Certains employeurs ont encore tendance à justifier des licenciements pour faute grave par le refus d'un changement des conditions de travail par le salarié.
I – Changement des conditions de travail et la faute grave
Le changement des conditions de travail peut être défini comme étant le changement de l'un des éléments du contrat qui aurait déterminé le consentement des parties lors de la conclusion du contrat.
Quelques exemples de changement des conditions de travail :
- Les horaires :
- Le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit (Cass. soc., 18 déc. 2001, n° 98-46.160),
- Le passage d'un horaire fixe à un horaire variable ou inversement (Cass. soc., 14 nov. 2000, n° 98-43.218),
- Le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu (Cass. soc., 18 déc. 2000)
- Le passage d'une semaine de 4 jours à une semaine de 5 jours (Cass. soc., 23 janv. 2001, n° 98-44.843)
- La privation du repos dominical (Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-43.223).
- La rémunération du salarié (Cass. soc. 19 mai 1998, n°96-41-573)
- Le lieu de travail avec le changement de secteur géographique (Cass. soc., 16 déc. 1998, n°96-40.227)
- Le changement de qualification
La faute grave. Il n'existe aucune définition légale de la faute grave. Toutefois, la jurisprudence tend à définir la faute grave du salarié comme une faute telle, qu’elle « rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Cass. Soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867).
La qualification de la faute grave entraine de lourdes conséquences pour le salarié. En effet, lorsque la faute grave est qualifiée, le salarié sera privé de son droit à l'indemnité légale de licenciement prévue par l’article L.1234-9 du Code du travail ainsi que de son droit au préavis.
II – Le refus d'un changement des conditions de travail ne pouvait être constitutif d'une faute grave du salarié selon la jurisprudence
Initialement, en 1996, selon la jurisprudence, le refus d'un changement des conditions de travail constituait une faute grave (ass. soc., 10 juill. 1996 : Bull. civ. 1996, V, n° 278 ; Dr. soc. 1996, p. 976, obs. H. Blaise ; JCP G 1997, II, 22768, note Y. Saint-Jours. - F. Bousez et M. Moreau, À propos des changements apportés par l'employeur aux conditions de travail : JCP E 1997, I, 705).
Puis, la vie personnelle du salarié a été prise en compte. En effet, dans un arrêt du 17 octobre 2000, la Cour de cassation a considéré que le fait de refuser un nouvel horaire de travail imposant à une salariée d'être présente à l'heure du déjeuner dont elle disposait précédemment lui permettant de s'occuper de ses enfants scolarisés ne constituait pas une faute grave (Cass. soc., 17 oct. 2000, n° 98-42.177 : JurisData n° 2000-006271 ; Dr. soc. 2000, p. 90, note J. Savatier).
En 2005, la Cour de cassation a considéré que le refus par le salarié d'un changement de ses conditions de travail rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais ne constitue pas, en revanche, à lui seul, une faute grave (Cass. soc., 23 févr. 2005 : JCP E 2005, 1069, note D. Corrignan-Carsin).
L’arrêt du 20 juin 2012 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 10-28.516) est l’un des derniers exemples en la matière.
Une société avait embauché un salarié en qualité d'agent d'exploitation au sein de l’aéroport de Cannes-Mandelieu. A la suite d'une perte de marché, la société décide d'affecter le salarié, à compter, au tribunal de grande instance de Nice en qualité d'agent de filtrage. Ce dernier refuse sa nouvelle affectation et sera alors licencié pour faute grave.
Selon la Cour de cassation, « le refus par le salarié protégé d'une modification que l'autorité administrative a qualifiée de simple changement de ses conditions de travail, justifiant d'accorder à l'employeur l'autorisation de licenciement, ne caractérise pas à lui seul une faute grave ».
La chambre sociale vient ainsi confirmer la jurisprudence en vigueur relative au refus, par un salarié ordinaire, d'accepter un changement de ses conditions de travail.
Les juges du fond n’ont alors pas suffisamment motivée leur décision pour retenir la faute grave définie comme étant « une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis » (Cass. soc., 26 févr. 1991).
III – L a charge de la preuve
La charge de la preuve de la faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail pendant le préavis pèse sur l’employeur (Cass. soc., 6 févr. 1992, n° 90.43.464. – Cass. soc., 25 janv. 1994, n° 92-43.313. – Cass. soc., 8 janv. 1998, n° 95-41.462).
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