Responsabilité du vendeur en l’état futur d’achèvement à l’égard du syndicat des copropriétaires
Le vendeur d’un immeuble en l’état futur d’achèvement est tenu de la garantie décennale du constructeur.
Le régime des non-conformités et des désordres intermédiaires est complexe.
En l’absence de désordres, le vendeur n’est responsable à l’égard du syndicat des copropriétaires des non-conformités aux documents contractuels que si ceux-ci ont été rendus opposables au syndicat.
Quant aux désordres intermédiaires (dont les désordres esthétiques), le syndicat doit, depuis un arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2009, prouver la faute du promoteur.
Un arrêt en date du 8 septembre 2010 rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation permet de faire le point sur la responsabilité du vendeur d’un immeuble à construire à l’égard du syndicat des copropriétaires selon le type de désordres affectant les parties communes.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a retenu la responsabilité du syndic dans le cadre de ses obligations d’information et de conseil vis-à-vis des copropriétaires quant aux mesures à prendre pour vérifier l’existence de non-conformités.
Non-conformité contractuelle et responsabilité du promoteur à l’égard du syndicat
Les tribunaux sont hésitants sur la possibilité pour les syndicats des copropriétaires d’opposer aux promoteurs les notices descriptives jointes aux actes de ventes des copropriétaires pour sanctionner des non-conformités.
La Cour d’Appel de Paris a déjà estimé que la non-conformité des garde-corps et barres d’appui, par rapport à la notice descriptive jointe aux contrats de vente, engageait de plein droit la responsabilité contractuelle du vendeur d’immeuble à construire pour manquement à son obligation de délivrance à l’égard des acquéreurs regroupés en syndicat.
Dans l’arrêt du 8 septembre 2010, la Cour de cassation impose de vérifier que les documents contractuels ont bien été repris dans le règlement de copropriété pour être opposés au promoteur par le syndicat des copropriétaires.
En l’espèce, a été jugée légalement justifiée la décision de condamnation du promoteur-vendeur à indemniser le syndicat du préjudice résultant d’une insuffisance d’épaisseur des dalles de béton, même en l’absence de tout désordre dû à cette non-conformité.
Les juges du fond ont constaté que le règlement de copropriété faisait référence à une notice descriptive des travaux. Mais cette notice existait en deux versions. Devant cette contradiction, les juges ont interprété la convention en faveur du syndicat.
Le promoteur engageait sa responsabilité contractuelle à l’égard du syndicat pour avoir modifié son projet initial indépendamment de tout désordre.
Désordres intermédiaires et l’obligation de prouver la faute du vendeur
La Cour de cassation, dans son arrêt du 4 juin 2009, avait estimé que le vendeur était tenu, à l’égard des propriétaires successifs de l’immeuble, d’une responsabilité pour faute prouvée en matière de désordres intermédiaires.
L’arrêt du 8 septembre 2010 confirme cette jurisprudence.
En l’espèce, es salissures étaient apparues sur les façades de l’immeuble, en raison de l’absence de couvertines (chaperon de finition protégeant les murs).
Ces couvertines étaient prévues dans le document technique unifié (DTU) et le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), mais ne figuraient pas dans la notice descriptive.
Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont pu considérer que le syndicat ne pouvait se prévaloir d’une non-conformité, puisque la mise en place de couvertines ne figurait pas dans la notice descriptive, seule évoquée dans le règlement de copropriété.
S’agissant d’un défaut exclusivement esthétique, et aucune faute n’étant imputable au promoteur, sa responsabilité de droit commun ne pouvait être engagée.
L’incidence de la participation du syndic à la réception des travaux
Dans le cadre des contrats de vente en l’état futur d’achèvement, il existe une importante distinction à opérer entre la livraison de l’immeuble et sa réception.
La première constitue l’exécution par le vendeur de l’immeuble de son obligation de délivrance à l’égard des copropriétaires pour les parties privatives et à l’égard du syndicat pour les parties communes.
La seconde est « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves ».
Or, le Code de la construction et de l’habitation prévoit que « le vendeur conserve les pouvoirs du maître de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux ».
Il est exclu que le syndic, voire les copropriétaires, puissent participer aux démarches de réception.
Par la suite, le promoteur livre les parties privatives aux acquéreurs et les parties communes au syndicat des copropriétaires.
Cette livraison a seulement pour effet de transférer la responsabilité concernant la garde et l’entretien : le syndicat des copropriétaires n’étant pas partie aux contrats de vente, il n’a aucun titre pour bénéficier de la garantie des vices apparents.
En pratique, le syndic est souvent appelé à signer un document intitulé procès-verbal de réception des parties communes et à formuler des réserves.
Si le syndic omet de réserver des désordres ou non-conformités apparents, la tentation est grande de déchoir le syndicat de ses garanties.
Dans sa décision du 8 septembre 2010, la Cour de cassation rappelle la règle aux juges du fond tentés par cette décharge de responsabilité du promoteur.
Elle rappelle que «la réception des travaux prononcée sans réserve par le vendeur en l’état futur d’achèvement est sans effet sur son obligation de livrer un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles et que la participation des acquéreurs à cette réception n’a aucun effet juridique ».
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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