Par un arrêt du 27 novembre 2014, la Cour de cassation a précisé les conditions du délai de l'action en remboursement des cotisations sociales, qui doit en principe être introduite dans les trois ans à compter de leur paiement.
Selon l'article 1235, alinéa 1er du Code civil, tout paiement suppose une dette et ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition, c'est-à-dire à remboursement.
Aux termes de l'article 1376 du Code civil : "Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu".
La jurisprudence considère que les articles 1235 et 1376 du Code civil dont la portée est générale sont, à défaut d'une loi ou d'une disposition réglementaire y dérogeant, applicables en matière de sécurité sociale (Cass. 2e civ. 28 mai 1964 n° 62-10.150).
Les cotisations payées sans cause sont sujettes à répétition sans que soit exigée la preuve de l'erreur commise par celui qui les a acquittées (Cass. ass. plén. 2 avril 1993 n° 89-15.490).
Le paiement des cotisations sociales indues est sujet à répétition dans la limite de la prescription , peu important qu'il ait été effectué sans réserve.
I – Le droit au remboursement
L'employeur qui s'est acquitté des cotisations qui lui étaient réclamées sans en contester la cause et le montant dans le délai qui lui était imparti par la mise en demeure à peine de forclusion n'est plus recevable à reprendre le litige par la voie d'une action en répétition (Cass. soc. 13 octobre 1965 n° 63-12.794).
De même, en l'absence d'opposition formée dans le délai prescrit à peine de forclusion, la contrainte devient définitive, tant dans son principe que dans son montant et son destinataire n'est plus recevable, après l'expiration de ce délai, à introduire une action en répétition de l'indu (Cass. soc. 7 janvier 1966 n° 63-11.484).
Le cotisant qui a acquitté volontairement des cotisations prescrites à la suite d'une mise en demeure ne peut par la suite en réclamer le remboursement car, même prescrite, sa dette conserve sa cause dans l'obligation de cotiser (Cass. soc. 11 avril 1991 n° 89-13.068).
L'action en répétition de l'indu appliquée aux cotisations sociales n'est donc possible que lorsque le cotisant s'est acquitté normalement desdites cotisations, sans qu'une procédure de recouvrement ait été enclenchée, car dans ce cas il pouvait agir selon les voies de recours prévues par le Code de la sécurité sociale.
II – La procédure de remboursement
L'employeur, responsable du paiement des cotisations de sécurité sociale, a qualité pour agir contre l'Urssaf en remboursement et de la part patronale et de la part salariale des cotisations.
A) Le prescription de l'action en remboursement
Aux termes de l'article L.243-6 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale (CSS) : "La demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées".
En principe, le délai court à compter de la date à laquelle les cotisations ont été acquittées, il est toutefois fait exception à cette règle dans certains cas.
- L'impossibilité d'agir :
Il résulte de l'article 2251 du Code civil que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure.
Une jurisprudence constante considère donc que la prescription court à compter du jour où celui contre lequel on l'invoque a pu valablement agir.
Cependant ,la divergence d'interprétation d'un texte ne fait pas obstacle à ce que les redevables contestent le montant de leurs cotisations devant la juridiction de la sécurité sociale sans attendre que la difficulté d'interprétation soit tranchée (Cass. 2e civ. 12 mars 2009 n° 08-11.210).
Les juges du fond ne peuvent faire droit à la demande de restitution de la société au seul motif qu'avant le jugement ayant déclaré que la décision de prise en charge de l'accident lui était inopposable, la société ne pouvait solliciter le remboursement des cotisations versées par elle (Cass. 2e civ. 20 juin 2007 n° 06-12.516).
- La non-conformité de la règle appliquée à une règle de droit supérieure :
Aux termes de l'article L.243-6 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale : "Lorsque l'obligation de remboursement desdites cotisations naît d'une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue".
Lorsqu'une disposition est annulée par une juridiction en raison de sa non-conformité à une norme supérieure, interne ou internationale, la décision emporte un effet rétroactif, la disposition en cause étant considérée comme n'ayant jamais existé.
Les paiements de cotisations et contributions intervenus sur son fondement, étant privés de cause, sont considérés comme indus.
Le cotisant étant dans l'impossibilité d'agir, le point de départ de la prescription est alors fixé au jour où le cotisant est en mesure d'agir, c'est-à-dire à la date de la décision invalidant la règle non conforme à la règle supérieure.
L'article L 243-6, al. 2 du CSS limite le remboursement à la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où est intervenue la décision révélant la non-conformité de la règle de droit appliquée
Un arrêt du 27 novembre 2014 est venu préciser les conditions de ce report du point de départ de la prescription (Cass. 2e civ. 27 novembre 2014 n° 13-23.487, n° 1774 F-PB).
L'application de l'article L 243-6, alinéa 2, du CSS suppose qu'une décision juridictionnelle reconnaisse le caractère non conforme d'une règle par rapport à une norme supérieure.
En l'espèce, en l'espèce la caisse avait mis en demeure une société de payer un rappel de cotisations au titre des rémunérations versées à son gérant.
La société a saisi avec succès une juridiction de sécurité sociale aux fins d'annulation de ces chefs de redressement et de remboursement des cotisations indûment payées au titre de l'affiliation erronée du gérant au régime général.
La Cour de cassation considère cependant que la société ne peut se prévaloir du report du point de départ de la prescription.
L'arret du 27 novembre 2014 énonce : "qu'un jugement de requalification de la situation de l'assuré au regard des règles d'assujettissement aux régimes de sécurité sociale ne saurait être assimilée à la décision juridictionnelle prévue par l'article L 243-6, alinéa 2".
L'application de cet article suppose qu'une décision juridictionnelle reconnaisse le caractère non conforme d'une règle par rapport à une norme supérieure., tel n'est pas le cas si le juge constate seulement que la règle a été mal appliquée.
B) L'action en remboursement
Le remboursement des cotisations indûment versées par l'employeur peut être obtenu à l'amiable, lorsque l'Urssaf reconnaît le bien-fondé de la demande de remboursement ou sinon au terme d'une procédure contentieuse devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
L'action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale doit être précédée d'un recours devant la commission de recours amiable de l'organisme.
III – Les modalités de remboursement
Le remboursement des cotisations indûment payées peut être opéré selon trois modalités :
- soit par un reversement direct à l'employeur, qui doit éventuellement rembourser le salarié de la part salariale des cotisations indûment versées ;
- soit par un reversement à l'employeur d'une part et au salarié d'autre part ;
- soit par compensation avec les cotisations qui seront effectivement dues.
Les Urssaf doivent effectuer le remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées dans un délai de quatre mois à compter de la demande.
Cette obligation mise à la charge des organismes de recouvrement ne trouve à s'appliquer que si la demande revêt le caractère d'une interpellation suffisante de l'organisme de nature à interrompre le délai de prescription.
Cette demande de remboursement doit donc :
- porter sur une créance certaine, liquide et exigible dont le caractère indu a été reconnu,
- être accompagnée de pièces justificatives probantes (notamment les points de législation invoqués, les périodes concernées, le détail du chiffrage de l'indu).
A défaut, la demande ne saurait faire courir le délai de quatre mois précité (Circ. Acoss 2011-39 29 mars 2011 n° 19).
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Joan DRAY
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