage de l'entreprise.
En effet, l'article 43 de l'ordonnance, modifiant l'article L.626-30-2 du Code de commerce, permet aux créanciers qui seraient membres d'un comité de présenter directement au tribunal un projet de plan concurrent à celui du débiteur. Avant, les propositions de plan des créanciers devaient impérativement passer par l'administrateur et le débiteur (qui disposait alors d'un droit de veto).
De même, le privilège de new money, dans le cadre d'un accord de conciliation homologué, est étendu à tous les concours et livraisons de biens ou de services consentis, même s'ils ne sont pas inclus dans cet accord (article 11 de l'ordonnance, modifiant l'article L.611-11 du Code de commerce).
Le gouvernement a fait le choix de renforcer ses effets au stade de l'adoption du plan car les délais et remises de dettes ne peuvent plus être imposés aux créanciers qui bénéficient du privilège de new money (article 40 de l'ordonnance, modifiant l'article L. 626-20).
D'importantes modifications sont à souligner concernant les procédures de déclaration et de vérification de créances. Ces modifications visent à simplifier, clarifier et accélérer lesdites procédures.
I/ La procédure de déclaration de créance
Tout d'abord, le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance (article 27 de l'ordonnance, modifiant l'article L.622-24 du Code de commerce relatif à la déclaration de créance).
Ce texte est le point d'orgue d'un important contentieux né ces dernières années sur la qualité et le pouvoir du déclarant. En effet, l'article L.622-24 du Code de commerce disposait que "La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix". Or, la déclaration de créance faite par un préposé n'était régulière que si ce préposé disposait d'une délégation de pouvoir émanant du représentant légal de la personne morale, et d'un pouvoir spécial. En raison de ces conditions strictes de régularité, nombre de déclaration de créances avaient été contestées par les débiteurs et nombre d'entre elles s'étaient vues rejetées de la procédure d'admission. Le nouvel article L.622-24 permet ainsi d'éviter ce vice de procédure courant, en permettant au créancier de ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à l'admission de la créance par le juge-commissaire. En ce sens, même faits tardivement, la délégation de pouvoir et le mandat spécial permettront l'admission de la créance.
De même, ce nouvel article dispose que "lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa". Le débiteur dispose désormais du pouvoir de déclarer une créance en le nom et pour le compte de son créancier. Cette formalité simplifie grandement la procédure, puisque tout créancier présent sur la liste du débiteur fournie au mandataire sera réputé avoir déclaré sa créance au passif.
De plus, un nouvel article L.622-25-1 est introduit. Il traite des effets de la déclaration de créances. De façon très claire, cet article dispose que : "la déclaration interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites".
Le rapport remis au Président de la République évoquait la distance prise par rapport à la qualification d'action en justice donnée à la déclaration de créance par la jurisprudence.
Allant plus loin dans cette nouvelle faculté reconnue au débiteur de pouvoir déclarer en le nom et pour le compte du créancier, l'article 24 de l'ordonnance prévoit l'hypothèse selon laquelle le débiteur porte à la connaissance du mandataire une créance alors que celle-ci bénéficie, en réalité, du privilège de procédure (articles L. 622-17 et L. 641-13 du Code de commerce). Ce texte dispose donc désormais que lorsque l'information est transmise par le créancier sur la nature privilégiée de sa créance (créance postérieure), la déclaration précédemment réalisée par le débiteur pour le compte de ce créancier est automatiquement caduque si le juge n'a pas statué sur son admission.
Par ailleurs, relativement à la demande de relevé de forclusion, l'article 29 de l'ordonnance modifie L. 622-26 du Code de commerce en ces termes :
"Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance".
Cet article élargit de ce fait le domaine du relevé de forclusion qui est désormais ouvert au créancier qui établit soit que le défaut de déclaration n'est pas dû à son fait, soit qu'il est dû à une omission du débiteur dans la liste des créances.
Dans le cas où le débiteur aurait omis un créancier de la liste remise au mandataire, le caractère "volontaire" de l'omission n'est plus exigé. Ainsi, la seule négligence du débiteur suffit à profiter au créancier. C'est une évolution non seulement favorable, mais simplificatrice car il était relativement difficile de prouver l'intention du débiteur d'omettre un de ses créanciers de la liste.
Ensuite, dans le cas où le créancier demande et obtient le relevé de forclusion, le délai de déclaration change. En effet, avant, la jurisprudence considérait que le créancier devait déclarer sa créance dans le délai préfix de l'action en relevé de forclusion, quand bien même il n'avait pas encore obtenu du juge-commissaire ledit relevé ! Désormais, le nouvel article L.622-24 du Code de commerce dispose que le délai laissé au créancier pour déclarer sa créance est divisé de moitié par rapport au délai de droit commun (soit un mois, en principe), et que ce délai commence à courir à compter de la notification de la décision de relevé de forclusion prise par le juge.
II/ La procédure de vérification des créances
Le gouvernement a souhaité accélérer la procédure de vérification, notamment en conditionnant strictement les possibilités de contestation des déclarations par le débiteur.
L'article 33 de l'ordonnance modifie l'article L.624-1 du Code de commerce et prévoit que le débiteur qui souhaite émettre des observations sur les créances déclarées doit le faire dans un délai précis qui sera ultérieurement fixé par un décret en Conseil d'Etat. Au-delà de ce délai, le débiteur ne pourra plus émettre aucune contestation sur la proposition du mandataire judiciaire.
Ainsi, le débiteur devra faire preuve d'une grande diligence pour observer les délais et d'une célérité pour émettre sa contestation.
Concernant les suites de cette contestation, l'article 24 de l'ordonnance précise les pouvoirs du juge-commissaire en la matière. Il dispose que :
"En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission".
Cet article est donc la consécration de la construction jurisprudentielle des pouvoirs du juge-commissaire, qui tend à en faire un juge de l'évidence. Si l'ordonnance avait pour but de réduire les délais de la procédure collective, elle ne semble pas encore traiter le problème du sursis à statuer prononcé par le juge-commissaire dans l'attente de la décision de la juridiction compétente.
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Joan DRAY
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