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Il est traditionnellement admis que le bailleur peut mettre fin au contrat de bail si son locataire ne paye pas les loyers et charges.
En effet, le bailleur s’engage à mettre à disposition les locaux en contrepartie du paiement des loyers par le locataire.
Il est donc admis par la loi que lorsque ce dernier n’exécute pas cette obligation qui est principale, le bailleur peut mettre fin au contrat.
L'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant.
Selon l'article 7 de la même loi, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Le congé pour motif légitime et sérieux motivé par le défaut de paiement des loyers est donc valable.
Néanmoins, la Jurisprudence a pu poser des tempéraments à cette règle.
Notamment, en ce qui concerne le caractère systèmatique de la sanction.
Nous distinguerons donc le cas où le bail ne prévoit aucune clause relative au non-paiement des loyers(A), du cas où le contrat contient une clause de résolution du contrat. (B)
A/ Le retard dans le paiement des loyers ne justifie pas toujours la résiliation du contrat
Si le bail ne prévoit rien, le bailleur va se fonder sur l’article 7 de la loi qui fait obligation au locataire de payer le loyer pour demander la résiliation du bail.
La question ici posée est celle de savoir si le « simple fait objective » de payer le loyer avec des retards permet la résiliation du bail.
Dans un arrêt récent, la Cour d’Appel de Versailles a considéré qu’un congé donné pour le motif de retards systématiques dans le paiement du loyer n’était pas justifié par un motif légitime est sérieux.
Il convient de préciser le raisonnement de la Cour, le non-paiement à terme des loyers reste un motif valable de congé, pouvant justifier un congé pour motif sérieux et légitime.
La Cour rappelle simplement que la résiliation du bail n’est pas automatique.
Le juge va observer la situation, in concreto , c’est-à-dire au cas par cas, pour apprécier si le manquement du locataire justifie réellement un congé.
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Dans un arrêt précèdent, la Cour d’Appel de Metz avait pu décider que la seule circonstance que le bailleur avait émis de nombreux rappels et que le locataire paye systématiquement son loyer avec un retard de dix à quinze jours, ne constituait pas, une atteinte suffisamment grave pour justifier le congé.
L'infraction au bail a pu être qualifiée de légère, les juges relevant que le loyer était payé chaque mois, et que le preneur occupait les lieux depuis onze ans. (CA Metz, ch. urgences, 11 mai 2010, n° 09/01281, Carniel c/ Luton : JurisData n° 2010-015616).
Dans le cas présent, les locataires payaient depuis 16 ans un loyer très élevé et augmentait, de manière conséquente. Ils avaient justifié de problèmes personnels qui avaient pu impacté sur leur situation personnelle.
La Cour a considéré qu’en raison de l’importance du loyer, de la régularisation rapide des incidents et de la durée du bail, le congé pour inexécution par le locataire de ses obligations n’était pas justifié.
(CA Versailles, 1re ch., 1er oct. 2013, n° 12/05449, Sakkarah c/ Pey : JurisData n° 2013-021739)
Cet arrêt constitue un rappel que la seule constatation de retards répétés dans le règlement du loyer ne suffit pas toujours à justifier le congé.
Des éléments tels que la durée du loyer, le nombre d’incident, la date de la régularisation sont pris en compte par le juge pour déclarer certains congés sans motif.
Toutefois il convient de réserver le cas particulier du contrat de bail contenant une clause résolutoire en cas de non-paiement des loyers à terme.
B/ Le cas particulier de la clause résolutoire
Lorsqu’une clause est insérée dans le contrat de bail stipulant que le non-paiement à terme entraîne la résiliation du contrat, dans ce cas, le juge des référés peut être saisi par le locataire.
La mise en demeure doit préciser, sous peine de nullité, que le locataire a un mois pour saisir le juge des référés.
Ce dernier va vérifier si les conditions de mise en œuvre de la clause sont réunies.
Par exemple, si le contrat prévoit que la mise en œuvre de la clause résolutoire est subordonnée à l’envoi préalable d’une mise en demeure, le juge doit constater l’envoi de la mise en demeure. Il peut, le cas échéant, regarder si le délai qu’elle contient a expiré.
Si tous ces éléments sont réunis, il prononcera la résiliation.
Mais il peut aussi accorder des délais de paiement à des arrières de loyers, généralement, le juge subordonne l’octroi des délais au paiement, à échéance, des loyers courants.
Au terme de ce bref article, on remarque donc que les juridictions peuvent tenir compte d’une difficulté passagère.
Néanmoins, le retard systématique dans le paiement des loyers sera sanctionné par la résiliation car il cause un préjudice au bailleur et constitue une infraction importante au contrat de bail.
Joan DRAY
Avocat