RESILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE TRAVAIL AUX TORTS DE L’EMPLOYEUR POUR HARCELEMENT MORAL.
I) La notion de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Le Code du travail prévoit qu'« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (C. trav., art. L. 1152-1).
Le juge doit prendre en compte l'ensemble des éléments matériels précis et concordants, tels que les certificats médicaux. Selon la Cour de cassation, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants, le juge doit vérifier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Alors que la Cour d'appel avait fait l'inverse et s'était livrée à une appréciation séparée de chaque élément.
Les preuves de l’harcèlement sont diverses : il peut s’agir de certificats médicaux, d’arrêts maladie pour sévère état dépressif, une attestion de tierces personnes indiquant ce que le salarié a décrit comme étant l'ambiance de l'entreprise et le comportement de son employeur.
II) La procédure à suivre
L'action en demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est une procédure ouverte aux salariés victimes d'un manquement grave de l'employeur à ses obligations.
Si un salarié s’estime victime de harcèlement moral sur son lieu de travail, ce dernier doit saisir la juridiction prud’homale en demande de résiliation aux torts exclusifs de l’employeur.
Lorsqu’un salarié s’estime victime d’un harcèlement, la charge de la preuve est inversée. Le harcèlement moral peut être considéré comme un fait subjectif par un tiers, d'où l'utilité pour le salarié de réussir à le prouver. C'est en effet à celui-ci qu'il incombe d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, puis à l'employeur de prouver que ces agissements ne constituent pas du harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement (C. trav., art. L. 1154-1).
II/ Les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail
Jusqu’à présent, si le Conseil de Prud’homme approuvait le salarié, la résiliation judiciaire était requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, quelque soit le type de faute grave reprochée à l’employeur.
Le harcèlement moral produit désormais les effets d’un licenciement nul sur la résiliation judiciaire (Ccass, chambre sociale, 20 février 2013). Il faut alors s’attacher aux dispositions de l’article L1152-3 du Code du travail qui prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissances des dispositions afférentes au harcèlement moral (articles L1152-1 et L1152-2 du code du travail) est nulle. Or, en cas de nullité du licenciement, l’employeur est condamné à verser l’indemnité équivalente à 6 mois de salaire minimum, prévue par l’article L.1235-3, lorsque le licenciement est en outre, dépourvu de cause réelle.
Si les faits sont reconnus, la résiliation judicaire sera alors qualifiée de licenciement nul. L’employeur pourra être condamné au titre du licenciement nul, à verser les indemnités de rupture et une indemnité équivalente aux six derniers mois de salaire destinées à réparer le préjudice résultant de la nullité du licenciement. Cette dernière indemnité devra prendre en compte l'âge du salarié, son temps de présence dans l'entreprise et des conditions dans lesquelles la rupture est survenue.
L’indemnité sanctionnant un licenciement nul, prononcé par exemple à la suite de la dénonciation par la salariée du harcèlement moral dont elle était victime, ne peut être inférieure à 6 mois de salaires et ce quel que soit l’ancienneté du salarié. Les articles L 1235-3 et L1235-5 du Code du Travail concernant les licenciements sans cause et réelle et sérieuse ne sont pas applicables en matière de licenciement nul. De surcroît, cette indemnité se cumule avec les autres indemnités de rupture (Cass Soc 14 avril 2010 N° 09-40486).
Auparavant, cette extension de l'allégement de la preuve n'avait été admise par le Conseil d'Etat qu'en matière de discrimination (CE, 30 octobre 2009 Perreux) et non pas de harcèlement moral.
En ce qui concerne le second apport de cette jurisprudence, celle-ci rappelle qu'en cas de harcèlement moral avéré, il ne faut pas tenir compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Ainsi, peu importe que la victime ait eu un comportement fautif, par exemple agressif.
Durant la procédure, les parties doivent maintenir leurs relations contractuelles. Mais une fois la résiliation judiciaire prononcée par les juges, le contrat de travail prend fin.
IV/ La jurisprudence rendue en la matière
Dans le cadre d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, le défendeur peut faire valoir qu'il en est résulté un arrêt de travail qui se prolonge et l'impossibilité de la poursuite des relations contractuelles.
Le 20 février 2013, la Cour de cassation a jugé que le salarié victime d’un harcèlement moral sur son lieu de travail est fondé à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, dans la mesure où son état moral et physique a été affecté la plongeant dans une situation où tout a été fait pour stopper son développement, limiter son autonomie au travail et étouffer son activité (Cass. Soc. 20 février 2013, N° de pourvoi : 11-26560).
Les faits de harcèlement moral, qui ne résultent pas nécessairement d'actes volontaires de l'employeur ou de l'un de ses préposés, peuvent résulter d'agissements d'une personne qui exerce une autorité de fait sur le salarié (Cass. Soc., 3 novembre 2011, N° de pourvoi : 10-15.124).
La jurisprudence a également retenu le harcèlement moral comme une cause de résiliation judiciaire du contrat de travail à la demande du salarié. Il en est ainsi d'un comportement violent occasionnant au salarié un état d'anxiété aiguë rendant impossible le maintien du contrat de travail (Cass. soc., 10 janv. 2001, no 98-45.813).
La consécration de la notion de harcèlement moral dans le Code du travail contribue à augmenter le nombre de demandes de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur pour harcèlement moral. De même le salarié en arrêt maladie prolongé qui reçoit de nombreuses lettres de mise en demeure injustifiées évoquant de manière explicite une rupture de contrat et lui reprochant ses absences est victime de harcèlement moral justifiant le prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur (Cass. soc., 7 juill. 2009, no 08-40.034).
Par ailleurs, être privé de tous les moyens d’exécuter son contrat de travail peut-être considéré comme du harcèlement. L’arrêt du 30 mars 2011 de la Cour de cassation, n° 09-41583 décrit une situation de travail qui a été jugée comme étant du harcèlement moral. Le salarié n’avait plus aucun moyen d’action pour réaliser son travail, il s’estimait donc victime de harcèlement moral : il a obtenu des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement. Les juges ont alors considéré que l’employeur avait manqué à son obligation contractuelle d’exécution de bonne foi du contrat de travail.
La prise d'effet d'une résiliation judiciaire est fixée au jour de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur ( Cass. soc., 21 mars 2007, no 05-45.392). Il ne peut s'agir de celle de la notification ( Cass. soc., 6 mai 2009, no 07-44.692), ni de celle du jour de la demande en justice tendant à cette résiliation (Cass. soc., 19 mai 2010, no 08-45.090).
Le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur (Cass Soc 28 janvier 2010 N° 08-42616). Dans cet arrêt, le fait d’avoir imposé d’une part de manière répétée des tâches en contradictions avec les avis du Médecin du Travail et d’autre part, d’avoir proposé un poste sous qualifiant la salariée (proposition toujours en contradiction avec l’avis de la Médecine du Travail) constitue selon les Juges de la Cour de Cassation confirmant d’ailleurs la juridiction de fond , des faits constitutifs de harcèlement moral.
Sous certaines conditions, les méthodes de gestion employées par un supérieur hiérarchique peuvent être caractéristique d’un harcèlement moral (Cass Soc 3 février 2010 N° 08-44107). Il faut noter que dans le cas d’espèce, en sus du "management par objectifs" et des conditions de travail difficiles (pour l’ensemble des vendeurs de cet entreprise), le salarié plaignant a subi spécifiquement des propos insultants et un dénigrement en public ayant entrainé des conséquences sur sa sante et une atteinte à sa dignité.
Des propos agressifs et déplacées d’un supérieur hiérarchique et son acharnement sur un de ses subordonnés avec des conséquences négatives sur la santé de ce dernier constitue un harcèlement moral (Cass Soc 9 février 2010 N° 08-45069).
Les actes qui consistent à isoler un salarié et à le déposséder de ses responsabilités en faisant empiéter un autre salarié sur ses fonctions sont constitutifs d’agissements de harcèlement moral (Cass Soc 31 mars 2010 N°08-44992).
En outre, une demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral , demande faite 7 années après que le salarié victime du harcèlement ait quitté l’entreprise, est recevable selon la Cour de Cassation (Cass Soc 5 mai 2010 N° 08-45202).
Les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une période courte et une demande de dommages et intérêts ne peut être rejeté sur la base de la brièveté de la période pendant laquelle des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral se sont produits (Cass Soc 26 mai 2010 N° 08-43152). Il faut rapprocher cet arrêt d’un autre (Cass Soc 27 janvier 2010 N° 08-43985) dans lequel des faits, répétés, peuvent être constitutifs de harcèlement même s’ils se sont produits sur une période relativement courte ( entre juin et juillet 2005).
Si un salarié se trouve en absence prolongée pour arrêt maladie et que c’est arrêt est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l’absence prolongée du salarié a causé à l’entreprise. Il ne peut donc pas le licencier même en procédant au remplacement définitif du salarié (Cass Soc 16 décembre 2010 N° 09-41640).
Une rétrogradation injustifiée d’un salarié constitue un exercice abusif du pouvoir de direction de l’employeur. Le salarié est selon cet arrêt fondé à demander la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral (Cass Soc 17 mars 2010 N° 08-44573).
Cependant, l’employeur n’abuse pas de son pouvoir disciplinaire, lorsqu’il adresse à son salarié des sanctions disciplinaires pour avoir commis des faits qu’il considère comme fautifs et que le caractère irrégulier des sanctions ne peut pas démontrer un usage abusif du pouvoir de discipline de l’employeur et des faits constitutifs de harcèlement moral (Cass. Soc, chambre sociale, 23 juin 2010).
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Joan DRAY
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