Par un arrêt en date du 13 novembre 2014, la Cour d’Appel de Versailles a jugé que le locataire ne peut se prévaloir du silence du bailleur à la demande de transformation des locaux, pour déduire l’accord de ce dernier.
Le locataire qui transforme un local commercial en local d’habitation sans l’accord du bailleur commet un manquement à ses obligations qui justifie la mise en œuvre de la clause résolutoire prévue par le bail.
Le preneur à bail commercial a l’obligation d'user de la chose louée en bon père de famille, cela implique que le locataire ne modifie pas la chose louée.
Il s’agit d’une obligation légale, édictée par l’article 1728 du Code civil, qui ne nécessite pas de stipulation particulière.
Cependant, les contrats contiennent très souvent une clause résolutoire relative à la nécessité d'obtenir une autorisation du bailleur préalablement à tous travaux de modification.
Les tribunaux ne peuvent se substituer au bailleur pour donner une telle autorisation (Cass. 3e civ., 24 janv. 1969 : Bull. civ. 1969, III, n° 76).
Cette obligation d’user de la chose louée en bon père de famille implique trois conséquences : le preneur ne peut réaliser de travaux sans autorisation, il ne doit pas être à l’origine et troubles de voisinage et enfin, il doit respecter la destination contractuelle des lieux.
Cet article vise à préciser l’application de la clause de destination des locaux commerciaux, ainsi que les sanctions applicables en cas de non-respect de cette destination.
I – L’application de la clause de destination des lieux
Une jurisprudence constante énonce que le locataire ne peut exercer dans les lieux loués que l'activité prévue au bail (Cass. ass. plén. 3 mai 1956 : JCP G 1956.II.9345).
Cette activité peut être commerciale dès lors que celle prévue au bail est commerciale, peu important qu'elle n'ait en réalité jamais été exercée en fait.
Il a ainsi été jugé que le commerce d'alimentation générale comprend la vente de vins, d'alcools, de fruits et de légumes (CA Paris, 10 mars 1981 : Loyers 1981 n° 227).
Ou que la boucherie-charcuterie inclut la préparation et la vente de plats cuisinés (CA Aix-en-Provence, 4 mars 1982 : Rev. loyers 1983.329).
Par ailleurs, le sens des termes utilisés par le bail peut être actualisé lorsque les usages commerciaux ont fait évoluer leur signification : ainsi, l'ancienne expression « marchand de vin, cafetier » autorise l'ouverture d'un buffet froid ou chaud (CA Paris, 5 janv. 1993 : D. 1993.IR.121).
Il ne peut exercer une activité différente qu'avec l'autorisation du bailleur, laquelle est requise dès lors que l'activité exercée n'est pas conforme à celle prévue au bail, car le changement s'apprécie en fonction de la destination que les parties ont entendu donner à la location lors de la conclusion du bail et non par rapport à l'usage qu'en fait le locataire.
II – La modification après accord des parties
L’accord du bailleur est nécessaire à toute modification de la destination des locaux loués à bail commercial.
Cet accord ne peut se déduire d'une attitude purement passive ou d'une simple tolérance de l'usage fait de la chose louée par le locataire (Cass. ass. plén. 3 mars 1956 : GP 1956.1.394).
Il faut qu’existent des actes positifs manifestant de manière non équivoque la volonté du bailleur.
Il en est ainsi lorsque le bailleur invoque l'extension d'activité dans une demande de révision ou pour justifier une demande d'augmentation du loyer ou encore lorsqu'il achète au locataire les produits vendus dans le cadre de la nouvelle activité (Cass. civ. 3-12-1974 : Bull. civ. III p. 347).
Il est recommandé d'établir un avenant et de l'enregistrer, s'il ne revêt pas une forme authentique, afin de lui conférer date certaine et de rendre le changement d'activité opposable aux tiers, notamment à l'acquéreur de l'immeuble.
Par un arrêt du 13 novembre 2014, la cour d’appel de Versailles a indiqué les effets de l’absence de réponse du bailleur en cas de demande de transformation des locaux par le preneur.
En l’espèce, après avoir informé son bailleur par lettre recommandé qu’il envisageait de réaliser des travaux d’aménagement, un locataire avait transformé le local à usage de bureau loué en local d’habitation.
Le locataire avait estimé qu’en l’absence de réaction du bailleur, celui avait donné son consentement tacite à la transformation des locaux.
La cour d’appel de Versailles rejette cette argumentation et juge que : « l'accord tacite du bailleur sur la transformation du local commercial doit être non équivoque ».
Ainsi, l'accord non équivoque du bailleur ne pouvait pas être déduit de son absence de réaction au courrier du locataire, justifiant la mise en œuvre de la clause résolutoire du bail.
III – La sanction du non-respect de la destination
L'exercice d'une activité irrégulière par le locataire peut donner lieu à différentes sanctions.
L’exercice irrégulier donne lieu au déplafonnement en cas d'acceptation par le bailleur du renouvellement du bail (Cass. 3e civ. 13-3-2002 : RJDA 6/02 n° 607).
Par ailleurs, il peut entrainer la résiliation judiciaire du bail, les juges disposant d'un pouvoir d'appréciation de la gravité du manquement aux obligations du bail (Cass. civ. 8 nov. 1977 : Rev. loyers 1978.197).
La clause de résiliation de plein droit pourra également s’appliquer si la clause sanctionne une telle infraction sous réserve de la suspension de la résiliation accordée par le juge.
De même, il a été jugé que la destination irrégulière peut entrainer le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction en fin de bail.
Enfin, le bailleur peut se voir allouer des dommages-intérêts s'il a subi un préjudice, conformément au droit commun.
Lorsqu'une activité non autorisée par le bail a été exercée, le locataire ne peut pas régulariser l'extension irrégulière en introduisant une demande de déspécialisation (Cass. civ. 9-1-1985 : Loyers 1985 n° 222).
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Joan DRAY
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