L'administrateur judiciaire dispose d'un droit d'option sur les contrats en cours au jour du jugement d'ouverture. L'exercice de ce droit implique qu'il puisse choisir de poursuivre ou non les contrats en cours, en considération de l'utilité de ces derniers et de la situation du débiteur qu'il représente.
S'il opte pour la continuation du contrat en cours, expressément ou spontanément, dont la prestation porte sur une somme d'argent, il doit s'assurer que le débiteur a les fonds nécessaires pour exécuter ce contrat. En cas de contrat à exécution successive, impliquant souvent des paiements successifs, il se peut que le débiteur ait les fonds nécessaires pendant un temps, puis se trouve en difficulté et ne puisse plus faire face à cette obligation.
Dans ce cas, l'administrateur doit mettre fin au contrat et prévenir le co-contractant.
Un arrêt de la chambre commerciale du 1er octobre 2013 rappelle que lorsque l'administrateur ne respecte pas ces dispositions, il engage sa responsabilité et le préjudice subi par le cocontractant doit être réparé intégralement (Cour de cassation, chambre commerciale, 1er octobre 2013, N°12-20.657).
I/ La continuation des contrats en cours : les diligences incombant à l'administrateur
Les règles régissant la continuation des contrats en cours sont exposées à l'article L 622-13, II, qui dispose que :
"II. - L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet.S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant".
L'administrateur peut opter pour la continuation du contrat en cours soit expressément, en informant formellement le co-contractant concerné, soit tacitement, en exécutant volontairement le contrat après le jugement d'ouverture.
Cependant, il a été jugé que le paiement des loyers par l'administrateur judiciaire, en attendant de prendre parti sur le contrat, ne permettait pas d'en déduire la continuation du contrat (Cour d'Appel de Paris, 3ème chambre, Section B, 8 janvier 2009, N°07/22294). Ainsi, le paiement de la contre-prestation du contrat par l'administrateur n'équivaut pas systématiquement à la décision tacite de continuer le contrat.
Toutefois, l'administrateur doit toujours informer le co-contractant du sort du contrat. Soit il décide d'y mettre fin dès l'ouverture de la procédure, et il doit en aviser expressément le co-contractant après y avoir été préalablement autorisé par le juge-commissaire. Soit il décide de le continuer, et il doit faire preuve d'une grande diligence concernant les échéances à venir.
En d'autres termes, on ne saurait concevoir, sans information du co-contractant, un défaut de paiement de la part de l'administrateur qui a exécuté volontairement le contrat après le jugement d'ouverture.
En effet, l'article L.622-13, II dispose que "s'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant".
La continuation du contrat en cours est justifiée par la possibilité pour l'administrateur de fournir la prestation promise au cocontractant du débiteur. Il doit donc s'assurer que le débiteur dispose de financements suffisants.
En cas de faute de la part de l'administrateur, il engage sa responsabilité et le préjudice ainsi causé doit être intégralement réparé.
II/ L'engagement de la responsabilité de l'administrateur en cas de manquement aux diligences imposées
Aux termes de l'article L. 622-13, II, l'administrateur a l'obligation de s'assurer du financement non seulement présent, mais futur, afin de garantir la bonne exécution du contrat en cours.
Il doit apprécier les possibilités financières de l'entreprise et il a été jugé qu'il engage sa responsabilité s'il continue le contrat sans vérifier la possibilité d'en financer l'exécution ou en fait une mauvaise appréciation flagrante (Cour de cassation, chambre commerciale, 9 juin 1998, N°95-12.841).
De même, s'il fait naître un passif d'exploitation injustifié, il commet une faute qui engage sa responsabilité (Cour d'Appel de Paris, 3ème chambre, Section A, 13 juin 2006).
Le co-contractant, subissant un préjudice du fait du défaut de paiement, est en droit d'en demander la réparation intégrale (Cour de cassation, chambre commerciale, 1er octobre 2013, N°12-20.657).
En l'espèce, il était question d'un contrat de prestation de service consistant en un stockage de marchandises au bénéfice d'une entreprise. Celle-ci a été mise en redressement judiciaire en juillet 2002, et l'administrateur a payé les factures jusqu'au mois de novembre 2002, où il n'assure plus les règlements mais n'informe pas pour autant le prestataire de la non-continuation du contrat.
Restant impayé des factures de novembre 2002 à avril 2003, le prestataire engage la responsabilité civile de l’administrateur judiciaire. La Cour d'Appel la retient de manière partagée car le cocontractant, n'ayant entrepris aucune action pour y remédier, a concouru pour moitié à son préjudice.
De plus, les juges d’appel se sont placés sur le terrain de la perte d’une chance de relouer les locaux occupés par l’entreprise défaillante.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt dans toutes ses dispositions, en considérant que le préjudice du fournisseur était certain en raison de la faute de l’administrateur qui avait, dans un premier temps, payé les factures, puis cessé de les payer sans aviser le cocontractant qu’il ne pouvait plus poursuivre le contrat.
En effet, le préjudice du prestataire était certain car si l'information avait été transmise par l'administrateur, le contrat aurait été interrompu dès novembre 2002 et aucun impayé ne serai survenu.
En conclusion, l'administrateur est tenu d'une obligation générale de diligence (de moyens) quant à la continuation des contrats en cours. La jurisprudence exige de lui une information en temps utiles du cocontractant lorsqu'il s'avère que le débiteur ne peut plus honorer ses engagements. A défaut, l'administrateur commet une faute qui engage sa responsabilité.
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Joan DRAY
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