La requalification d’un CDD non signé en CDI :
Le contrat de travail à durée déterminée est un contrat d’exception par rapport au droit commun que représente le contrat à durée indéterminée.
La loi de modernisation sociale de 2002 a renforcé ce caractère exceptionnel du recours au CDD.
En effet, il résulte de l’article L1242-1 du Code du travail que « le contrat de travail à durée déterminée quel que soit son motif ne peut avoir, ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».
Dès lors, il n’est guère étonnant qu’un formalisme important entoure la conclusion du CDD.
Ainsi, le Code du travail n'autorise la conclusion d'un contrat à durée déterminée que dans des cas strictement définis par le législateur pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire notamment l’accroissement temporaire d’activité ou le remplacement d’un salarié absent.
En outre, quelle que soit sa durée, et quel que soit le cas de recours invoqué, le contrat à durée déterminée doit être écrit.
Dès lors, il sera question dans cet article de rappeler la sanction du défaut d’écrit en présence d’un CDD ainsi qu’en présence de contrat d’intérim.
1/ Un CDD non signé : une requalification non automatique :
Comme il a été précisé dans l’introduction, le CDD doit être établi par écrit, sachant que le défaut de signature du salarié est assimilé à l'absence d'écrit (c. trav. art. L. 1242-12 ; cass. soc. 31 mai 2006, n° 04-47656, BC V n° 195).
A défaut, si le salarié en fait la demande, le CDD est requalifié en contrat à durée indéterminée (article 1242-12 C trav).
Par ailleurs, l’employeur n’a pas la possibilité de prouver le caractère déterminé de la durée du contrat (Cass soc 2 avril 2003 : JurisData n0 2003-018493).
En effet, la seule constatation de l'absence d'écrit, quel que soit le secteur dans lequel le contrat est conclu, permet au salarié de solliciter la requalification en contrat à durée indéterminée sans que l'employeur soit autorisé à lui opposer la réalité du caractère temporaire de l'engagement.
Dès lors, l'employeur ne peut écarter la présomption légale en apportant la preuve de l'existence d'un contrat verbal conclu pour une durée déterminée (Cass soc 12 novembre 1997 : JCP G 1997 IV 2529).
Il convient de préciser que cette règle s’applique si le contrat ne comporte pas une des mentions obligatoires, comme le motif précis du recours au CDD (art L242-13 C trav).
Ainsi, le recours au CDD d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de ce motif. A défaut, il doit être requalifié à la demande de la salariée (Cass Soc 28 novembre 2006 : JurisData n° 2006-036168).
La sanction peut donc être lourde pour l’employeur dans la mesure où la requalification donne droit au salarié de demander le paiement :
- d’une indemnité de requalification qui ne peut être inférieur à un mois de salaire (C trav L1245-2)
- d’une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
- d’une indemnité compensatrice de préavis
- de dommages intérêts pour licenciement abusif.
Mais le salarié ne peut se prévaloir de sa propre faute pour solliciter la requalification du contrat en CDI s’il a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise fois ou dans une intention frauduleuse.
Mais encore faut-il démontrer l’intention frauduleuse du salarié.
Dans un arrêt du 7 mars 2012, la Cour de cassation a jugé que les juges du fond n’avaient pas caractérisé la mauvaise ou l’intention frauduleuse du salarié (Cass , chambre sociale, 7 mars 2012, n° 10-12091).
En l’espèce, des CDD écrits avaient été remis au salarié à chacune de ses interventions mais celui-ci a refusé de les rendre, malgré notamment plusieurs rappels par courrier.
Cette solution s’applique au contrat d’intérim.
Il convient de rappeler que le contrat de mission d’un salarié en intérim doit lui être remis dans les 2 jours suivant sa mise à disposition (art L1251-17 C trav).
A défaut de respecter le délai, l’intérimaire pourra engager une procédure devant le Conseil de Prud’hommes et demander que son contrat soit requalifié en contrat à durée indéterminée avec l’agence d’intérim.
Il en sera de même en présence d’un CDD qui n’aurait pas été remis dans les 2 jours suivant la prise d’effet du contrat.
La Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question de la requalification d’un contrat d’intérim en contrat à durée indéterminée.
Ainsi, dans un arrêt du 11 mars 2009, la Chambre sociale a refusé la requalification du contrat en CDI.
En l’espèce, l’agence d’intérim avait rapporté la preuve que le contrat avait bien été transmis dans les délais. Et que c’était l’intérimaire qui n’avait pas souhaité retourner le contrat signé.
Pour les juges, l’intérimaire, qui s’était abstenu de signer son contrat de mission ne pouvait pas se prévaloir de sa propre faute pour solliciter la requalification de son contrat en CDI (Cass soc 11 mars 2009 n° 07-44433).
Dès lors, il est fortement conseillé à l’employeur de conserver tous les éléments de preuve permettant d’établir qu’il a bien remis le CDD ou le Contrat d’intérim dans les délais s’il veut se prémunir d’une éventuelle requalification en CDI, qui peut être très coûteuse…
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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