La distinction entre les diverses formes d’indemnités peut se prêter à controverse et, on le sait bien, le juge n’est pas tenu par la qualification donnée par les parties au contrat. De ce fait, un contentieux abondant repose sur la requalification d’une indemnité contractuelle en clause pénale.
L’enjeu est particulièrement important car l’issue de cette bataille sur le terrain de la qualification va déterminer les pouvoirs modérateurs du juge.
Si l’indemnité correspond bien à une clause pénale, alors le juge peut, sur le fondement de l’article 1152 du Code Civil, la réduire en fonction des circonstances concrètes de l’affaire et des obligations en cause.
En revanche, si tel n’est pas le cas, le juge ne pourra statuer sur le montant de l’indemnité et constatera simplement que les parties l’ont librement consenti. En effet le contrat est la loi des parties selon l’article 1134 du Code Civil avec une force contraignante des plus redoutables. Ainsi la liberté contractuelle prévaut dans cette hypothèse sur la justice contractuelle.
Dans un contrat, il peut arriver que les parties contractent à l’avance le montant que l’une devra payer à l’autre en cas de manquement à l’exécution décidée.
C’est de cette obligation d’indemnisation que découle la clause pénale.
La clause pénale est consacrée aux articles 1226 à 1233 du Code Civil.
C’est la Cour de Cassation qui l’a définie comme « la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et à l'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée » (Cass. 1re civ., 10 oct. 1996 ):
L'article 1229, alinéa 1er, du Code civil précise également que “la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale”.
La clause pénale est donc créatrice pour le débiteur de l'obligation de payer au créancier une somme d'argent déterminée à titre de dommages et intérêts, en compensation du préjudice subi par le créancier du fait de l'inexécution de l'obligation.
La requalification d’une indemnité de résiliation en clause pénale
Les juges peuvent qualifier de clause pénale une stipulation non expressément nommée comme telle par les parties (Cass. com., 10 juill. 1962 : D. 1963, somm. p. 2. – Cass. 1re civ., 9 mars 1977 : Bull. civ. 1977, I, n° 126. – CA Colmar, 1re ch., 26 janv. 1983 : Juris-Data n° 1983-040401).
Ils peuvent également considérer que le terme de clause pénale employé par les contractants n'est pas exact (Cass. soc., 4 juill. 1983 : Bull. civ. 1983, IV, n° 380).
La jurisprudence a considéré que constitue une clause pénale la clause qui met à la charge du débiteur la totalité des loyers à échoir au jour de la résiliation (Cass. com., 22 févr. 1977, Bull. civ. IV, no 58 ; Cass. com., 5 juill. 1994, Bull. civ. IV, no 253).
De plus, dans un autre arrêt, la Cour de Cassation a estimé que « la majoration des charges financières pesant sur le débiteur, résultant de l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la date de la résiliation, a été stipulée à la fois comme un moyen de le contraindre à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le crédit bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques à cause de l'interruption des paiements prévus, et qu'elle constitue ainsi une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès » (Cass. Com. 30 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-15980).
La jurisprudence a également eu l’occasion de se prononcer sur la requalification en clause pénale à propos de contrats de location-entretien.
Il est opportun de relever à cet égard un arrêt en date du 13 février 2007 (Cass.com, 13 février 2007, n° 05-17.054, n° 307 F-D, Laouina c/ Sté Initial BTB).
Le litige portait sur des contrats de location et d’entretien des linges de travail, qui prévoyaient qu’en cas de résiliation unilatérale sur l’initiative du locataire, ce dernier devait régler une indemnité égale aux sommes qui auraient été facturées jusqu’au terme du contrat.
La Chambre commerciale avait décidé que cette indemnité correspondait à une clause pénale car « il résultait de ses constatations que la clause litigieuse prévoyait une indemnité forfaitaire pour sanctionner l'inexécution par M. Laouina de son obligation de payer les loyers ».
Dans une décision récente, la Cour d’Appel de Versailles a également considéré que l’indemnité de résiliation prévue dans un contrat de location pouvait s’analyser en une clause pénale dans la mesure où l'indemnité que le bailleur peut exiger dans le contrat de location avec option d'achat en cas de défaillance de son cocontractant est une forme de clause pénale (CA Versailles, 16e ch., 22 oct. 2009, Barthélémy c/ SA Sofinco : JurisData n° 2009-379354.
De même, l'indemnité de résiliation « qui s'ajoute au paiement des loyers échus restés impayés à la date de résiliation... stipulée à la fois comme moyen de contraindre le débiteur à l'exécution de ses obligations et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le crédit bailleur, du fait de l'accroissement de ses frais et risques, à cause de l'interruption des paiements prévus...constitue une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès » (Cass. com., 7 juill. 2009, n° 08-16.853 : JurisData n° 2009-049225).
On peut relever également le cas d’un contrat de location-entretien d'une installation téléphonique prévoyant une indemnité de résiliation égale à la totalité des annuités restant à courir, CA Versailles, 12e ch., 16 septembre 1999, SA Socetat c/ Sté Téléfleurs France, GP.2001 som. 13/14 avril)
Il en est également ainsi, s’agissant d'un contrat de maintenance informatique prévoyant en cas de résiliation anticipée du contrat une indemnité égale à 90% des redevances normalement dues jusqu'à l'expiration du contrat, (CA Versailles 28 juin 2001, SARL Dryade Production c/ SA Alcyon Bureautique, RJDA 3/02 n° 227.)
L’appréciation du caractère manifestement excessif ou dérisoire de la clause pénale
La clause pénale peut être soumise à la révision judiciaire lorsqu'elle est manifestement excessive ou dérisoire (article 1152 du Code Civil).
Attendu que l’article 1152 énonce : « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite».
L'absence de préjudice est l'un des critères qui permet au juge d'apprécier le caractère manifestement excessif de la clause et d'exonérer totalement un contractant du paiement de la clause (Cass. com., 28 avr. 1980 : Bull. civ. 1980, IV, n° 167 ; Defrénois 1980, art. 32494, p. 1477, note J.-L. Aubert. – Cass. com., 16 juill. 1991 : D. 1992, jurispr. p. 365, note D. Mazeaud ; Defrénois 1992, art. 35212, p. 329, obs. J.-L. Aubert).
Néanmoins, il faut savoir que la clause pourra être jugée manifestement excessive par le juge sur le fondement de l'article 1152 du Code civil, mais ne pourra être annulée.
De même, la clause pénale ne peut en aucun cas se cumuler avec l'exécution de la chose. Le créancier a donc le choix entre décider de l'exécution forcée ou demander la somme prévue par la clause pénale.
Je me tiens à votre disposition pour tous contentieux.
Cabinet Maître Joan DRAY
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