Sanctions de la mauvaise foi du débiteur dans la procédure de surendettement
La procédure de surendettement est ouverte aux personnes physiques qui sont dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles exigibles et à échoir.
Parmi les conditions de recevabilité aux procédures de traitement du surendettement, l’on retrouve l’exigence de bonne foi.
Un débiteur de bonne foi est celui qui adopte une attitude loyale exclusive de toute intention malveillante.
A contrario, le débiteur de mauvaise est celui auquel il peut être reproché une intention malveillante l’ayant conduit à une situation de surendettement.
La bonne foi du débiteur est une condition d’éligibilité au dispositif légal de traitement des situations de surendettement qui peut être contestée à tout moment de la procédure (CA Paris, 8 juin 2005).
Le non respect de cette obligation, en fonction de l’état d’avancée de la procédure peut entraîner soit, a priori, l’irrecevabilité de la demande (I) soit, a posteriori, la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement (II).
I Sanction a priori : irrecevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement.
La mauvaise foi sanctionnée du débiteur (b) suppose que les caractéristiques de la bonne foi ne soient pas réunies (a). Il s’agit de situations exclusives l’une de l’autre.
a) Caractéristiques de la bonne foi
Le bénéfice de la procédure de traitement du surendettement est réservé aux débiteurs de bonne foi (art. L. 330-1 du Code de la consommation).
La bonne foi permet de distinguer deux situations :
- Celle dans laquelle le débiteur a fait preuve d'imprudence ou d'imprévoyance et s’est engagé au-delà de sa capacité financière. Auquel cas, il mérite de bénéficier de la procédure de traitement du surendettement (CA Versailles, 28 juin 1990).
- De celle dans laquelle le débiteur s’est sciemment surendetté pour vivre au-dessus de ses moyens tout en espérant être déchargé d'une partie de ses dettes en bénéficiant de la procédure de traitement du surendettement (Cass. 2e civ., 9 juin 2005 ; Cass. 2e civ., 20 janv. 2005)
La loi ne donne pas de définition de ce qu’est ou ce que doit être la bonne foi du surendettée, celle-ci est laissée à l'appréciation souveraine des juges.
Ces derniers l’appréhendent globalement en ayant recours à un faisceau de critères (Cass. 2e civ., 10 févr. 2011).
La jurisprudence en la matière diverge et il est possible de distinguer la théorie de la bonne foi contractuelle de la théorie de la bonne foi procédurale.
La bonne foi contractuelle s’apprécie par rapport au comportement du surendettée vis-à-vis de ses créanciers, c’est de la manière dont celui-ci a essayé de respecter chaque engagement contractuel qui l’ont conduit à une situation de surendettement (Cass. 2e civ., 22 mars 2007).
La bonne foi procédurale s’apprécie au regard du comportement du débiteur à l'ouverture et au cours de la procédure de surendettement, ce qui consacre la théorie de la bonne foi procédurale (Cass. 2e civ., 7 juin 2007).
Quels sont les éléments à prendre en compte pour déterminer la bonne foi ?
Tout d’abord les circonstances dans lesquelles l’endettement est né. Est ce que le débiteur avait conscience ou non de créer un endettement excessif ou d'aggraver son surendettement, sans avoir ni la possibilité, ni la volonté d'y faire face (Cass. 2e civ., 7 juin 2006 ; Cass. 2e civ., 22 mars 2007 ; Cass. 2e civ., 20 janv. 2011 ; Cass. 2e civ., 17 févr. 2011) ?
Les juges apprécient également si les dettes étaient nécessaires ou somptuaires, c’est à dire relatives à des dépenses ostentatoires (CA Paris, 29 nov. 1990 ; CA Nancy, 23 févr. 1998 ; CA Angers, 5 févr. 2008).
Le niveau socio-professionnel ou culturel du débiteur ainsi que les événements personnels qui auraient pu légitimer une augmentation de l’endettement (voir respectivement TI Tours, 3 mai 1990 ; CA Paris, 13 janv. 2009).
Les juridictions n’auront pas le même degré de tolérance pour l’ouvrier qui aggrave son endettement dans l’optique de financer la scolarité de son quatrième enfant que pour le dirigeant qui adopte la même démarche dans l’optique de financer l’achat de sa troisième voiture de sport.
Le simple fait de ne pas être en mesure d’expliquer les causes d’un endettement massif et soudain ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi du débiteur (Cass. 2e civ., 15 juin 2009).
Par contre, elle sera caractérisée à l’encontre d’une personne qui fait des déclarations mensongères et des manœuvres déloyales pour justifier le maintien d’un train de vie incompatible avec une situation de dépenses manifestement excessives (CA Paris, 13 janv. 2009 ; Cass. 1re civ., 11 janv. 2006 ; Cass. crim., 13 janv. 2010).
b) Reconnaissance de la mauvaise fois du débiteur.
La bonne foi du débiteur se présume (Cass. 1re civ., 4 avr. 1991) cela signifie qu’il appartient aux créanciers qui invoquent la fin de non-recevoir tirée de la mauvaise foi d'en rapporter la preuve (Cass. 1re civ., 4 avr. 1991).
Elle peut être soulever d’office par la juge uniquement à partir des éléments du dossier, la fin de non-recevoir résultant de la mauvaise foi du débiteur (art. L. 141-4 dans le Code de la consommation).
Les faits constitutifs de la mauvaise foi doivent être en rapport direct avec la situation de surendettement du débiteur.
Elle ne peut se déduire d’une précédente décision judiciaire dotée de l'autorité de la chose jugée ayant reconnu la mauvaise foi du débiteur sans tenir compte des éléments nouveaux propre à la situation(Cass. 2e civ., 10 mars 2005).
Elle ne peut pas non plus se déduire de la nature des dettes du débiteur (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004 ; Cass. 2e civ., 7 juin 2006).
L'absence de bonne foi ne perdure pas et peut disparaître du fait de la survenance d'éléments nouveaux apparus depuis la première demande (Cass. 2e civ., 13 sept. 2005).
L'irrecevabilité de la demande pour mauvaise foi est une sanction personnelle du débiteur qui s'en rend coupable.
Si la demande est effectuée par un couple, la bonne foi s’apprécie en distinction chez chacun des conjoints et la reconnaissance de la mauvaise de l’un n’entraîne pas automatiquement la reconnaissance de la mauvaise foi de l’autre.
Les juges doivent donc procéder à un examen individuel de la bonne foi de débiteurs mariés (Cass. 1re civ., 14 mars 2000 ; Cass. 1re civ., 18 oct. 2000 ; Cass. 2e civ., 12 juin 2008).
Cette solution est également applicable à un couple en concubinage (Cass. 1re civ., 27 févr. 1997 ; Cass. 1re civ., 5 mars 2000) ou pacsé.
II Sanction a posteriori :déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement
L’exigence de bonne foi se retrouve également une fois la procédure de surendettement engagée.
Si le surendetté fait preuve de mauvaise fois, il risque de voir prononcer à son encontre la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement.
La mise en œuvre de cette déchéance (b) suppose la réunion d’un certain nombre de condition (a).
a) Conditions nécessaires au prononcé de la déchéance
Le code de la consommation vise expressément certaines situations dans lesquelles le débiteur est déchu du bénéfice de la procédure de surendettement (art. L. 333-2 du Code de la consommation) :
« 1° Toute personne qui aura sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts ;
2° Toute personne qui aura détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens ;
3° Toute personne qui, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aura aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou aura procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de l'article L. 331-7 ou de l'article L. 331-7-1 ».
Bien que pouvant se recouper avec l’appréciation de la mauvaise foi du débiteur, la déchéance vise à sanctionner le comportement du débiteur après l’ouverture de la procédure de surendettement.
L’appréciation de la bonne foi conditionne la recevabilité de la demande alors que le prononcé de la déchéance sanctionne le comportement du débiteur préalablement admis au bénéfice de la procédure (CA Nancy, 27 sept. 1995).
Quelques exemples de causes justifiant le prononcé de la déchéance :
- Débiteur qui omet sciemment de déclarer un de ses créanciers à la commission de surendettement (Cass. 1re civ., 9 nov. 1999) ;
- Débiteur qui fait une donation d'un bien immobilier à leurs enfants trois semaines avant la première saisine de la commission et se refusent à l'audience à vendre leur résidence (CA Paris, 13 sept. 2006) ;
- Débiteur qui dissimule frauduleusement un héritage (CA Douai, 26 févr. 2004) ou la perception de revenus (CA Dijon, 11 déc. 2007) ;
- Débiteur qui souscrit, alors qu’il n’y est pas autorisé, de nouveaux emprunts (Cass. 1re civ., 13 mai 1997) ;
- Débiteur qui achète un nouveau véhicule à l'aide de fonds provenant du déblocage d'une épargne salariale autorisée dans l’unique but de recouvrer des dettes relatives à la procédure en cours (CA Dijon, 25 févr. 2005).
La déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement nécessite donc de démontrer un comportement actif et malveillant du débiteur qui aggrave son endettement de manière injustifiée.
À l’inverse, la déchéance ne peut être prononcée à l’encontre du débiteur dont l’augmentation du passif est provoquée par le non-paiement d'une dette locative ou par l'apparition d'un arriéré d'impôt (Cass. 1re civ., 12 janv. 1999).
b) Mise en œuvre et prononcé de la déchéance
Elle peut être prononcée par le juge ou par la commission de surendettement.
La déchéance peut être prononcée par le juge à l'occasion des recours exercés devant lui ainsi que dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
Ce jugement est susceptible d’appel dans les conditions de droit commune (art. R 335-2 Code de la consommation).
Elle peut aussi être prononcée par la commission par décision motivée, notifiée au débiteur et aux créanciers par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (art. R. 335-1 Code de la consommation).
Cette décision est susceptible d’un recours au fond devant le juge qui est lui-même susceptible d’appel (art. R. 335-1 et R. 335-2 Code de la consommation).
Dans ce cas, les juges ont la possibilité de moduler la sanction, sans automatiquement prononcer la déchéance notamment en fonction de son impact potentiel sur la situation du surendetté (Cass. 1re civ., 26 nov. ; Cass. 1re civ., 27 oct. 1992).
Le prononcé de la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement est une sanction personnelle qui ne s’étend pas automatiquement au conjoint du débiteur en cas de demande conjointe (Cass. 1re civ., 13 mai 1997) et qui ne fait pas obstacle au dépôt ultérieur d’un nouveau dossier de surendettement (CA Paris, 22 mai 2007).
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Joan DRAY
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