Lorsque des relations commerciales sont établies, il peut arriver qu’à un moment donné, tout ne se passe pas comme prévu du fait de l’inexécution ou du manquement contractuel de l’une des parties, obligeant ainsi l’autre à rompre la relation de manière « brutale » sans préavis.
A ce titre, l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose « qu’engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels [...].
Qui peut rompre une relation commerciale établie?
Selon la loi, l'auteur de la rupture peut être un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers.
Sont dons exclues:
- les personnes morales de droit civil telles que les SCI,
- les associations,
- les professions libérales.
En ce qui concerne ces personnes, elles pourront introduire une action en justice sur d'autres fondements juridiques.
Qui peut être victime?
Alors même que la loi indique précisément qui peut être l'auteur de la victime, elle est revanche muette sur le statut de la victime.
De ce fait, la jurisprudence a reconnu le statut de victime à une association, à un sous-traitant et non pas seulement aux commerçants, artisans etc..
Qu'est-ce qu'une relation commerciale établie?
La notion de "relation commerciale établie" est une notion non définie qui, comme le note la doctrine, est une notion économique et non juridique".
La jurisprudence retient une acception très large de la notion de « relation commerciale établie ».
Sont concernées:
- les activités commerciales et les activités civiles,
- les ventes de produits mais les également les prestations de service.
- les contrats de vente ponctuels,
- les contrats à durée déterminée et indéterminée.
Dans un arrêt en date du 16 décembre 2008, la Cour de cassation a censuré l'arrêt qui avait écarté le jeu de l'article L 442-6, I-5° du Code de commerce au motif qu'il s'agissait d'une « activité par essence civile » en rappelant que toute « relation commerciale établie », qu'elle porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de services, entre dans le champ d'application de l'article L 442-6, I-5° du Code de commerce.
Certaines activités intellectuelles pourraient donc entrer dans le champ d'application de cet article.
Les relations peuvent être contractuelles ou délictuelles. Elles peuvent être précontractuelles (Cass. com., 5 mai 2009 : JurisData n° 2009-048476) ou post-contractuelles.
Il peut s'agir de relations à durée déterminée ou indéterminée. Des contrats successifs, qui ont un objet identique, peuvent constituer des "relations commerciales" au sens de l'article L. 442-6, I du Code de commerce.
Les relations peuvent avoir été formalisées par un écrit ou non.
Pour savoir si la relation commerciale est établie, les juges utilisent deux critères : la durée et l'intensité des relations commerciales.
Par intensité on entend des relations suffisamment longues.
Dans un arrêt récent du 1er juillet 2011, la Cour d’Appel a estimé que la constance des relations commerciales se déduit tant de la multiplicité des contrats conclus dont l'exécution s'est étalée sur plusieurs trimestres... que de la pluralité des documentaires... en sorte que chaque année, sans fléchissement significatif, la société Planète Prod élaborait des propositions d'émissions ».
Pour la Cour, « cette succession de conventions dont l'exécution a duré parfois plusieurs années, représente un courant d'affaires significatif de plusieurs millions d'euros par an et donne la mesure du caractère stable, suivi et même habituel des relations nouées par les parties, peu important que ces contrats fussent indépendants les uns des autres et aient porté sur des émissions distinctes ou encore, qu'ils aient contenu la clause d'usage permettant à la chaîne de mettre fin à la production et à la diffusion des programmes en cas d'audience insuffisante ».
Cette motivation permet d'établir de manière bien plus convaincante l'existence d'une relation commerciale établie (CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 1er juill. 2011, RG 10/12993, Planet Prod c/ France Télévision).
Comment se matérialise une rupture établie?
Toute relation commerciale peut être interrompue à condition de ne pas l'être de façon "brutale".
En d'autres termes, les conditions dans lesquelles intervient la rupture ne doivent pas être abusives.
En l'absence d'un tel abus, un contractant peut résilier unilatéralement un contrat à durée indéterminée sans avoir à motiver sa décision.
L’appréciation de la rupture s’effectue en fonction du type de relation commerciale établie et en fonction de l’objet du contrat.
Il peut s'agir d'une rupture totale ou partielle.
ll ressort que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.
Dans ce cas, la rupture est fautive.
Il existe cependant, des exceptions à l’interdiction :
L’article 442-6 I démontre la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
La référence à la force majeure a donné lieu à quelques décisions assez restrictives notamment au regard des circonstances économiques (CA Chambéry, 8 juill. 2010, RG n° 09/0191).
Les décisions relatives à la faute justifiant une dispense de préavis, voire une simple réduction, semblent rares (CA Paris, 18 mai 2011, SAS Bang & Olufsen France c/ SA Claudnat : JurisData n° 2011-009310).
La notion d'inexécution n'a guère fait l'objet de précision jurisprudentielle majeure.
Le texte lui-même ne fournit aucune indication sur la nature ou la gravité de la faute
En cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations, l'article ne précise ni la nature, ni le degré de gravité de l'inexécution contractuelle.
De manière générale, la jurisprudence tend à exiger un certain degré de gravité de la faute (Cass. com., 8 juin 1999 : RJDA 8-9/1999, n° 917).
Sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, les juridictions du fond ont parfois admis que la faute d'une partie justifiait la résiliation du contrat sans préavis par le cocontractant (CA Aix-en-Provence, 19 nov. 2004 : JurisData n° 2004-262144 : une inexécution partielle a pu justifier une rupture sans préavis).
L'inexécution doit être suffisamment caractérisée soit qu'elle soit grave, soit qu'il s'agisse de manquements de moindre gravité mais répétés et persistants malgré une ou plusieurs mises en garde préalables du partenaire contractuel, de nature à justifier la rupture des relations commerciales (CA Nîmes, 13 nov. 2003 : JurisData n° 2003-231301).
Le contractant qui prétend invoquer les manquements de l'autre partie sera bien avisé de constituer un dossier suffisamment étoffé pour emporter la conviction du juge en cas de litige.
Les manquements invoqués par l'auteur de la rupture sans véritable élément de preuve ne sont guère retenus par les magistrats.
La Cour de Cassation dans un arrêt du 24 mai 2011 vient confirmer les jurisprudences antérieures.
Dans cet arrêt, la difficulté venait essentiellement du fait que les faits d'inexécution émanaient aussi bien de la victime de la rupture que de son auteur.
La victime prétendait que l'inexécution devait revêtir une certaine gravité pour justifier une rupture sans préavis.
Elle contestait la motivation de la cour d'appel qui avait jugé que « les relations commerciales ne pouvaient plus se maintenir dans le climat existant entre les parties ».
La Cour de cassation a pu finalement juger que « le comportement d'une partie était suffisamment grave pour justifier l'annulation d'une commande par son cocontractant qui n'a, par conséquent, pas rompu brutalement la relation commerciale existant entre les parties (Cass. com., 24 mai 2011, n° 10-17.844, F-D, Sté Catana : JurisData n° 2011-010510).
La victime de la rupture avait été à l'origine de ses difficultés et avait conduit son cocontractant à la décision de rupture sans préavis.
Le comportement de la victime était suffisamment grave pour justifier l'annulation de la commande et il n'y avait donc pas eu rupture brutale.
La notion d'inexécution entendue comme une faute contractuelle d'une certaine gravité est ainsi admise par la Cour de cassation qui accepte de se placer dans le cadre tracé par le pourvoi, même s'il le rejette en définitive.
Seule une faute d'une certaine gravité autorise la partie qui souhaite rompre à ne respecter aucun préavis.
La brutalité de la rupture peut être influencée par la période au cours de laquelle celle-ci intervient. La situation est courante pour le secteur de l'habillement et de la mode.
Ainsi, un préavis qui aurait été jugé raisonnable, pourra être considéré insuffisant lorsqu'il intervient au cours d'un cycle de production (T. com., Paris, 21 mai 2001 : JurisData n° 2001-148634), ou avant la réalisation d'une opération commerciale ponctuelle (fêtes des mères dans le secteur de la parfumerie, CA Paris, 11 avr. 2002 : JurisData n° 2002-179300).
Il faut savoir qu’une lettre recommandée avec accusé de réception constitue le moyen le plus efficace de manifester clairement son intention de rompre les relations commerciales, tout en permettant de démontrer avec date certaine qu'un délai suffisamment long a été respecté.
L'exigence de motivation n'est nullement inscrite dans l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce et le défaut de motivation d'une rupture des relations commerciales établies n'est pas une faute susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, selon une jurisprudence constante (Cass. com., 6 janv. 1987 : Bull. civ. 1987, IV, n° 7).
La jurisprudence va même jusqu'à considérer que "le fait que le prétexte invoqué soit faux ne leur interdit en rien de rompre les relations commerciales (CA Versailles, 10 juin 1999 : JCP E 2000, p. 1221).
Même si la rupture était dûment motivée, celle-ci ne serait pas pour autant légitime au regard de l'article L. 442-6, I, 5°du Code de commerce.
La jurisprudence sanctionne également l'attitude déloyale de l'auteur de la rupture qui n'a pas clairement annoncé sa volonté, et exige en cette hypothèse un abus manifeste de la part de l'auteur et lorsqu'il n'a jamais adressé de préavis écrit même si dans les faits les relations commerciales ont été maintenues pendant un cours délai.
Mon cabinet est à votre disposition pour tous conseils et contentieux.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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