La banque est le partenaire indispensable de l’entreprise, sans lequel elle ne peut se développer.
En effet, les entreprises ont recours tant à des concours bancaires à court terme du fait de la pratique de délais de paiement fournisseurs importante qu’à l’emprunt dans la mesure où elles ne peuvent pas se développer qu’avec des capitaux propres.
Dès lors qu’il accorde une ligne de crédit à une entreprise, le banquier doit se montrer vigilant sur l’évolution de sa trésorerie et de sa situation générale.
En effet, s’il s’avère que le banquier a continué de dispenser du crédit alors que la situation de la société était irrémédiablement compromise, ce dernier peut engager sa responsabilité pour soutien abusif.
Ce comportement constitue une faute en ce sens que de part son concours, le banquier a crée l’apparence d’une solvabilité qui a incité d’autres créanciers à octroyer des crédits et qui désormais ne peuvent plus se faire rembourser.
Avec la crise financière, une autre question a été mise en exergue, celle de l’éventuelle responsabilité de la banque pour rupture de crédit ou refus d’un crédit.
En effet, il est aujourd’hui fréquemment reproché aux établissements de crédit de faire preuve de frilosité dans l’octroie du crédit.
Cependant, si le crédit excessif peut facilement être source de responsabilité il n'en va pas de même du refus ou de la rupture de crédit. C’est qu’en effet, il n’existe pas de droit au crédit pour une entreprise. L’octroi de crédit est considéré comme discrétionnaire car il repose sur la confiance et celle-ci ne se mesure pas objectivement. Dans ces conditions, le banquier doit
Dès lors, il convient d’examiner comment l’établissement de crédit va pouvoir engager sa responsabilité en cas de rupture de crédit voire de refus de crédit. Dans le premier cas, la responsabilité est consacrée (I) dans le second cas, elle n’est seulement qu’envisageable (II).
I- La responsabilité du banquier pour rupture de crédit :
La question se pose lorsque le crédit a été octroyé pour une durée indéterminée.
Le principe de prohibition des engagements perpétuels conduit à dire que lorsque le crédit est à durée indéterminée chacune des parties peut y mettre fin librement sans avoir à en justifier.
Simplement, il ne faut pas que ce droit de rompre le crédit soit exercé abusivement.
L’abus pourrait être caractérisé par exemple lorsqu’il y a intention de nuire ou lorsqu’il y a rupture brutale du crédit.
- Les restrictions à la liberté de rompre le crédit :
S’agissant du crédit aux entreprise, le principe est posé à l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier qui dispose que : « Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours ».
Ce texte édicte donc plusieurs restrictions à la liberté du banquier en matière de réduction ou de rupture de crédit.
Ces restrictions consistent dans l'obligation faite aux donneurs de crédit d'accorder un délai de préavis et de le notifier à leurs clients avant toute réduction ou interruption d'un crédit à durée indéterminée autre qu'occasionnel.
L’article L313-12 prévoit un délai minimum uniforme de 60 jours pr toutes les catégories de crédit.
Lorsque la banque fait jouer son droit de rupture avec préavis, elle doit avertir par écrit son client et la notification ne doit pas être équivoque (Cass. com., 19 févr. 1991 : RTD com. 1991, p. 421, obs. M. - Cass. com., 18 mai 1993 : Banque mois 1993, p. 100, obs. J.-L. Guillot).
Ce préavis a pour but de permettre au débiteur de pouvoir faire face à la situation nouvelle en recherchant par exemple le concours d'autres établissements de crédit. L'établissement de crédit est dès lors fautif s'il rompt le crédit sans respecter un préavis (Cass. com., 14 déc. 1999 : JCP E 2000 p 202).
- Les exceptions : l’absence de délai :
L’article L313-12 du Code monétaire et financier prévoit deux exceptions en autorisant le banquier à rompre le crédit en l’absence de tout préavis.
Il s’agit tout d’abord du cas où le client est dans une situation irrémédiablement compromise.
La situation irrémédiablement compromise se distingue de la cessation des paiements. Dès lors, la banque peut soutenir que l'emprunteur était en cessation des paiements alors même qu'une décision a écarté la situation irrémédiablement compromise (Cass. com., 31 mars 2004 : JurisData n°2004-023103)). Inversement, ce n'est pas parce que l'entreprise est en cessation des paiements au jour de la rupture qu'elle est en situation irrémédiablement compromise (Cass. com., 21 janv. 2004 : JurisData n° 2004-022020)
En effet, la situation irrémédiablement compromise est plus qu'une situation alarmante (Cass. com., 2 nov. 1994 : RJDA 1995, n° 311), une situation précaire (Cass. com., 17 nov. 1998 : Dr. sociétés 1999, comm. 23), ou encore une situation très obérée (Cass. com., 11 mai 1999 :JCP E 1999 p 1730 ) ou encore extrêmement tendue (CA Montpellier, 17 oct. 2006 :JurisData n)2006-340946).
A cet égard et de façon étonnante, la chambre commerciale dans un arrêt du 19 octobre 1999 a jugé qu’une entreprise qui a fait l’objet d’un plan de continuation pouvait être considérée dans une situation irrémédiablement compromise.
La seconde exception concerne l’entreprise qui a eu un comportement gravement répréhensible.
Il s’agit ici des hypothèses de manœuvres, de falsifications de documents comptables pour inciter le banquier à octroyer du crédit….
Le comportement gravement répréhensible est le plus souvent retenu lorsque l'emprunteur ne respecte pas un engagement pris envers la banque, qui conditionne généralement le maintien des concours : cession d'une donation (Cass. com., 5 nov. 2002 : RJDA 4/03, n° 422), défaut de remise d'une créance en compte (Cass. com., 10 oct. 2000, arrêt n° 1663, inédit), non-respect de l'avertissement invitant le client à ramener le découvert dans les limites de l'autorisation (Cass. com., 26 mars 2002 : JurisData n°2002-013828).
- La sanction du non respect du délai de préavis :
Lorsque la rupture de crédit est intervenue sans préavis et qu'il n'existe pas de faits justificatifs, l'établissement de crédit doit être condamné au rétablissement du crédit.
En application des articles 809 al 1er et 873 du Code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner le rétablissement des crédits (Cass. com., 3 déc. 1991 : Banque juill.-août 1992, p. 734, obs. J.-L. Rives-Lange).
Cette solution a été confortée par la loi du 1er août 2003. La sanction du non-respect du préavis devient la nullité de la rupture du concours. Il doit s'agir d'une nullité absolue. L'établissement de crédit devra ainsi rétablir le concours interrompu, honorer les chèques dont il aura refusé le paiement.
L'établissement de crédit pourra, en outre, engager sa responsabilité pour le préjudice causé (Cass. com., 4 juill. 1995 : RJDA 12/95, n° 1402).
La responsabilité de la banque pourra être également engagée par un créancier.
En effet, dans l’hypothèse où la rupture intempestive de crédit aura provoqué la CDP, les créanciers auront vocation à demander réparation.
Par ailleurs, la loi tendant à favoriser l’accès au crédit des PME de 2009 limite encore plus la liberté des établissements de crédit dans la mesure où il doive désormais, fournir, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de la réductions ou interruption du crédit (art L313-12 CMF).
Ainsi, la rupture de crédit jusqu'alors totalement discrétionnaire doit ainsi être motivée.
II- L’absence de responsabilité pour refus d’un crédit :
Le principe de la prohibition de refus de vente ne s’applique pas au crédit.
Ainsi, le banquier est toujours libre de refuser de faire crédit.
N’existant pas de droit au crédit, le refus de crédit n’est pas en soi de nature à engager la responsabilité de la banque.
Cette solution a clairement été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu en AP du 9 octobre 2006 (Cass. ass. plén., 9 oct. 2006 : JCP G 2006, II, 10175).
Néanmoins, il faut que le banquier se soit comporté avec loyauté faute de quoi il peut engager sa responsabilité.
Ainsi, le banquier qui connaissait l’importance de l’opération pour le client et qui ne l’a prévenu suffisamment tôt du refus de crédit peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil .
De même, le banquier qui a laissé entendre très clairement à son client que le financement qui rompt brutalement les négociations commet une faute génératrice de responsabilité (CA Reims, ch. civ., 5 mars 2007, Banque populaire du Nord c/ Corniquet, rép. gén. n° 05/01692 : JurisData n° 2007-339992).
En conclusion, la responsabilité en cas de refus de crédit peut être engagée dès lors que les circonstances entourant le refus de crédit traduisent une intention de nuire ou tout du moins une mauvaise foi réelle du banquier. Mais, en aucun cas, le refus de crédit n’est en soi cause de responsabilité.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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