Jusqu’à la loi du 26 juillet 2005, l'établissement de crédit pouvait engager sa responsabilité pour soutien abusif dès lors qu'il avait continué à soutenir artificiellement une entreprise dont il connaissait la situation irrémédiablement compromise ou qu'il lui avait consenti un crédit ruineux.
De fait, les établissements de crédit étaient peu enclins à fournir des concours financiers aux entreprises en difficulté.
Afin de favoriser la sauvegarde des entreprises, le législateur a posé le principe de non responsabilité de celui qui fournit un concours lorsque le débiteur fait l’objet d’une procédure collective.
En effet, l’article L650-1 du Code de commerce énonce que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsable des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci ».
Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles ».
Dès lors que les conditions de l'exclusion de responsabilité ne sont pas réunies, le droit commun de la responsabilité retrouve son empire. Le fournisseur de crédit peut donc engager sa responsabilité civile et pénale.
Il conviendra de voir dans un premier l’étendue du principe de non responsabilité (I) avant d’évoquer les exceptions à ce principe (II)
I- Le principe de non responsabilité :
L’exclusion de responsabilité concerne les créanciers qui ont consenti un concours.
Ainsi, ce texte n’a pas vocation à s’appliquer au seul établissement de crédit mais de manière plus générale à tout créancier.
La notion de concours financiers est également volontairement large. Elle inclut assurément tous les crédits quelle que soit leur qualification : les prêts, l'escompte, les découverts, les crédits garantis par une cession de créance professionnelle.
On peut aussi penser qu'il englobe les délais de paiement dans la mesure où la jurisprudence relative au soutien abusif les concernait.
Les concours ainsi visés sont ceux consentis à une entreprise en difficultés. Dès lors, il semble que la banque puisse être tenue pour responsable dans les conditions du droit commun lorsqu'elle consent un crédit à une entreprise qui n'est pas en difficultés au jour du crédit.
En outre, le texte ne distingue pas entre les concours consentis antérieurement à l'ouverture de la procédure et ceux consentis postérieurement
Dès lors, peu importe le moment où le concours est octroyé notamment il n’est pas nécessaire que ce soit un concours qui soit octroyé dans le cadre d’une procédure de conciliation.
De plus, l’exclusion de responsabilité est générale en ce sens que la responsabilité est écartée aussi bien à l'égard de l'entreprise que de ses créanciers ou des cautions.
Enfin, le texte ne remet pas en cause le droit d'agir des cautions qui peuvent invoquer une faute spécifique commise à leur égard.
II- Les exceptions
La première d’entre elles concerne la fraude, pouvant être définie comme l’acte accompli dans le dessein de préjudicier à des droits que l’on doit respecter.
Il y a une volonté d’accomplir un acte illicite, de porter préjudice à des droits que l’on doit respecter. L’établissement de crédit qui octroie un concours pour nuire par exemple ce qui est peu envisageable.
Avec cette exception, il s’agit d’éviter que des manœuvres ne soient exercées par le créancier qui consentirait une avance ou un crédit au débiteur dans un but autre que celui de maintenir l’activité de l’entreprise ou d’assurer sa pérennité
Ainsi, le créancier qui aurait recours à des pratiques frauduleuses dans le but de donner une fausse image de la situation du débiteur, comme par exemple la mobilisation par bordereau Dailly de factures ne correspondant pas à des créances réelles, espérant obtenir par la même le temps nécessaire à son désengagement, peut voir sa responsabilité engagée pour octroi irrégulier de crédits.
Cependant, le concept de fraude est assez floue et par conséquent laisse une place importante à l’appréciation des tribunaux.
La deuxième exception concerne la responsabilité du créancier en raison d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur.
Cette exception renvoie à l’hypothèse dans laquelle le créancier acquiert la qualité de dirigeant de fait en participant activement à la gestion du débiteur et en prenant seul des décisions importantes en ses lieux et place. Il s’agit ici d’une notion particulièrement utilisée pour caractériser la qualité de dirigeant de fait.
Lorsqu’il s'agit d'un établissement de crédit, ce dernier doit donc avoir manqué à son devoir de non-immixtion.
En effet, l'établissement n'a pas à juger de l'opportunité du crédit consenti, pas plus qu'il ne doit prendre les décisions à la place du chef d'entreprise. Le banquier a seulement l'obligation de prendre les renseignements nécessaires à sa prise de décision.
Ainsi, il a été jugé que le banquier reste dans son rôle lorsqu'il procède à des investigations destinées à vérifier le caractère réaliste du projet financé (CA Basse-Terre, 20 sept. 2004 : JurisData n° 2004-272168).
L’immixtion ne sera retenue que si elle est caractérisée.
A cet égard, la Cour de cassation a précisé qu’il faut pour considérer que l’’immixtion est caractérisée qu'une personne ait en fait exercé en toute indépendance une activité positive de direction dans l'entreprise (Cass. com., 12 juill. 2005, 2e esp. : JurisData n° 2005-029479 et n° 2005-029487).
Cependant la jurisprudence n'admet pas facilement l'immixtion, principalement lorsqu'elle se prononce dans le cadre d'une action en comblement du passif.
Ainsi elle a jugé que le banquier ne s'immisçait pas nécessairement dans la gestion dès lors qu'il conditionnait ses concours à des mesures d'organisation ou de restructuration de l'entreprise (Cass. com., 7 janvier 2004 : JurisData n° 2004-021752).
De même, la banque ne saurait agir en qualité de dirigeant de fait dès lors qu'elle se fait transmettre des créances par la voie du bordereau Dailly (Cass. com., 12 juillet 2005 : JurisData n° 2005-029575).
Comme dans l’hypothèse précédente, un large pouvoir d’appréciation est laissé au juge quant à l’existence ou non d’une immixtion caractérisée.
Enfin la dernière exception est relative à la disproportion des garanties par rapport aux concours consentis.
Il s’agit de sanctionner un créancier qui, connaissant la situation compromise de son débiteur, commet un abus dans la prise de garantie cherchant ainsi à s’assurer un positionnement avantageux par rapport aux autres créanciers.
La disproportion considérée doit être recherché entre le montant du crédit octroyé et la sûreté consentie car elle permet de mettre en évidence l’excès par lequel le créancier parvient à réduire considérablement les possibilités, pour les autres créanciers, de prendre des garanties efficaces sur le patrimoine du débiteur.
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Joan DRAY
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