Le « retour à meilleure fortune ».
Lorsqu’une caution est appelée en paiement par le créancier pour une sûreté personnelle qu’elle a garantie, cette dernière dispose de moyens de défense.
Parmi elles, figure le principe de proportionnalité du cautionnement, prévue à l’article L 341-4 du Code de consommation, dont notre cabinet est intervenu dans différents contentieux, afin de libérer des cautions appelées en paiement.
Cette protection légale permet de priver le créancier professionnel de toute efficacité du contrat de cautionnement, dès lors qu’il est prouvé par le garant au moment de la conclusion de l’acte, une disproportion entre ses biens et revenus et son engagement.
Cependant la caution doit faire preuve de prudence, puisque cette privation ne cédera que si, au jour où elle est appelée, le retour à meilleure fortune de la caution lui permet de faire face à ses engagements.
Un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 1er mars 2016 (n° 14-16.402, n° 221 FS-PB), a rappelé qu’un cautionnement est valable, malgré son caractère disproportionné, dès lors que le patrimoine du garant était suffisant le jour où l’établissement de crédit l’ a appelé en paiement.
Dès lors, il convient de donner une définition du « retour à meilleure fortune », et de déterminer sa date d’appréciation.
- Définition du « retour à meilleure fortune ».
De manière habituelle, on retrouve « le retour à meilleure fortune » sous forme de clause. Elle dispose que le créancier abandonne sa créancier sauf s’il advient que le débiteur soit « revenu à meilleure fortune ».
Elle est notamment utilisée en matière de procédure collective, pour signifier que le créancier accepte de ne pas être payé pendant la durée d'un plan, et ne sera payé que si le plan au profit des autres créanciers est totalement payé.
Cela peut-être, pour un créancier "ami", de laisser la priorité aux autres créanciers, en acceptant de passer après eux, et de ne pas être payé tant qu'ils ne l'ont pas été eux-mêmes, sans leur faire subir son concours
En termes juridique, cette clause est assimilable en un abandon de créance sous condition résolutoire de paiement des autres créanciers.
Cependant en matière de cautionnement, « le retour à meilleure fortune » est différent, puisque d’une part, il n’est pas disposé sous forme de clause, et d’autre part, parce qu’il ne constitue pas le même contenu.
En effet le « retour à meilleure fortune » envisagé par l’article L 341-4 du Code de la consommation a pour finalité, non pas de décharger le garant de son obligation de règlement, mais de permettre au créancier de le poursuivre.
Pour cela, il incombe au créancier de prouver que : « le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, [lui permet] de faire face à son obligations » (arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 1er avril 2014, n˚13-11.313, FS-P+B).
Dès lors, le créancier doit démontrer un enrichissement du patrimoine de la caution, et que sa situation financière est suffisante pour payer son obligation qu’il détient envers le créancier, puisqu’il n’y a plus de disproportion entre ses biens et revenus au moment de l'appel de la sûreté.
Le « retour à meilleure fortune » envisagé par l'article L. 341-4 du Code de la consommation peut résulter également d'une diminution des charges.
Cette hypothèse peut se trouver réalisée lorsque les charges existantes à cette époque, qui permettaient de considérer le cautionnement comme disproportionné, ont été acquittées ou du moins réduites dans l'intervalle.
Tel a été le cas dans une espèce soumise à la Cour d'appel de Grenoble (CA Grenoble, 4 juin 2012, n° 10/01742 : JurisData n° 2012-013098). Les revenus de la caution étaient restés sensiblement identiques, mais la dette cautionnée avait été diminuée de moitié et les autres charges qu'elle assumait étaient devenues faibles.
Une fois le « retour à meilleure fortune » définie, il convient de se demander à quel moment apprécie-t-on ce critère.
- La date d’appréciation du « retour à meilleure fortune »
L'article L. 341-4 du Code de la consommation énonce qu'un "créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation".
Cette dernière précision conduit à ne pas limiter l'appréciation du patrimoine de la caution au jour de signature du cautionnement pour déterminer si son engagement est proportionné ou non.
Il faudra également examiner, si le jour où le créancier l'appelle en paiement, la caution n'a pas connu une amélioration de sa situation financière personnelle, lui permettant de faire face à son obligation.
De ce fait, pour caractériser le retour à meilleure fortune, il faut se placer au moment de l’appel en paiement.
Ainsi les tribunaux retiennent soit la date de mise en demeure de la caution, ou la date d’assignation envers ce dernier.
Cependant, le moment d’appréciation de l’action en paiement peut être différé, notamment dans le cadre de procédures collectives
Tel était le cas dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 1er mars 2016 n° 14-16.402 (n° 221 FS-PB).
En l’espèce, une société s'est vu consentir un prêt par une banque, garanti par un cautionnement. Une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard du débiteur principal, à l'issue de laquelle un plan de sauvegarde a été arrêté. La banque a assigné la caution en exécution de son engagement, après l'arrêté du plan de sauvegarde, mais avant la résolution de celui-ci et le prononcé de la liquidation judiciaire. La cour d'appel a considéré que le cautionnement était manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au sens de l'article L 341-4 du Code de la consommation mais elle a refusé de décharger la caution en considérant qu'à la date de l'assignation en paiement, la caution était en mesure de faire face à son engagement.
La chambre commerciale casse l’arrêt d’appel qui avait retenu la poursuite du créancier malgré une disproportion du cautionnement au moment de la conclusion du contrat, au motif qu’à la date de l’assignation en paiement, la caution était en mesure de faire face à son engagement.
La Haute juridiction précise que, le juge doit se placer au jour où la caution est assignée en principe. Néanmoins, lorsque, à ce moment, le débiteur principal bénéficie d'un plan de sauvegarde en cours d'exécution, l'appréciation doit être différée au jour où le plan n'est plus respecté, l'obligation de la caution n'étant exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal.
La solution résulte du caractère accessoire du cautionnement, lequel s'applique pleinement en cas de plan de sauvegarde mais est écarté en cas de plan de redressement.
En l'espèce les juges du fond auraient donc dû se placer à la date des premières échéances impayées du plan.
In fine, il convient de rappeler que la preuve d’appréciation « du retour à meilleure fortune » incombe au créancier.
Notre cabinet peut vous assister et vous représenter pour les litiges relatifs au cautionnement.
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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